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  • Orchard : « Serendipity »

    Orchard_Serendipity.jpgOn m’accordera que l’été 2017 a le droit de jouer les prolongations un jour ou deux si tel est notre bon plaisir. Car si Serendipity, qui sortira le 22 septembre prochain sur le label Ici d’Ailleurs dans le cadre de la série « Mind Travels », s'affirme comme l’une des belles surprises de la rentrée, on est tenté de le parer des qualités propres à un été de la musique.

    Orchard est une association spontanée : Aidan Baker (guitare), Gaspar Claus (violoncelle), Franck Laurino (batterie) et Maxime Tisserand (saxophone, clarinette) le régional de l’étape que nous avons suivi récemment avec l’Eclectik Percussions Orchestra et ses si belles Traces de Vie. À ces protagonistes, il faut ajouter David Chalmin, compositeur producteur chargé de la réalisation du projet. L’histoire n’est pas si banale car ce petit monde s’est découvert en entrant en studio, pour laisser ensuite libre cours à son imagination. Qui est fertile, c’est le moins qu'on puisse dire !

    Car le résultat est de toute beauté… On pense parfois au Pink Floyd planant du début des années 70 (« Drawn With The Wind »), au travail obsédant de Richard Pinhas (« After All The Sun Is Awakening ») ; on est à tout moment happé par des paysages presque immobiles où les instruments scandent une longue note, déploient des motifs cycliques ou laissent entendre ce qui pourrait être un battement d’ailes (« A Day Staring At Ternity »). Dans un climat minimaliste où le temps s’étire à l’infini – y compris au long des deux seules compositions courtes du disque : « We Host You » et « Fructifiction » – Orchard (qu’on traduira par « verger ») donne sa version très attachante de la sérendipité et de la place laissée au hasard dans une découverte. Ici, il s’agit à l’évidence d’un langage, aux confins du rock progressif et de l’ambient music, né dans l’ébullition d’une rencontre, un inattendu dont les effets pourraient être plus durables que le seul temps de sa conception.

    Orchard sera à l’Autre Canal le 19 octobre, dans le cadre de l’édition 2017 de Nancy Jazz Pulsations. Une bonne occasion d'en savoir plus sur sa capacité à transformer son essai !

  • Sea Song(e)s

    sea song(e)s, tocanne, domancich, lang, gaudillat, wyattPas besoin d’avoir peur pour ces quatre-là, qui osent un hommage très particulier à Robert Wyatt ; une célébration qu’ils ont parée, il faut le dire d’emblée, d’un titre d’une grande élégance, comme une évidence, Sea Song(e)s. On ne saurait en effet mieux définir la démarche à la fois humble et lumineuse de Bruno Tocanne (batterie), Sophia Domancich (claviers), Antoine Läng (voix, effets) et Rémi Gaudillat (trompette). Parce que s’attaquer au monde inimitable de cette icône qu’est le batteur de Soft Machine, devenu par la force des circonstances (tragiques) un musicien d’une singularité sans équivalent, n’était pas sans risque. Quiconque s’est laissé ensorceler il y a plus de quarante ans par Rock Bottom, disque majeur dans l’histoire musicale du XXe siècle, saura à quel point il eut été incongru d’envisager une telle affaire sous la forme d’une relecture, aussi réussie fût-elle, de quelques-uns des trésors créés par Wyatt au fil du temps. Et pour ce qui est du Rock Bottom en question, premier jalon de l’histoire du batteur chanteur après l’accident l’ayant cloué dans un fauteuil, on sait qu’il est tellement au-delà de toute référence qu’il vaut mieux éviter de penser à se l’approprier.

    Fort heureusement, le quartet (augmenté de Marcel Kanche qui signe plusieurs textes) va bien au-delà d’une série de reprises. Mieux : il crée sa propre musique (y compris sous la forme de chansons), née d’une longue immersion (celle de la passion) au cœur de l’univers du grand Robert, que chacun des musiciens connaît à des degrés divers. Sophia Domancich est par exemple très liée à l’école dite de Cantebury dont Soft Machine est la formation emblématique. Mais la pianiste a aussi croisé depuis longtemps le chemin de Bruno Tocanne. Souvenons-nous de l’album Funerals dans les années 90. Sea Song(e)s est une respiration avant d’être une inspiration. Parce qu’à l’exception d’une version étale de « Sea Song » en conclusion de l’album et de plusieurs citations explicites (à l’exemple de « Aimez-la » où le clavier de Sophia Domancich dit la mélodie de « Alifib », où la trompette de Rémi Gaudillat cite brièvement celle de Mongezi Feza brillant de tous ses feux sur « Little Red Riding Hood Hit The Road), le répertoire est original. Et résolument différent de la source. De la sérénité immobile de « Ressac » au cri de « I Danced ».

    Comment s’y sont-ils donc pris pour ne pas trahir sans pour autant chercher à reproduire ? Tout simplement en restant eux-mêmes : des sculpteurs amoureux qui ont voulu engendrer une forme sonore compatible avec l’esprit de sa matrice. Les quatre musiciens sèment de discrets petits cailloux posés sur des mélodies d’apparence minimaliste ; leurs sonorités, leurs élans et leurs tourneries (écoutez le piano de « Sea Dance » pour comprendre de quoi il est question ici) sont, sinon les frères jumeaux, du moins les très proches cousins de l’onirisme wyattien. Sea Song(e)s est à sa manière subtile un laboratoire où prennent vie textures et fragments, comme autant de satellites gravitant autour de la planète Wyatt. À laquelle on pense sans pour autant l’entendre vraiment.

    Bruno Tocanne, instigateur du projet, a décidément la main heureuse dans ce genre d’entreprise. Il n’y a pas si longtemps, il redonnait vie à Escalator Over The Hill de Carla Bley, avec l’approbation de cette dernière : c’était Over The Hills, où l’on retrouvait déjà Rémi Gaudillat et Antoine Läng. Il reçoit cette fois les compliments de  Robert Wyatt qui n’a pas hésité à évoquer le raffinement et la magie du son de Sea Song(e)s. Tocanne et ses partenaires font, une fois encore, la démonstration d’un besoin impérieux, celui de de brasser les influences et de franchir les barrières stylistiques

    Sea Song(e)s sortira le 6 octobre chez Cristal Records. Vivement l’automne !

  • Oregon : « Lantern »

    oregon_lantern.jpgOn pourrait résumer l’histoire d’Oregon en quelques chiffres : quarante-sept ans d’existence, sept labels, une trentaine d’albums dont cinq sur le très beau CamJazz, mais surtout deux leaders historiques que sont Paul McCandless (hautbois, cor anglais, saxophone soprano, clarinette basse) et Ralph Towner (guitare, piano). Et une passion commune pour une musique caractérisée par l’alliance entre une élégance de facture classique et une démarche volontiers exploratoire. Voilà un idiome qu’il semble vain d’affilier à un courant. Qualifions-le de jazz chambriste, en raison peut-être de sa coloration acoustique et d’une libre circulation de la parole entre les instruments. Lantern, qui a vu le jour au mois de juin dernier, est une nouvelle démonstration de ce qui s’apparente à une célébration heureuse. Avec l’Italien Paolino Dalla Porta, contrebassiste ayant rejoint le groupe en 2015 et le batteur Mark Walter, présent depuis une vingtaine d’années, Oregon déploie des mélodies discrètes et charmeuses, dont l’équilibre et le balancement soyeux sont à peine troublés par les huit minutes d’improvisation collective ayant donné son titre à l’album. Un moment d’apesanteur qui est aussi l’occasion pour Towner de jouer du synthétiseur. Lantern est une nouvelle pépite à mettre à l’actif d’une formation qui semble avoir résolu la question du temps qui passe en visant une forme douce d’éternité. Au-delà des modes.