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art sonic

  • Deuxième cérémonie de remise des « Coups de Maître »

    Eh oui, le temps passe très vite, les disques n'en finissent pas de pleuvoir au point qu'un rapide calcul suscite mon effarement : depuis un an, j'ai dû “découvrir” environ 150 albums. C'est peu, juste une goutte dans l'océan de la musique, par comparaison au volume de la production mondiale, tous genres confondus ; mais c'est énorme si, comme moi, vous disposez d'environ 365 jours chaque année (parfois 366, je l'admets) pour consacrer un peu de temps à vos passions. Sachant que bon nombre de ces nouveaux arrivants misicaux nécessitent plusieurs écoutes, sachant aussi que leurs prédécesseurs méritent de revenir au front (et parfois, croyez-moi, ils reviennent de très loin et s'accrochent à vos basques en vous suppliant de ne pas les oublier), vous comprendrez aisément que la tâche n'est pas si facile. Passionnante, source de plaisirs multiples mais, tout de même, un sacré boulot ! Quant à l'idée saugrenue consistant à extirper dix élus de cette abondante récolte, on peut la considérer d'un œil amusé, se dire que l'exercice est vain, penser aussi qu'il sera forcément injuste (c'est vrai). Mais ce choix est une façon de revenir en arrière, de se souvenir des émotions les plus fortes et des élans singuliers que certains disques ont suscités. Et d'avoir une pensée pour les oubliés, dont beaucoup nous ont offert des instants singuliers.

    Alors voilà pour l'année 2013 : dix albums, tous très beaux, choisis parmi un grand ensemble dont bien des éléments auraient très pu aisément franchir la barrière de mes « Coups de Maître ». Tiens par exemple, prenez Slim Fat de l'Imperial Quartet... eh bien, il serait volontiers entré dans ma confrérie du moment, rien que pour sa dégaine sonore pas comme les autres et son déluge saxophonique...  Pareil pour Le Rêve de Nietzsche de Jean-Rémy Guédon et son Archimusic, quand jazz et hip hop s’acoquinent avec la philosophie... Et je ne vous parle même pas des Passagers du Delta, du Trio ALP, si beau, en deux temps, dans son livre élégant.

    Et puis, on va encore me dire que la coloration de ma sélection est très hexagonale ! J'assume ces choix, ce qui ne signifie pas pour autant que j'ignore la musique qui a vu le jour ailleurs, Outre-Atlantique notamment. Mais je connais plein d'amis qui parlent très bien, beaucoup mieux que moi, de musique et dont les écrits sont toujours passionnants : Jean-Jacques Birgé, Franpi Sunship, Mozaïc Jazz, Les Dernières Nouvelles du Jazz, Belette Jazz, Ptilou's Blog, JazzOCentre, Jazzques, Les Allumés du Jazz, et quelques autres que vous n'aurez aucun mal à dénicher. Vous pouvez prendre le risque d'aller faire un petit tour chez eux : dans le pire des cas, ils vous donneront envie de vibrer encore plus fort avec leurs choix ; dans le meilleur, ils finiront pas vous convaincre que – comme nous tous – il vous faudra vivre d'autres vies pour étancher votre soif de musique !

    Ma petite sélection sans prétention apparaît dans l'ordre chronologique de l'arrivée des disques dans ma boîte aux lettres. Il m'est arrivé d'écrire à leur sujet, n'hésitez pas à cliquer sur les repères... pour en savoir [+] !

    Festen
    Family Tree

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDeuxième volet des aventures de cette jeune quarte qui allie la science du jazz à l’énergie du rock. Damien Fleau (saxophone), Maxime Fleau (batterie), Jean Kapsa (piano) et Oliver Degabriele (contrebasse) écrivent une musique dense, nerveuse et habitée. Ils savent aussi atteindre l’épure, privilège des grands, leur « Grandfather’s Bed » en est une preuve. On est heureux de se sentir un peu comme membre de cette belle famille au sein de laquelle circule une énergie très contagieuse. [+]

    Samuel Blaser
    As The Sea

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GEncore une très belle année pour le tromboniste ! Hyperactif, notre Helvète préféré a notamment doublé la mise avec deux albums qui séduisent par la somme d’imagination et de liberté qu’ils respirent. Tout récemment, Mirror To Machaut offrait une relecture limpide de la musique de deux Guillaume du Moyen-Âge : de Machaut et Dufay. Mais avec As The Sea, Blaser avait sculpté quelques mois plus tôt la matière sonore d’un univers mouvant et jamais fini, en compagnie de ses amis Marc Ducret, Gerald Cleaver et Bänz Oester. Un disque énigmatique et passionnant de bout en bout.  [+]

    Rémi Gaudillat
    Le chant des possibles

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLe souffle cuivré d’un quatuor libre et onirique : celui de Rémi Gaudillat et Fred Roudet (trompette, bugle), Loïc Bachevillier (trombone), Laurent Vichard (clarinette basse). Quatre musiciens qui savent demander à leurs instruments de dépasser leur rôle de respirateurs naturels et leur donner le muscle de la pulsation. Leur musique entre ombre et lumière exhale un parfum impressionniste des plus séduisants, elle est une porte grande ouverte sur un imaginaire poétique dans lequel on plonge sans réserve. [+]

    Stéphane Chausse & Bertrand Lajudie
    Kinematics

    festen,samuel blaser,remi gaudillat,christophe marguet,alban darche,art sonic,gordiani desprez scarpa,olibier bogé,dominique pifarely,pan-gQuand deux amis décident de se donner les moyens et le temps de faire aboutir un vieux rêve : jouer une musique dont chaque détail compte, par un travail d’orfèvre appliqué à une matière sonore qui fait l’objet d’un soin maniaque. Leur jazz funk bienvenu est habité d’un gros son, il est interprété par une ribambelle d’amis dont certains ne sont pas les derniers venus, comme Marcus Miller. Un disque de plaisir total, qu’on écoute avec gourmandise en se disant qu’une production aussi aboutie est tout de même rare de nos jours. Chouette cadeau ! [+]

    Christophe Marguet Sextet
    Constellation

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GUn récidivisite, déjà haut placé en 2012, j'espère ne pas l'assommer avec mes coups de mâitre à répétition... Cette fois, le batteur joue la carte d’une dream team aux couleurs chatoyantes et forme un orchestre dont les richesses n’en finissent pas de se dévoiler au fil des écoutes. Constellation est de ces disques dont on peut dire sans se tromper qu’ils sont empreints de magie. Normal, Christophe Marguet s’est entouré de magiciens : Régis Huby (violon), Steve Swallow (basse), Benjamin Moussay (claviers), Chris Cheek (saxophone) et Cuong Vu (trompette). Du grand art. [+]

    Gordiani, Desprez, Scarpa
    21

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLa formule est d’une apparente simplicité. 21 signifie ici 2+1, et plus exactement deux guitares et une batterie. Une combinaison originale et très électrique. Il y a ici tout ce qu’on aime (enfin, quand je dis on, je parle de moi, mais je sais que je ne suis pas seul à penser ainsi) : l’énergie, l’imprévu, le mystère, la fougue, les élans... En quarante minutes, Philippe Gordiani, Julien Desprez et Emmanuel Scarpa mettent les doigts dans la prise de courant de leur imaginaire et zèbrent de leurs éclairs notre ciel qui ne demande pas mieux qu’on lui fasse ainsi frissonner les étoiles. Coup de cœur et de foudre garantis à tous les amoureux des escapades un peu folles ! [+]

    Ensemble Art Sonic
    Cinque Terre

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDécidément, Sylvain Rifflet (clarinette, saxophone) et Joce Mienniel (flûte) sont au sommet de leur art. En 2012, ils figuraient déjà en très bonne place dans ce palmarès. Avec l’Ensemble Art Sonic, ils inventent un univers géographique et sublimé, une musique de chambre du XXIème siècle. A leurs côtés, Cédric Chatelain (hautbois, cor anglais), Baptiste Germser (cor) et Sophie Bernardo (basson) sont les pièces vitales d’un quintette à vents irrésistible. Mine de rien, on assiste avec ce très beau disque à la naissance d'une musique qui n'en est qu'à ses premiers frémissements, en attendant la suite, qui nous comblera. [+]

    Olivier Bogé
    The World Begins Today

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GQue la lumière soit ! Après nous avoir raconté l'histoire d'un voyageur imaginaire, le saxophoniste prouve avec son second disque qu’il est bien plus qu’un jeune musicien talentueux : il est aussi un humain conscient, en quête d’un chant solaire qui irradie sa musique de la première à la dernière note. Il est entouré d’amis de renom : Tigran Hamasyan, Jeff Ballard, Sam Minaie. Ces derniers savent mettre leur art, avec humilité, au service d’une inspiration/respiration commune qui s'épanouit sur des compositions d'une grande limpidité. Bogé partage, partageons sa musique... [+]

    Dominique Pifarély / Ensemble Dédales
    Time Geography

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GAussitôt arrivé, déjà au sommet de la pile ! Neuf musiciens haut de gamme composent l’Ensemble Dédales dirigé par le passionnant violoniste Dominique Pifarély : Guillaume Roy (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Vincent Boisseau (clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Pascal Gauchet (trompette, bugle), Christiane Bopp (trombone), Julien Padovani (piano), Eric Groleau (batterie), tous au service d’une musique à la fois savante et nourrie d’une pulsion hypnotique, libre et engagée dans l'invention de nouveaux paysages entre jazz et musique de chambre contemporaine. Time Geography est un disque aux variations subtiles, dont les richesses se dévoilent au fil des écoutes. 

    Alban Darche
    My Xmas traX

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GC’est d’une certaine manière le label Pépin et Plume d’Alban Darche qui est ici récompensé. Sa première référence, L’Orphicube, manifestait un fort pouvoir de séduction. Mais en fin d’année, le saxophoniste glissait au pied du sapin un second disque, une boîte de Noël un peu magique, pleine à craquer de chants tels que tous les enfants que nous sommes rêvent d’écouter le soir de la veillée. Un disque durable et enchanté, au plaisir augmenté par la lecture d'un conte signé Franpi Barriaux. Quoi, on n'a plus le droit de dire du bien des copains ? [+]

    Alban Darche, pour ses deux albums pépinoplumesques, mais aussi parce que les mois qui viennent de s’écouler nous auront valu de sa part d’autres disques ô combien précieux, reçoit à l’unanimité de mon jury (dont je suis le seul membre, je le précise par honnêteté, et je ne vous cacherai pas qu'il m'arrive fréquemment de ne pas être d'accord, ce qui complique beaucoup les choses, parfois) le Maître d’Honneur 2013 : Cube, Gros Cube ou Orphicube, tout est bon chez le saxophoniste ! Ce ne sont pas les camarades Citoyens Julien ou Franpi (encore lui...) qui me démentiront...

  • Jeunesse sonique

    Quelques mots, pas un de plus, au sujet de Cinque Terre, premier album de l’Ensemble Art Sonic.

    art sonic, sylvain rifflet, jocelyn mienniel, citizen jazzSi j'étais un type normal – donc paresseux – je n'aurais qu'une seule chose à vous dire : allez donc voir (et pour votre information, je n'y suis pas), car tout ce que je voulais vous expliquer au sujet d'un disque magnifique a déjà été écrit, et beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Normal, c'est le chef des Citoyens qui s'y est collé, alors vous pensez bien que je ne vais pas me risquer à formuler la moindre esquisse de soupçon de début de réserve. Non, sans rire : si après la lecture de sa chronique de Cinque Terre, cet album parfait de l'Ensemble Art Sonic (le premier qui me glisse un truc du genre… « et vieilles dentelles » se verra condamné à écouter sans pause au casque et à très fort volume durant une semaine l'intégrale des enregistrements live de Céline Dion, aucune remise de peine ne pouvant être accordée), vous n'avez pas envie d'en savoir plus et de vous lancer dans la découverte de cette musique incomparable, alors franchement… je me verrais dans l'obligation de vous priver de dessert à vie !

    Donc, je pourrais en rester là, considérant par ailleurs qu'au fil de votre butinage méthodique des pages de Citizen Jazz, vous auriez matière à bien connaître ces deux architectes de la matière sonore que sont le clarinettiste saxophoniste Sylvain Rifflet et le flûtiste Jocelyn Mienniel. D'ailleurs, si je ne m'abuse, j'ai déjà évoqué ici-même ces deux larrons créatifs, saluant le pouvoir de séduction de leur musique. Pas besoin de vous le rappeler, n'est-ce pas, puisque vous aviez tous ces compliments en mémoire. Et pourtant, si vous m'y autorisez, je vais, comme on le dit un peu vulgairement, en remettre une couche. Et je ne serai pas avares de liens placés au cœur du texte à votre attention, pour que vos connaissances sur le sujet fassent de vous de véritables experts riffletomiennieliques. Vous apprécierez votre chance, je le sais.

    Comme vous l'avez compris, ça fait un petit bout de temps que je guette du coin du pavillon le réjouissant laboratoire dont Rifflet et Mienniel sont les chercheurs inspirés : parfois séparément, souvent ensemble, ces deux musiciens semblent avoir décidé de vibrer pour la seule cause qui vaille la peine à leurs oreilles curieuses, celle de la musique sans cesse réinventée. En moins de cinq ans, on a vu éclore, sous l'impulsion de leurs volontés farouches, toute une série de petites merveilles.

    Plus précisément, il faut bien le dire, depuis l’année dernière, ces deux beaux artistes nous gâtent. Auparavant déjà, différents indices nous avaient mis en alerte sur la capacité de chacun d’entre eux à produire du sang neuf. Par exemple Rocking Chair, cette formation dans laquelle Rifflet et la trompettiste Airelle Besson, je cite mon camarade Citoyen Franpi,  « exprimaient en liberté une fraîcheur et une cohérence qui participe de cette régénérescence du jazz français qui fait passer l’émotion et le son avant les dogmatismes ». C’est non seulement très bien dit mais en plus c’est très juste. Mienniel, quant à lui, était depuis quelque temps l’une des pièces maîtresses de l’ONJ sous la direction de Daniel Yvinec. Il y avait aussi ce duo expérimental et électronique appelé L’encodeur, enregistré en 2009 et publié l’année dernière sur le label de Jocelyn Mienniel, Drugstore Malone. Ils faisaient là une première démonstration commune de leur soif de modelage de la matière sonore par le souffle. Mais 2012 s’apparente à un grand cru : Rifflet publie un magnifique Beaux-Arts, que j’ai salué en son temps (c’est ICI) ; et très vite, le voici qui fourbit un Alphabet enchanté dont il m’a été impossible de ne pas vanter les grandes qualités (c’est ) et qui comptait parmi ses membres, outre Philippe Gordiani et Benjamin Flament, un certain... Jocelyn Mienniel ! Ce dernier, pas en reste, dégainait de son côté un réjouissant Paris Short Stories dans lequel la logique des trios variables était appliquée à la multiplication des couleurs. Une nouvelle réussite, un autre écho de ma part : ICI ! On ne s’étonnera pas que l’une de ces triplettes était investie par un clarinettiste du nom de Rifflet. Vous me suivez ? Oui, et vous avez bien compris que nous avons affaire à de sérieux clients, dont je surveille de très près chacun des faits et gestes musicaux, parce qu’à l’avance, je sais que j’y trouverai largement de quoi m’abreuver. À soiffard, soiffard et demi !

    Or, voilà qu'avec l'Ensemble Art Sonic et leurs envoûtantes Cinque Terre, Rifflet et Mienniel se lancent dans une nouvelle exploration. Pour mémoire, le groupe a fêté sa naissance le 1er décembre dernier à l’Atelier du Plateau. Je tiens beaucoup à ce mot « exploration », parce qu'il me semble correspondre à leur désir de conquérir de nouveaux territoires et à leur aptitude à en observer les moindres détails. Art Sonic est un quintette à vents qui va de l'avant (oui, je sais… c’est nul !) et rebat les cartes d'un jeu qui ne manquait déjà pas d'atouts. Autour des deux directeurs artistiques préposés aux flûtes et aux clarinettes, Cédric Chatelain (hautbois et cor anglais), Baptiste Germser (cor) et Sophie Bernardo (basson) sont les acteurs d'une formule qui se pare des atours de ce qu'on pourrait appeler une musique de chambre contemporaine. Mais une musique qui ne serait ni classique, ni jazz, mais ailleurs - un très bel ailleurs - soumise à l'influence de compositeurs tels que Debussy mais aussi à celle, plus hypnotique, des tenants de l'école dite minimaliste (à plusieurs reprises, on pense à Steve Reich pour sa science des déphasages et des imbrications de cycles rythmiques – sur « Riomaggiore » par exemple) et qui s'inscrit dans une recherche de nouvelles couleurs ; on ne s'étonnera pas que certaines des compositions soient inspirées par des peintres, comme Mondrian par exemple avec « Composition With Blue ». Mais attention, quand on parle de couleurs, il ne faut pas penser uniquement aux associations de timbres et aux textures sonores que celles-ci font apparaître (et à ce petit jeu chacun des cinq musiciens s'y entend pour explorer son instrument dans tous ses retranchements), mais se dire qu'un flûte, une clarinette, un basson, un cor ou un hautbois, hauts lieux de la respiration, sont plus que des sources de souffles ! Avec eux, le rythme, la pulsion, la percussion, le bruitisme… toutes les imaginations sont sollicitées dans un objectif partagé d'invention poétique.

    Parce qu'avec Cinque Terre - et donc bien au-delà des méthodes et techniques employées - ce sont d'abord des images, un grand tableau, qu'Art Sonic projette pour chacun de nous. Je ne vais pas passer ici en revue chacune de ses scènes parce qu’avant tout le disque est à prendre comme un ensemble, une sorte de fresque, mais ne serait-ce que pour vous donner une petite idée de sa force de suggestion, voici deux ou trois illustrations à ma façon. En images, bien sûr !

    Tenez par exemple, avec « Sequenza Delle Cinque Terre », Art Sonic nous invite à découvrir des villages accrochés au bord d'une falaise dans la Ligurie italienne. Il y est question de bateaux et de leur va-et-vient, de cornes de brume : voilà une célébration qui, une fois le décor planté, vous donne l'impression d'être un oiseau survolant un somptueux paysage ! On entend presque le battement de ses ailes, on se sent grisé par les espaces qui s'offrent, au bord d'un étourdissement heureux. Un peu plus tard, « Ferrata » crée l'illusion d'un voyage à bord d'une locomotive à vapeur. Et que sont donc ces mystérieuses « Herbes luisantes » (composées par le jeune magicien Antonin Tri-Hoang, par ailleurs conseiller musical de l'album) qui vous donnent l'impression de ramper au sol dans la fraîcheur d'un petit matin ? Ailleurs encore, Art Sonic ne cesse de faire changer les couleurs, trouvant des ressources insoupçonnées dans le basson pour évoquer les variations de teintes d'un érable du Japon (« Les mélodies éphémères »). J'en arrête là avec mon petit cinéma imaginaire…

    On le comprend, cette présence intriquée du souffle, des sonorités organiques et des rythmes fascine sans jamais faiblir. Tout autant musicale que picturale, l'expression artistique de l'Ensemble Art Sonic est de celles qu'on aime par dessous tout parce qu'elle libère notre imagination tout en nous conviant à un voyage dont chaque étape est la source de nouvelles découvertes. On se dit aussi que Rifflet, Mienniel et leurs complices élaborent devant nous une musique durable, qui ne s'érodera pas avec le temps. En nous associant de plein droit à ses créations, Art Sonic décuple notre plaisir. À coup sûr, Cinque Terre est un des très grands disques de l'année !

    Ah... j’oubliais de vous rappeler que son acquisition est hautement recommandée ! Le label Drugstore Malone est là pour ça... je le précise au cas bien improbable où vous l’auriez déjà oublié.