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  • Esclaves

    breakfast_in_babylon.jpgVoilà une captivité qui a du bon et à laquelle on succombe volontiers, d'autant qu'il s'agit là non pas d'une volonté de nous enchaîner, mais plutôt de nous... déchaîner et de nous nourrir d'une musique hautement dosée en énergie !
    Pour moi, l'histoire a commencé en octobre 2007 lorsqu'Olivier Temime et ses Volunteered Slaves avaient déployé leur belle machine à rythme dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations. La petite salle de la MJC Pichon doit encore s'en souvenir et le répertoire joué à l'époque, celui de l'album Streetwise, était déjà des plus réjouissants. Bis repetita, notre sympathique aréopage vitaminé remet le couvert avec un second opus, Breakfast in Babylon, pour nous proposer, je cite, « un festin musical aux confins du jazz, du funk et de l'afro-beat ». Bingo, voilà encore une affaire qui marche, et même très bien. Quand on peut se permettre de convoquer en cuisine des chefs tels que Prince (« Controversy »), Marvin Gaye (« I Heard It Thru The Grapevine »), les Jackson 5 (« I Want You Back ») ou Herbie Hancock (« Butterfly ») et relever leurs mets déjà bien goûteux de recettes originales signées pour la plupart d'Emmanuel Duprey, l'homme des claviers et de Jérôme Barde, spécialiste patenté du bardophone (pour faire simple, nous présenterons cet instrument comme une guitare qui lui est propre), il y a fort à parier que le menu, bien que particulièrement copieux, sera parfaitement digeste. Et vous pouvez m'en croire, on quitte le festin, l'estomac bien rempli mais léger, après avoir savouré chaque plat et essuyé proprement toute la sauce dans nos assiettes. Pas question d'en laisser ! Chance pour vous tous, ce bon restaurant - je n'ose dire qu'il est dirigé par une bande de toqués, mais en matière de cuisine, c'est là un compliment ! - est accessible à la plupart des bourses. Ce serait un peu stupide de s'en priver...

    Olivier Temime : saxophones ténor et soprano, Emmanuel Duprey : Fender Rhodes et claviers, Jérôme Barde : bardophone, Arnold Moueza : percussions & chant, Akim Bournane & Philippe Bussonnet : basse, Julien Charlet : batterie.

    podcast
    En écoute, un extrait de « Joy » (Jérôme Barde)

    On peut se procurer le disque ICI par exemple...

  • Libres

    kitmainslibres.jpgIl m'arrive d'observer mes contemporains et de m'apercevoir que je ne les comprends pas toujours... Prenez cette merveille de la technologie qu'on nomme « kit mains libres » : après s'être rendu compte qu'en arborant, comme vissé à l'oreille, ce moche machin nommé oreillette Bluetooth (imaginez qu'on vous colle un Stabilo Boss sur le lobe, voilà en gros à quoi ça ressemble, sauf que vous ne pouvez même pas vous en servir pour surligner les passages importants du dernier bouquin de Marc Lévy), les bipèdes atteignaient un niveau de ridicule proche du suicide esthétique, ils ont ensuite reporté leur amour de la technologie communicante sur des écouteurs filaires munis d'un petit interrupteur qui permet de décrocher et raccrocher en toute simplicité, comme ils l'auraient fait avec un téléphone ordinaire. Jusque là, rien d'extraordinaire, mieux même, voilà un objet dont le corps médical recommande l'usage dans la mesure où il épargnerait le cerveau de l'agression des ondes méchantes, parce qu'il éloigne notre tête de l'appareil. Le problème est ailleurs... Car j'ai observé, vous dis-je ! Et je reste un peu perplexe face à l'usage qui est fait de cet ustensile : je vois qu'on tient d'une main le téléphone (Pourquoi ? Le fil serait-il trop court ? La poche d'une veste ou d'un pantalon contrarierait-elle la propagation des ondes ? Mystère...) et que de l'autre, on soulève le fil pour rapprocher le micro de sa bouche ! Résultat des courses : au lieu d'avoir les mains libres, on les a bien plus occupées qu'avec un vulgaire téléphone. Notez toutefois que je préfère mille fois ce spectacle plutôt réjouissant à celui que nous infligent les partageurs. Vous ne connaissez pas les partageurs ? Allez, je suis sûr que vous en avez déjà croisé. Vous savez bien, ces gens qui tiennent absolument à vous faire profiter à fond de mini haut-parleurs au son pourri du dernier machin truc jetable qu'ils ont téléchargé plus ou moins légalement et qui déambulent dans les rues pour que chacun de nous puisse en profiter...

  • Départ

    HughSourire.jpgEncore un grand monsieur qui nous quitte... Après Elton Dean et Pip Pyle en 2006, le bassiste Hugh Hopper, l'une des figures de proue de ce courant musical qu'on appelle l'Ecole de Canterbury, vient de faire le grand saut, emporté par une leucémie à l'âge de 64 ans. Après l'époque des Wilde Flowers au milieu des années 60 (dont faisaient partie notamment Robert Wyatt et Kevin Ayers), Hugh Hopper fut l'un des membres de Soft Machine entre 1969 et 1973. Il multiplia ensuite les expériences, toujours sur la brèche, notamment aux côtés de Stomu Yamash'ta, Carla Bley, Keith Tippett, Elton Dean et beaucoup d'autres musiciens très créatifs de premier plan

    Je ne l'avais vu qu'une fois sur scène, au cours des années 90, dans une formation appelée Short Wave dont les autres équipiers étaient Phil Miller, Pip Pyle et Didier Malherbe, autant de figures de légende de la musique anglaise dite « progressive ».

    Sa biographie est impressionnante et pourtant, en dehors de quelques revues spécialisées, on imagine que la disparition de Hugh Hopper ne fera pas la une des magazines.

    Au revoir Hugh, merci pour ces années de passion.

  • Classe

    prysm_giuliani.jpg

    Le trio Prysm (Pierre de Bethmann : piano, Christophe Wallemme : contrebasse et Benjamin Henocq : batterie), qui a connu ses heures de gloire de 1994 à 2001, a eu l'excellente idée de se reconstituer pour les 25 ans du Sunset à Paris et, mieux encore, pour une série de concerts à l'occasion d'une résidence à Lyon. Jouant dans sa formule classique jeudi, le trio invitait vendredi le guitariste Manu Codjia et, hier soir, un très grand monsieur, le saxophoniste transalpin Rosario Giuliani.

    Soit une soirée de musique qui frôlait la perfection ! Un cadre magnifique (l'Amphi, au sous-sol de l'Opéra) où le public est tranquillement attablé dans un petit amphithéâtre, une acoustique parfaite, des conditions d'écoute d'autant plus agréables qu'ici, les spectateurs manifestent un vrai respect pour les musiciens (pas de bruits de conversations parasites, pas de verres qui s'entrechoquent, pas de déambulations) et une belle réactivité à chacun des moments forts.

    Comment imaginer que ces quatre là n'ont pas derrière eux des années de musique commune tant la mise en place de leur musique est tirée au cordeau ? Le ton est donné d'emblée avec un « D'ici demain » particulièrement percutant et une première intervention de Rosario Giuliani au saxophone alto qui annonce la couleur de la soirée : on va aller très haut ! Qu'elles soient de Prysm ou de Rosario Giuliani, les compositions qui s'enchaînent le temps de deux sets mettent en valeur la redoutable efficacité de la paire Wallemme - Henocq, flamboyante rythmique sur laquelle les deux feux follets que sont Pierre de Bethmann et son invité d'un soir peuvent laisser libre cours à leur imagination et leur lyrisme.

    Voilà quatre musiciens qui méritent notre admiration, sans réserve : ils ont les yeux tournés vers le ciel, leur élévation est la nôtre et l'on sort de ces deux heures de jazz enluminé avec une dose d'énergie maximale.

    Merci à vous, messieurs, et vivement la prochaine occasion d'une reformation de Prysm ! 

  • Indécent

    Il est de bon ton, depuis hier, de souligner les insultes échangées entre deux hommes politiques participant à un débat télévisé consacré aux élections européennes. Le « pétage de plombs » de l'un d'entre eux est stigmatisé. Soit...

    J'aurais deux remarques à ajouter, néanmoins...

    Pourquoi radios et télévisions ont-ils omis de préciser qu'après cet échange très vif, les deux candidats se sont mis d'accord pour unir leurs forces afin de barrer la route au président de la Commission Européenne, ultra-libéral et complice de toutes les politiques de dérégulation et de démantèlement des services publics ? Une entente bien plus essentielle que les échanges de noms d'oiseaux qui ont affolé la sphère médiatique pour pas grand chose.

    Mais surtout, c'est le principe même de l'émission et son organisation qui sont scandaleux : cette mise en place de « duels » entre candidats, auxquels on accorde un temps de parole proportionnel aux intentions de vote exprimés dans les sondages réalisés par je ne sais quels instituts sous la commande de je ne sais qui. Des candidats sommés de faire court et par là même censés éviter de brasser des idées qui pourraient ennuyer des téléspectateurs qu'on embarquerait dans des considérations trop techniques. On me dit que ce programme était diffusé sur le « service public ». Ce service là, je n'en veux pas !

  • Vainqueurs

    vote.jpgLa seule idée du sinistre spectacle de nos actuels dirigeants se rengorgeant d'être arrivés en tête des résultats du vote de dimanche me navre. Ils vont se réjouir parce qu'un gros quart d'une grosse moitié des électeurs (je vous laisse faire un calcul plus précis, mais ne cherchez pas trop, vous parviendrez à la même conclusion que moi : ça ne fait pas beaucoup) aura glissé un bulletin favorable à leurs listes alors qu'ils disposent des pleins pouvoirs depuis deux ans et ont table ouverte dans la plupart des vecteurs de communication. Au besoin, si les analyses tournent mal, ils pourront dégainer l'argument selon lequel la consultation ne portait pas sur la politique intérieure, mais sur l'Europe et que par conséquent, ce vote ne sera en rien une sanction. Voir leurs opposants, dispersés en une kyrielle de chapelles stériles et inopérantes, essayer de nous expliquer qu'ils ont atteint leur objectif (lequel ?) me semble tout aussi insupportable. Il y en aura parmi eux qui seront satisfaits, j'en suis convaincu. Quand je me rappelle ce qui a été fait du référendum de 2005 (je dis cela de manière très détachée parce que j'avais voté oui), je comprends la tentation de l'abstention. De belles têtes de vainqueurs, vous dis-je...

  • Capital

    das_kapital.jpgUn disque d'apparence foutraque, mais qui est rien moins que savant et qui fait un bien fou ! La nouvelle livraison du trio un brin déjanté et néanmoins germano-franco-danois, Das Kapital, est un très grand moment de musique. Ballads & barricades, Das Kapital plays Hanns Eisler, devrait ravir tous ceux qui attendent de l'art autre chose que ce qu'ils connaissent déjà, et qui aiment qu'on les emmène brinquebaler sur des chemins de traverse, histoire de se dégourdir les tympans. Avec sa formule peu commune : guitare, saxophone et batterie, le trio reprend à son compte quinze chansons de Hanns Eisler, qui fut « une icône de l'art communiste allemand » après avoir fui d'abord son pays pendant la seconde guerre mondiale puis, à nouveau chassé mais cette fois par le Mc Carthysme, effectué un retour sur sa terre natale. Il devint même le compositeur de l'hymne de l'Allemagne de l'Est. Nos trois lascars ne reculent devant rien : ils peuvent entamer une bossa nova ou se la jouer calypso avant d'effectuer de joyeuses embardées (imaginez Stan Getz ou Sonny Rollins mettant les doigts dans une prise de courant), puis se lancer dans une valse faussement bancale ou bien interpréter un thème particulièrement émouvant (qu'on aurait volontiers imaginé joué par le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, en écoute un peu plus bas) qui se transforme en un duel rageur saxophone - batterie, comme une évocation de l'époque où John Coltrane livrait bataille avec Rashied Ali le temps d'un Interstellar Space. Ce disque est d'une incroyable richesse, il nous livre une surprise au détour de chaque mesure et traduit un bel équilibre entre les musiciens qui savent endosser tour à tour le rôle de solistes et de rythmiciens. Voilà une musique savante nourrie de chants populaires qui sait rester accessible à toutes les oreilles de bonne volonté.

    « On dit que le rock est mort. On dit que le jazz l'est aussi. On a enterré le socialisme. La liberté a été sécurisée. 68 est en retraite. On nous ordonne de divertir. On nous impose d'avoir peur et de se méfier d'autrui. Enfin, ce n'est pas vraiment notre genre ».

    C'est ce que rappellent les musiciens de Das Kapital. On est bien là en effet devant un art engagé, qui ne connaît pas la tiédeur et dont l'inspiration est si puissante qu'on ressort comme étourdi de cette revue jubilatoire. Allez, je m'autorise d'ores et déjà à dire que ce disque sera l'un des plus beaux de l'année.

    podcast
    En écoute, un extrait de « Die Moorsoldaten ».
    Daniel Erdmann (saxophone ténor), Hasse Poulsen (guitare), Edward Perraud (batterie).

  • Anglais

    looking_for_eric.jpegNe croyez pas un seul instant les pisse-froid façon Inrockuptibles qui vont expliqueront qu'avec Looking For Eric, Ken Loach a réalisé un film moralisateur surfant sur la vague du coaching et qui serait pétri de bons sentiments gnan-gnan. C'est oublier d'abord que le cinéaste fait d'abord une belle démonstration de tendresse envers son personnage (un postier en pleine déprime, confronté à la dureté du quotidien anglais, formidablement interprété par Eric Evets) qui reçoit les conseils de son idole, Eric Cantona, un maître à penser qui lui apparaît quand il s'adonne à la fumette des joints qu'il va piquer à son fils. Ken Loach fait aussi preuve d'une belle dose d'humour (la scène finale est un moment particulièrement savoureux), ce qui n'est pas une première chez lui, et en profite pour dresser le portrait glacial d'une Angleterre où même les classes populaires finissent par ne plus pouvoir se payer les billets d'entrée au stade pour soutenir leur club de Manchester, dont les parkings regorgent de grosses berlines. A voir en V.O., exclusivement, au risque de passer à côté de l'essentiel.

  • Compagnons

    bibliothèque.jpgJe crois me rappeler avoir écrit ici - ou ailleurs - que j'étais incapable de lire un seul livre à la fois. En ce moment, sont installés sur ma table de chevet un livre de nouvelles (« Onze histoires de solitude », de Richard Yates), un autre d'inspiration philosophique (« L'endroit du décor » de Raphaël Enthoven) et un troisième aux confins de l'histoire et de la sociologie (« La vie mondaine sous le nazisme » où l'auteur, Fabrice d'Almeida, décortique le cynisme d'un groupe social que les horreurs de la vermine brune ne saurait entamer). Je crois aussi que j'ajouterai prochainement les « Quinze Promenades Sociologiques » dans Paris de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.

    Et puis, aux côtés de ces LDD (livres à durée déterminée) trônent quelques LDI (livres à durée indéterminée) vers lesquels je reviens régulièrement, pour en lire quelques pages, un chapitre, au gré de mes inspirations. Leurs richesses sont inépuisables. A commencer par la monumentale biographie de John Coltrane écrite par Lewis Porter ; puis les « Essais » de Montaigne, dans leur traduction contemporaine d'André Lanly ; un des volumes de « La Recherche du Temps Perdu » de Proust, dans la Pléïade ; enfin, le « XXe siècle » de René Rémond, qui démonte le grand meccano politique de la période 1918-1995. Il y a là aussi un petit intrus, parce que je l'ai chipé à Madame Maître Chronique : c'est « Le Voyage en Italie » de Goethe. 

  • Ricochet

    grateful_dead_american_beauty.jpgTroisième matinée de soleil consécutive. Cette bizarrerie climatique - j'habite la Lorraine, est-il besoin de le préciser ? - ne laisse pas de m'enchanter, en particulier aux premières heures de la journée quand, privilégié que je suis, je déguste un thé parfumé aux agrumes dans mon jardin de poche, dont la végétation a pris ses plus belles couleurs. Allez savoir pourquoi, ces couleurs enchantées font résonner en moi la musique de « Ripple », petit bijou harmonique qu'on trouve, parmi d'autres trésors, sur l'American Beauty du Grateful Dead. Le groupe connaissait à l'époque, en 1970, une sorte de parenthèse tout aussi enchantée que mon arc-en-ciel arboré, entre les délires psychédéliques de la première époque et les vingt-cinq années qui allaient suivre, plus électriques mais tout aussi échevelées. Cette musique est intacte, comme préservée par les assauts des modes et du temps. « Let there be songs to fill the air... »

    Ecouter "Ripple" par le Grateful Dead