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  • « Songs » d’une nuit d’été…

    shakespeare songs, guillaume de chassy, christophe marguet, andy sheppard, kristin scott-thomas, Voilà encore une réussite – et pas des moindres – à mettre au crédit d’Abalone Productions, label sur la destinée duquel veille l’éminent Régis Huby. Le violoniste n’est toutefois pas à la manœuvre musicale des Shakespeare Songs dont la paternité revient à un duo formé par le pianiste Guillaume De Chassy et le batteur Christophe Marguet. Ces deux-là travaillent ensemble depuis quelques années déjà et prennent un plaisir non dissimulé à explorer des territoires musicaux variés, qui unissent dans un même élan compositions originales, chansons françaises des années 30 ou encore musiques improvisées. Piano et batterie, autant dire une formule sonore qui les pousse à investir quand il le faut le champ des possibles de l’autre : si le premier instrument est naturellement harmonique, il peut et doit s’emparer du rythme et de la pulsation pour faire bonne mesure dans un contexte où chacun s'efforce d'occuper au mieux l’espace rendu disponible par le nombre restreint des protagonistes. On peut compter sur la main gauche de Guillaume De Chassy pour prendre une telle mission à son compte, ce qu’elle fera avec d’autant plus d’aisance que la batterie de Christophe Marguet – on le sait depuis un petit bout de temps maintenant – est elle-même une source mélodique au même titre qu’une force de frappe. A ce niveau d’interaction, un duo est, quand on s’y songe, bien plus qu’un duo. C'est un orchestre.

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  • Black Starman ou le voyage d'hiver de David Bowie

    bowie_black_star.jpgJe suis très ennuyé. Et bien triste aussi... Dimanche après-midi, j’avais écrit quelques pages au sujet de Black Star, le nouveau disque de David Bowie, publié le jour-même de son soixante-neuvième anniversaire. Et ce faisant, j’en profitais pour rapprocher quelques temps forts de sa discographie (je n’ai jamais eu l’occasion de le voir sur scène) de ma petite histoire personnelle. Et voilà que David Jones nous quitte. J’ai appris cette nouvelle brutale lundi matin, dans la Matinale Culturelle de France Musique. Les hommages n’ont pas manqué de déferler... Les exégètes de tout poil (y compris ceux qui le brocardaient autrefois, j’ai des noms) dissèquent sa foisonnante et longue carrière (un demi-siècle, tout de même), en égrènent les hauts faits pour mieux surligner la dimension iconique d’un personnage protéiforme et presque surnaturel. Soixante-neuf, pas un âge pour mourir, bordel ! Après mure réflexion pendant deux jours, j’ai choisi de vous proposer la lecture de mon texte, qui ne vous apprendra rien d’important et ne changera absolument rien à la vie de ce monde, pas plus qu’il ne fera revenir Bowie à la vie (même si comme quelques autres, j'attends son imminente résurrection au quatrième jour), j’en conviens, mais sera une manière pour moi de rendre hommage à un chanteur qui m’aura accompagné durant toute la période commençant à mon adolescence, jusqu’à mon entrée dans le monde des adultes. Ce n’est pas rien, dans une vie.

    Voici donc ce que j’écrivais dimanche. Notez que si parfois je m’exprime au passé, ce n’est pas en raison de je ne sais quel talent prémonitoire, mais tout simplement parce que la musique de David Bowie me renvoie à une époque bien lointaine maintenant... donc à mon passé ! C’est un peu foutraque, je pensais y revenir pour faire une petite toilette à mon texte, mais non. Je le laisse en l’état, avec ses paragraphes qui pourraient être présentés dans un ordre différent, ses phrases certainement bancales et ses idées mal ordonnées. J’ai mis en évidence la partie de texte écrite en premier. Pour le reste, c’est trop tard.

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  • Panem et Circum-Disc

    toc_qeqert.jpgCes trois-là sont quand même de sacrés phénomènes, déjà cités au « tableau d’honneur » de mes écrits aléatoires. C’était au mois de mars dernier, quand le trio TOC a publié un troisième disque assez redoutable, dont le caractère obsessionnel, la démesure et la radicalité avaient quelque chose de décoiffant. C’est d’ailleurs le titre que j’avais choisi pour illustrer ma note. Normal après tout, puisque cette production atypique s’intitulait Haircut. J’avais résumé cet objet sonore non identifié de la façon suivante : « Cette musique dépasse le temps, elle vise au paroxysme, parce qu’il est plus risqué, semble-t-il, de s’arrêter en chemin que de poursuivre une route, certes dangereuse, mais promesse d’un ailleurs à découvrir, quelles qu’en soient les irradiations collatérales ». C’est vrai qu’on pouvait ne pas sortir indemne d’un disque électrochoc et trouver dans cette masse sonore animée d’un mouvement frénétique et implacable de quoi frémir pour un petit bout de temps. Janvier 2016 : voilà que Jérémie Ternoy (piano), Peter Orins (batterie) et Ivann Cruz (guitare) remettent le couvert : et s’ils laissent tomber un acronyme laissant penser que leurs santés mentales étaient susceptibles de connaître des défaillances, c’est pour mieux assumer leurs incartades et se présenter en leurs noms propres. Ils choisissent en outre – je vois là une manière de taquinerie – de compliquer notre tâche oratoire en optant pour un titre plutôt imprononçable : Qeqertarsuatsiaat ! régnant sur un album publié chez Circum-Disc, un label basé du côté de Lille et qu’on connaît pour être habitué des séances d’ébouriffage musical, pour notre plus grand bien. C’est vrai, non ? Entre une vieille pièce qui sent le renfermé et une séance au grand air, vous choisiriez quoi ?

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  • Il y a 40 ans...

    zao-shekina-1975.jpgDrôle d’idée, tout de même, de regarder derrière soi. C’est vrai qu’à trop scruter le rétroviseur, on voit parfaitement le dessin formé par les rides, on peut compter les pattes d’oie... Mais allez savoir pourquoi, je me suis amusé hier à compulser mes archives, histoire de me rappeler les disques que je m’étais procurés au mois de janvier 1976. Drôle d’idée, oui, et drôle d’époque. Il y a quarante ans, j’avais 18 ans, je m’ennuyais ferme en première année de licence de Sciences économiques, une filière d’études supérieures vers laquelle je m’étais dirigé... sans vraiment la choisir. C’était une sorte d’échouage par élimination des cursus (très nombreux) dont je n’avais pas envie et de ceux que mon entourage me déconseillait parmi mes quelques rares envies. On est bête à cet âge-là. L’enseignement universitaire est pourtant l’exact opposé de celui qu’appelle mon propre mode de fonctionnement. Étant tout sauf un intellectuel, j’ai besoin de pratiquer d’abord avant de labourer le champ théorique (et croyez bien que je ne suis pas un grand fermier, comme dirait l’ami Richard Gilly). Je fais partie de ceux qu’on nomme les inductifs, ces gens formés de bric et de broc qui déduisent les concepts à partir du réel, faute de mieux... Or, à l’Université dans les années 70 (je ne me prononcerai pas sur son état actuel, même si je continue de m’interroger sur le bien-fondé du pernicieux Traité de Lisbonne qui impose la norme de 50% d’une classe d’âge au niveau licence comme une absolue nécessité), c’était tout l’inverse : on vous déversait des kilomètres d’enseignements à ingurgiter en un temps record (et qu’on oubliait aussi vite qu’on les avait appris) et puis, parfois, sous la forme d’exercices ou de travaux dirigés en groupes resteints, les laborieux de mon acabit devaient s’efforcer de donner à ces cours-purges un peu de cette matérialité dont leurs contenus étaient dépourvus. Ces choses-là n’étaient pas conçues pour moi et si je n’avais pas par la suite, le temps d’un partiel de statistiques, mis à genoux un amphithéâtre de 600 personnes en étant le seul à réussir (avec la note de 29 sur 30) en un temps record (une heure trente) un examen désastre pour les autres (tous avaient obtenu en trois heures une note largement inférieure à la moyenne), je pourrais parler d’échec sur toute la ligne. J’ai même compromis ma place de major (preuve qu’on peut s’insinuer malgré soi à la tête d’un classement) en année de licence après avoir claqué une porte au nez d’un expert comptable, non sans l’avoir traité de connard... Il faut dire aussi que cet abruti venait arrondir ses fins de mois en distillant sa morgue et ses bilans sur les pauvres larves étudiantes que nous ne manquions pas d’être... Mais on ne réécrit pas l’histoire et à cette époque – je reviens maintenant à l’essentiel – la musique occupait déjà dans ma vie une place, certes démesurée, mais ô combien essentielle.

    En janvier 1976, j’étais dans une sorte d’entre-deux discographique. La décennie écoulée m’avait permis de découvrir, non sans l’entremise de mon frère aîné qui aura joué un rôle de passeur irremplaçable, un nombre impressionnant de musiques dont, sans lui, je n’aurais peut-être jamais soupçonné l’existence, allez savoir... J’étais l’enfant d’une famille où la musique n’occupait qu’une place périphérique : mes plus jeunes années avait résonné des airs de quelques chanteurs comme Georges Brassens, Jacques Brel, Nana Mouskouri ou les Compagnons de la Chanson. Une compagnie honorable, parfois troublée par la présence bien plus dispensable d’une poignée de chanteurs ou chanteuses de variété, dont le kitsch et l’imposture m’ont sauté aux oreilles peu de temps près. A mon tableau de chasse d’il y a 40 ans, on trouvait donc – je vous fournis une liste loin d’être exhaustive mais présentée dans un ordre chronologique que vous pourrez interpréter comme le témoignage d’une évolution progressive vers des formes musicales plus complexes – des noms tels que : Beatles, Bee Gees, Rolling Stones, Creedence Clearwater Revival, The Grateful Dead, Chicago, Neil Young, Eric Clapton, Gérard Manset, Hot Tuna, Emerson Lake & Palmer, King Crimson, Yes, Genesis, Santana, Mahavishnu Orchestra, Caravan, Soft Machine, Robert Wyatt, Hatfield & The North, Heldon, Magma... Vous avez noté qu’on ne trouve pas la moindre trace de jazz au sens classique du terme dans cette liste. J’y suis venu un peu plus tard, probablement par l’intermédiaire de groupes transgenres comme Mahavishnu, avec à sa tête l’immense John McLaughlin venu de la planète du Miles Davis électrique, ou Magma dont le leader Christian Vander ne cessait d’évoquer l’importance d’un certain John Coltrane. Il me faudra attendre quelques années encore...

    En janvier 1976 donc, – comme tout cela est étonnant – je note m’être procuré plusieurs disques dont les deux plus présents dans ma mémoire sont : Magma Live/Hhaï et Shekina de Zao. Il est assez troublant de noter en effet que ces deux formations viennent de refaire surface dans mon actualité la plus récente, comme si j’étais moi-même constamment mû par une série de cycles me ramenant à ces fondamentaux évoqués un peu plus haut.

    Magma Live/Magma Hhaï : probablement le témoignage parfait de la puissance dégagée sur scène par ce groupe atypique. Ce disque est à l’origine un double trente-trois tours, enregistré au mois de juin 1975 à la taverne de l’Olympia par une formation au sein de laquelle on peut noter, outre Christian Vander à la batterie bien sûr, la présence au violon d’un gamin de 19 ans nommé Didier Lockwood. Deux ans auparavant, Magma avait publié ce qui est, aujourd’hui encore, son plus bel enregistrement studio, Köhntarkösz, qui occupe la première moitié de Live/Hhaï (son titre est devenu « Köhntark », pour d’obscures raisons de droit, semble-t-il). Quant au « Mekanïk Zaïn » qui en occupait à l’origine toute la face 4 et voit le trio Lockwood-Paganotti-Vander incendier le final de l’album, c’est un moment inoubliable. Certains vont me contredire, mais je m’en fiche : jamais la force magnétique du jeu de Christian Vander n’a été aussi bien captée et restituée. Et je m’amuse en constatant que cet enregistrement est remonté à la surface de mes écoutes il y a quelques jours avec la publication d’un monumental coffret de 12 CD, Köhnzert Zünd, dont je rendrai prochainement compte dans Citizen Jazz. Le grand bal de cette boîte rouge et noire s’ouvre, comme de bien entendu, par Live/Hhaï qui non seulement n’a pas pris une seule ride mais domine de la tête et des épaules les 36 années de live passées en revue dans ce bel objet paru sur Seventh Records et distribué par Jazz Village.

    Shekina par le groupe Zao, avec François Cahen (claviers), Yochk’o Seffer (saxophones), Gérard Prévost (basse) et... Jean-My Truong à la batterie. Cahen et Seffer avait quitté quelques années plus tôt la planète Kobaïa (donc, Magma) pour former ce groupe dont la musique mêlait les influences de Béla Bartók, des musiques traditionnelles hongroises et d’un jazz-rock très raffiné. C’était là le troisième album de Zao qui s’était adjoint pour l’occasion les services d’un quatuor à cordes (le quatuor Margand). Jean-My Truong, cordes, il y a 40 ans... Et voici qu’hier, le batteur m’appelle, après m’avoir fait parvenir le master de son prochain disque (à paraître au mois de septembre), pour me demander de lui écrire un texte de présentation. En commençant à réfléchir à ce travail, après avoir écouté deux fois le disque, relu la documentation dont je dispose et parlé avec lui, je me rends compte à quel point l’ADN de la musique qu’il compose et interprète en 2016 est le jumeau de celui des années 70. C’est la même lumière, portée ici par son groupe (les fidèles Sylvain Gontard à la trompette, Leandro Aconcha aux claviers et Pascal Sarton à la basse), que viennent intensifier la voix aux accents McFerriniens du géant Nicolas Calvet (connu aussi pour être tubiste) et quelques invités prestigieux comme Dominique Di Piazza à la basse ou Neyveli Radhakrishna au violon. Je note que ces deux derniers ont déjà eu l’occasion de travailler avec John McLaughlin, musicien évoqué un peu plus haut et dont Jean-My Truong et moi-même sommes des inconditionnels de très longue date. J’ai glissé le mot « cordes » pour souligner aussi une certaine permanence dans les amours musicales du batteur : sur Secret World (puisque tel est le nom de ce disque à venir), on pourra souligner la présence d’un quatuor à cordes qui vient, en quelque sorte, boucler la boucle et me ramène à ce beau Shekina acheté voici quatre décennies.

    Alors, dans ces conditions, ma décision est prise puisqu’une nouvelle année commence et que le temps des bonnes résolutions est venu : considérez que, malgré l’écoulement inexorable du sablier de ma vie, j’ai 18 ans pour toujours. Un point c’est tout...