Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

marc ducret

  • Ici, sans bruit et nulle part Ayler…

    peter_brunn.jpgÇa fait un bout de temps que je voudrais évoquer ici le travail de Stéphane Berland. Ce passionné éclectique veille en effet avec un soin méticuleux, pour ne pas dire amoureux, sur un double label dont il est à la fois l’âme et la tête pensante. Double, oui : le premier, Ayler Records, publie des enregistrements sous la forme de disques, des vrais, avec une belle pochette digipack et un CD dedans, tandis que le second, Sans Bruit, se limite mais peut-on parler de limite quand il est question de passion et d'exigence ?  à des sorties au format numérique exclusivement. Il m’arrive souvent de penser qu’il faut être courageux, voire un peu fou, pour être traversé par l’idée de prêter vie à une entreprise aussi audacieuse en nos temps de consommation musicale « gratuite », surtout lorsque les choix artistiques de la personne qui la dirige sont frappés au sceau d’une forme réelle d’insoumission. On n’entre pas chez Ayler ou Sans Bruit sans imaginer que quelque chose de différent va se produire. Ici les musiciens (ou musiciennes) ne cherchent pas le consensus : ils explorent, confrontent leurs imaginaires en toute liberté, empruntent des chemins éloignés des autoroutes musicales mainstream, prennent le risque parfois de heurter la sensibilité de certaines oreilles habituées au confort de la répétition. Chez eux, on voit et surtout on entend bien que la musique est une matière première dont le modelage est infini et que rien ne saurait être asséné comme vérité.

    Au cours de la période récente, Ayler a laissé la créativité de quelques artistes précieux s’exprimer avec beaucoup de générosité : en témoigne par exemple Garden(s) signé Daunik Lazro, Didier Lasserre et Jean-Luc Cappozzo. Une formule atypique (saxophone, trompette, batterie) grâce à laquelle le trio cultive un désir d'échappées qui s'épanouit aussi bien sur ses propres compositions que sur un répertoire entré dans la légende (Duke Ellington, John Coltrane, Albert Ayler). On voudrait se perdre dans ces jardin enchantés... Autre trio, celui formé par la saxophoniste Alexandra Grimal en compagnie de Valentin Ceccaldi (violoncelle) et Benjamin Duboc (contrebasse). Tous les trois ont donné naissance à un si singulier Bambú qu'on a parfois le sentiment que leur musique intime, rugueuse et sinueuse, tour à tour pacifiée et inquiétante, est venue des profondeurs d'une forêt qu'on n'aura jamais fini d'explorer. Ou bien encore le formidable Miroir des ondes du batteur Michel Blanc, et sa plongée dans le grand bain de l’actualité politique des années 70 pour raviver quelques souvenirs et déployer un langage musical dont les douces folies évoquent parfois l'aventure Henry Cow. Bien sûr, il serait injuste d'oublier la contrebassiste Sarah Murcia et son Never Mind The Future, soit une proposition de relecture (il fallait oser, tout de même !) du Never Mind The Bollocks des Sex Pistols. J’avais évoqué ce disque ici-même au moment de sa sortie. Pour finir, il me semble impossible de ne pas mentionner l'extraordinaire performance du Quatuor Machaut en l'abbaye de Noirlac, sous la houlette de Quentin Biardeau. Ou comment, par la force de quatre souffles conjugués, faire revivre La Messe de Notre Dame, composée au XIVe siècle par Guillaume de Machaut. Il y a de l'éternité dans ce disque que j'avais salué au moment de sa sortie.

    Ces quelques illustrations n'ont d'autre but que de vous donner l’envie d’aller fouiner dans les moindres recoins de cette petite caverne d’Ali Baba sonore des lendemains qui ne chantent pas toujours, mais dont vous savez qu’ils sont suffisamment imprévisibles pour vous électriser. L’obstination de Stéphane Berland, finalement, a des airs d’encouragement : ici, malgré les temps difficiles, on ne baisse pas les bras.

    Chez Sans Bruit, le catalogue est tout aussi passionnant. Les deux dernières productions du label ont mis la pianiste Sophia Domancich à l’honneur : en groupe avec son Pentacle pour un disque live : En hiver comme au printemps. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, la dame nous a aussi gratifiés d’un disque solo, sobrement (et malicieusement) intitulé So. Une démonstration so... laire, c'est évident. Je n’oublie pas de surcroît qu’il y a quelques années, c’est par l’intermédiaire de ce label que j’avais découvert l’univers de Sylvain Rifflet, avec Beaux-Arts. Il y a six ans, déjà, le début d’un beau et long voyage aux côtés du saxophoniste.

    La dernière production made in Berland est à mettre à l'actif de Peter Brunn et de son All To Human. Ce batteur danois s’est acoquiné avec trois aventuriers qu’il connaît bien, au premier rang desquels le guitariste Marc Ducret, un habitué de la maison. Ecoutez donc Metatonal, par exemple, mais soyez vigilants car mettre un pied dans le monde de Ducret, c’est prendre le risque d’avoir du mal à en revenir. J'ai du mal à expliquer ce phénomène de dépendance : peut-être son origine se trouve-t-elle dans les racines très rock du guitariste, qui pour beaucoup sont communes aux miennes. Le bougre peut revendiquer dans un même disque des amours pour Bob Dylan, Genesis ou King Crimson, c'est dire... À leurs côtés, Kasper Tranberg (trompette et cornet) et Simon Toldam (claviers). Le résultat a pour nom Vernacular Avant-Garde et laisse supposer qu'il s’agit de creuser si possible un peu plus profondément encore le sillon de l’inattendu. Mais paradoxalement, le disque est une réussite en ce qu’il sait vous diriger vers ses propres territoires, souvent imprévisibles, sans pour autant vous perdre. Voilà une musique dont les contours plutôt mélodiques sont d’apparence simple ; son langage porte et emporte, entre jazz improvisé et tentations plus progressives, pour ne pas dire ambiantes. La singularité de formule sonore tient pour beaucoup à la présence marquante des claviers (en particulier du moog de Simon Toldam, très complice de la trompette) et de la guitare électrique et rageuse aux accents parfois frippiens, comme souvent, de Marc Ducret. À la croisée des chemins, une fois encore.

    À travers ces quelques lignes, vous aurez compris que je voulais saluer en toute humilité le travail de Stéphane Berland. Surtout, il était important pour moi de lui faire part de mon admiration : ce monsieur est de ceux qui sont habités de rêves et, coûte que coûte, mettent toute leur énergie au service de leur réalisation.

    Ayler Records, Sans Bruit, vous formez une belle maison, qu'il est aisé de découvrir à travers vos sites internet respectifs tant les extraits de disques sont nombreux. Y séjourner, le temps d’écouter un album ou deux, ou plus bien sûr, est un plaisir à chaque fois renouvelé. À peine s’en éloigne-t-on qu’on voudrait y revenir. S’y perdre pour mieux se retrouver. Rester vivant.

  • La mer qui avance

    Quelques variations descriptives autour de As The Sea, le nouveau disque en quartet du tromboniste Samuel Blaser.

    blaser_asthesea.jpgSamuel Blaser est un hyperactif et sa discographie récente témoigne d’une créativité plutôt exceptionnelle. A trente ans, le Suisse fourmille d’une foule de bonnes idées, au premier rang desquelles celle qui lui fournit l’occasion d’être l’un des derniers musiciens à collaborer avec le grand Paul Motian, pour le disque Consort in Motion et sa relecture très singulière de l’œuvre de Monteverdi. Mon camarade Franpi avait très justement salué ce travail, ce que j’aurais bien pu faire moi-même, d’ailleurs, quand j’y réfléchis. Néanmoins, je n’avais pas manqué de saluer à peu près à la même époque, c’est-à-dire fin 2011, la parution de Boundless, un enregistrement live en quartet publié sur le label Hat Hut dont l’effet de séduction avait été total. Entouré de Marc Ducret (guitare), Bänz Oester (contrebasse) et Gerald Cleaver, Blaser délivrait un jazz libre et frémissant de vie, affichant ainsi un profond désir d’aller voir ailleurs si nous y étions bien. Ce qui était le cas, assurément...

    Même formation, même label, même stimulation : pour notre plus grand plaisir, le quartet est de retour avec As The Sea, autre démonstration live de son inventivité mais cette fois issue d’un seul concert (et non de plusieurs comme c’était le cas pour Boundless), enregistré au mois de novembre 2011. Un disque en quatre longs mouvements qui s’enchaînent dans une célébration du principe de liberté appliqué au chant des instruments. Voilà une musique captivante, jamais en repos, dont la profonde respiration devient très vite la nôtre.

    Mais attention : au début, ce disque n'est pas sans danger… pour lui-même ! Car l'écoute du premier des quatre mouvements, qui laisse de côté l'idée d'un thème ou d'une suggestion de mélodie à laquelle se raccrocher, pourrait en dérouter plus d'un. Voilà en effet une masse sonore qui avance vers nous, comme une longue vague, porteuse d'une inhabituelle combinaison instrumentale, dont le mouvement est à la fois ample et lent : trombone, guitare, contrebasse, batterie, instruments mêlés, textures changeantes, élaboration de couleurs et installation d'un climat un peu sauvage, un drôle de territoire, sinon hostile, du moins intranquille. Il faut accepter le jeu de l'immersion. Et puis… au bout de quelques minutes, il y a comme de l'électricité dans l'air, à mi-chemin, entre le flux et le reflux : Marc Ducret zèbre l'espace, il plante les premiers appels banderilles de sa guitare convulsive ; une invitation pour Samuel Blaser - qui vient très vite lui répondre - à venir ferrailler, poussé en cela par une une rythmique qui est entrée dans la danse avec ferveur. Blaser esquissera une mélodie avant de laisser à la matière sonore le temps de s’écouler jusqu’à l’extinction... On comprend alors que quelque chose, une alchimie de l'instant, s'est joué devant nous. Si elle avait encore un sens, on serait tenté d'employer l'expression de jazz d'avant garde (ce qui suppose que l'on sache où trouver la garde, un exercice auquel il semble aujourd'hui périlleux et vain de se risquer). Choisissons le qualificatif de jazz organique : on comprendra pourquoi un peu plus loin…

    La fougue imprimée au deuxième mouvement s'inscrit de manière plus explicite dans le sillage du jazz rock électrique de Miles Davis, celui de la période Bitches Brew et de ses longues chevauchées instrumentales. Et c'est là un sacré compliment car, bien loin d'apparaître datée, la musique du quartet de Samuel Blaser se met à vibrer d'un profond groove propulsé par les riffs de Marc Ducret, qui permet au tromboniste d'exprimer avec une toute sa générosité l'étendue de son talent. L'énergie de l'Helvète trentenaire est contagieuse, elle nourrit dans l'instant un savoureux dialogue avec Gerald Cleaver, visiblement conscient d'être, à l'instar de ses petits camarades, the right man in the right place, avant que Ducret, encore lui, tout en éclats dissonnants, ne vienne y mêler son grain de cordes. Derrière, ou plutôt à côté parce que le mot hiérarchie est à bannir de ce quatuor de l'équilibre, on devine la mine réjouie de Bänz Oester rien qu'à la rondeur gourmande de son drive. Pas besoin d'images, la musique suffit. Ces quatre lascars s'y entendent à si bien s'entendre. Leur plaisir est alors le nôtre et l'on pressent qu'une insinuation se fait jour. En ce sens que, de minute en minute, cette musique s'insinue, un phénomène de contamination déjà observé avec Boundless… Ne faudrait-il pas parler, aussi, de musique virale ?

    Le même Oester se voit confier la parole pour assurer la transition avec le troisième mouvement, il est très vite rejoint par un Marc Ducret omniprésent qui poursuit son travail d'exploration, dont les stridences en arrière-plan instaurent un climat inquiet. Mais Blaser accourt auprès d'eux et fait monter la tension, comme s'il s'agissait de retenir le plus longtemps possible, en ménageant le suspens, une explosion inévitable. Celle-ci ne tardera pas, sous le feu des coups de cymbales assénés par Cleaver qui vont dessiner un ciel de cuivre jusqu'au bout. Une machinerie puissante se met en branle, offrant la silhouette d'une étonnante fanfare hallucinée dont le pas serait réglé sur une cadence imprévisible, mais jamais hésitante. Comme s'il s'agissait d'avancer, coûte que coûte, quitte à en bousculer quelques uns sur son passage. C'est le prix à payer quand on libère une telle énergie !

    La conclusion, celle du quatrième mouvement, s'annonce plus chantante, son écriture syncopée et rythmiquement complexe fournit la matière d'un travail collectif d'une grande homogénéité. Blaser virevolte, explore les possibles de son instrument, engage une course joyeuse avec lui-même, avec les autres. Titillé par son phrasé trop enjoué pour demeurer monologue, Ducret rapplique, embarque tout le monde derrière lui (formidable combinaison Oester Cleaver qui crée le foisonnement, quelle générosité !) et libère sa rage contagieuse jusqu'au final. C'est du très grand art, on a parfois l'impression d'avoir assisté en direct à la naissance d'un être vivant. Voilà bien la raison pour laquelle ce jazz constamment sur le fil du rasoir mérite l'épithète organique et peut-être est-ce là, d'ailleurs, la vérité d'un quartet, parfait quadrilatère, dont on imagine que seule une captation live peut rendre compte de la créativité ?

    coupdemaitre.jpgAs The Sea, prenons les paris, s'impose d'emblée, non seulement comme un des albums les plus ébouriffants de l'année, par sa fière liberté, son besoin existentiel d'exploration et la communion de ses acteurs, mais aussi comme une nouvelle preuve de la force fédératrice de Samuel Blaser. Autour de lui, trois musiciens accomplis trouvent une réponse à cette question que beaucoup de leurs pairs, par humilité, se posent souvent : peut-on ajouter quelque chose à ce qui a déjà été dit depuis des décennies en musique ? La réponse semble être oui à l'écoute de l'album parce qu'on se dit qu'il restera toujours une matière vivante à (re)modeler, un moment d'émerveillement à susciter, ceux-ci n'appartenant pas à un univers fini, mais au contraire en expansion. Un espace dont il ne tient qu'à chacun d'entre nous d'ouvrir les portes pour se laisser emporter...

    Et c'est exactement ce qui se passe avec ce disque : on s'émerveille, on se nourrit. Il y a du "coup de maître" dans l’air ! Que demander de plus ? Rien, sinon la suite, très vite, des aventures de monsieur Blaser !


  • Sans limites

    samuel_blaser_boundless.jpg

    Allez hop, un bon vieux virage à 180 degrés ! Après le prairie rock de l'attachant Indio Saravanja ; après le southern rock du regretté Duane Allman, je vous emmène pour un petit tour chez un jeune tromboniste Hélvète dont on parle de plus en plus et qui semble n'avoir pas froid à la coulisse...

    Attention toutefois : je préfère annoncer ici qu'avec Samuel Blaser, nous ne sommes pas forcément en terrain balisé et qu'il faut accepter d'être un peu dérangé dans son confort auditif si l'on veut participer aux joutes exploratoires qu'il nous propose. De façon un peu simpliste, on le range dans la catégorie des musiciens dits d'avant-garde. Mais ces étiquettes sont irritantes parce que toujours réductrices. Et traduisent très mal la jubilation qu'on peut éprouver à s'embarquer sur un terrain parfois escarpé mais ô combien fertile !

    C'est le doux prix à payer : celui de l'inconnu et de cette incertitude roborative sans laquelle une création ne serait qu'une répétition. À certains moments, on veut reconnaître, à d'autres on cherche à connaître. Et pour ne rien vous cacher, ce n'est qu'après trois voire quatre écoutes attentives que ce disque a fini par me dévoiler ses atours. Parce que la musique - comme toute forme d'art - est aussi une affaire d'initiation. Au prétexte que je ne parle pas le Japonais, devrais-je en conclure qu'un quotidien de Tokyo ne dit rien d'intéressant ? J'aurais plutôt tendance à opter pour un apprentissage de la langue...

    Samuel Blaser est un musicien actif. Pour ma part, j'avais pu noter la singularité du tromboniste lorsqu'il avait rejoint le Quartet de Bruno Tocanne et ses 4 New Dreams. Plus récemment, son Consort In Motion écrivait un palimpseste audacieux de la musique de Monteverdi, dans un projet auquel était associé le batteur Paul Motian, toujours avide de nouvelles expériences du haut de ses 80 ans.

    Avec Boundless le bien nommé - une traduction possible serait sans limites - Samuel Blaser met en lumière à la fois ses qualités d'improvisateur et de fédérateur. Il faut dire qu'en faisant appel au guitariste Marc Ducret, il trouve un partenaire dont le moins qu'on puisse dire est que le bonhomme a du répondant ! Deux animateurs inventeurs, deux agitateurs artificiers toujours à l'affût, sans cesse prêts à rebondir sur l'idée de l'autre, à la creuser, la décortiquer et la maintenir en vie coûte que coûte. Je profite de la publication de ce disque pour rappeler à quel point Ducret est une personnalité essentielle de la scène actuelle : pour vous en convaincre, refaites un petit tour du côté de son trop éphémère Sens de la Marche ou de ses récents Tower, volumes 1 et 2. Sacré personnage qui va même ici glisser quelques motifs que ne renierait pas un Robert Fripp.

    Le disque est structuré autour d'une suite en quatre parties enregistrées live : à peine le thème rapidement esquissé que la musique s'envole pour une stimulante conversation à quatre voix libres et complices. Quatre parce qu'aux côtés de Blaser et Ducret officient le contrebassiste Banz Oester et le batteur Gerald Cleaver. Ces deux-là sont partie prenante de la fête et ne laisseraient pour rien au monde le débat se dérouler sans eux. Le terme de conversation n'est pas écrit par hasard : il me semble traduire assez fidèlement l'esprit qui règne sur ce disque. Les idées fusent, chacun les reprenant à son compte dans une cause collective : au final, le motif dessiné est réjouissant, imprévisible, foutraque et stimulant.

    Je ne m'y connais pas assez en trombone pour formuler un avis circonstancié sur le jeu de Samuel Blaser. Tout au plus puis-je souligner sa vivacité et ses qualités exploratoires de l'instrument. Ainsi que sa faculté - très appréciable au demeurant - de retrait dès lors qu'il s'agit de permettre aux trois autres de dérouler le fil de leur histoire. Oui, Samuel Blaser a aussi l'intelligence de savoir ne pas jouer pour mieux écouter et rebondir.

    Publié sur le label Suisse Hat Hut, Boundless est séduisant par l'addition de petits trésors d'invention qu'il aligne devant nous, sans complexe et dans un désir d'aller voir ailleurs si nous y sommes.

    Et nous y sommes bien en effet, tout ragaillardis par cette bonne friction que le Quartet nous a accordée. Quant à savoir si Boundless relève de l'avant-garde, de l'après-garde ou de je ne sais quoi, j'aurais tendance à dire que je m'en moque comme de l'an 40. L'essentiel est là, dans la profusion des énergies et le désir de regarder devant soi.

    Sans limites, vous dis-je !

  • Euphorique

    marc_ducret.jpgVoilà un disque qui fait un bien fou ! Pendant que nos vieilles gloires rabâchent à n'en plus finir et pour un montant astronomique un répertoire usé jusqu'à la corde aux frais de la princesse (rendez-vous sur la note publiée hier pour en savoir plus), il est des artistes, certainement moins fortunés, qui empruntent des chemins de traverse - dont on ne sait pas forcément où ils vous emmèneront et c'est parfait ainsi ­- pour vous proposer une cure d'oxygénation totalement euphorisante. Le guitariste Marc Ducret est de ceux-là, dont Le Grand Ensemble réunit un orchestre de onze musiciens pour un album appelé Le Sens de la Marche. Une parfaite mise en place conjuguée à de nombreux espaces de liberté accordés aux solistes font de ce disque une impeccable réussite qui n'est pas sans évoquer par moments - mais je limiterai volontairement ici les références dans la mesure où Marc Ducret, musicien fouineur et expérimental, peut difficilement faire l'objet de parallèles - les échappées libertaires d'un groupe comme Henry Cow et de son guitariste Fred Frith, lui-même jamais à court d'une idée inouïe (au sens propre du terme). Cerise sur le gâteau, ce beau disque enregistré en public (« Parce que je suis trop malheureux en studio ») fin décembre 2007 au Delirium à Avignon est disponible pour une somme très raisonnable (15 € frais de port inclus) sur Internet, même si l'on aurait préféré le trouver dans les bacs de tous les disquaires.

    "Dans ce groupe, j'essaie de proposer une direction musicale tout en laissant chacun libre d'influer sur le son d'ensemble, de sorte que chaque musicien peut décider à tout moment du sens de la marche..."

    Pas de souci monsieur Ducret, dans cette histoire, nous marchons bien volontiers dans le même sens que vous !

    Marc Ducret : guitares, Bruno Chevillon : basse électrique, Eric Echampard : batterie, Antonin Rayon : piano, Fender Rhodes, clavinet, Paul Brousseau : claviers, samples, Tom Gareil : vibraphone, marimba, Matthieu Metzger : saxophones alto et soprano, Hugues Mayot : saxophones ténor et baryton, Yann Lecollaire : clarinettes, flûte, Pascal Gachet : trompette, bugle, trompette basse, Jean Lucas : trombone.

    En savoir plus sur Marc Ducret

    Commander Le Sens de la Marche


    En écoute : un court extrait de « Total Machine »