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Images innées

Chroniques de l'imaginaire.jpgLorsqu’à la fin de l’année dernière, Jean-René Mourot m’a contacté pour me demander si j’accepterais d’écrire le texte devant figurer sur un disque qu’il venait d’enregistrer (ce qu’on appelle parfois les liner notes), j’ai accepté sa proposition sans hésiter. Et pourtant, je connaissais à peine le pianiste (j’avais seulement lu dans Citizen Jazz sous la plume de mon collègue Olivier Acosta la chronique de son disque en solo), pas plus qu’il ne me connaissait lui-même. Mais il se trouve que mon nom (et donc mon éventuelle contribution) lui avait été soufflé par un certain Bruno Tocanne, batteur au sujet duquel j’ai déjà beaucoup écrit, ici-même ou pour Citizen Jazz ; voilà en effet un musicien que je tiens pour un des acteurs les plus attachants de la scène jazz contemporaine (précipitez-vous sur le Canto de Multitudes, magnifique disque publié sur Le Petit Label pour lequel il s’est associé au trompettiste Rémi Gaudillat et quelques autres camarades, en attendant au mois de décembre l’événement Over The Hills que j’ai déjà évoqué ici-même).

Vous l’aurez peut-être deviné : ce disque encore inconnu, intitulé Chroniques de l’imaginaire, était le fruit du travail que Mourot et Tocanne venaient d’enregistrer en studio. Une improvisation réalisée dans l’intimité d’un studio, captée par Jean-Pascal Boffo, orfèvre du son et par ailleurs fin guitariste, auteur d’une flopée de disques sur lesquels il faudra que je revienne à l’occasion ; Boffo, connaissance de longue date qui, lui-même, avait enregistré un disque en duo avec un le pianiste Murat Oztürk. Leurs Improvisions avaient vu le jour à l’automne 2010, quelque temps après que les deux musiciens m’aient demandé d’écrire les... liner notes de leur album ! Petites histoires, quand vous nous tenez, c’est un peu comme si la boucle se bouclait...

Pas question de me défiler, donc, malgré le trac qui n’a pas manqué de m’assaillir aussitôt après mon accord. J’ai reçu dans les heures qui ont suivi l’intégralité des enregistrements ainsi que leurs versions sous forme de vidéos (tout ayant été filmé dans un studio décoré de lampes cubiques). Le charme a opéré instantanément : éclats de lumière, suspension du temps, attention de chaque musicien à l’autre, soit un moment de grâce spontanée, pour ne pas dire innée, qui a suscité en moi ses premières images et qui est enfin publié sur le label Momentanea. On peut l’écouter ou se le procurer aisément sous le format désiré (CD ou téléchargement, sachant qu’en vieux schnock, je me permets de vous suggérer d’orienter votre choix vers le premier, la réalité de l’objet disque étant toujours préférable à la musique dématérialisée).

Je ne vais pas me lancer ici dans l’exercice consistant à écrire la chronique des Chroniques... Le camarade Acosta, toujours lui, s’en est d’ailleurs déjà chargé sur son blog Mozaïc Jazz avec l’à-propos qu’on lui connaît. Aussi, pour l’heure, je me contenterai de reproduire le texte dont il est question dans cette note. J’ai essayé d’en faire la traduction la plus fidèle possible de mon ressenti et de susciter chez le lecteur (ou la lectrice) le désir d’aller à la rencontre de cette musique enfant de l’éphémère et de l’éternité. Et pour ajouter à l’effet d’attraction, vous pourrez aussi regarder une courte vidéo de présentation de l’album.

Vous avez toutes les cartes dans votre jeu...

Chroniques de l’imaginaire
Jean-René Mourot (piano) ; Bruno Tocanne (batterie).

Ce disque est l’histoire d’une rencontre qui ne doit rien au hasard, tant ses protagonistes – deux artistes épris de lumière et du même besoin de liberté – devaient finir par se trouver un beau jour dans la communion de leurs impressionnismes.

Fasciné par la sensualité des Duets de Bill Carrothers et Bill Stewart à la fin des années 90, le pianiste Jean-René Mourot rêvait de l’intimité d’une telle conversation, et ce faisant du batteur mélodiste qui saurait l’aider à lui prêter vie. Qui mieux que Bruno Tocanne, musicien de l’attention aux autres, rompu à l’exercice du duo piano batterie et passé maître dans l’art de la suggestion, pouvait répondre à une attente aussi forte ? Quelques échanges, à la manière d’une mise au point photographique, leur auront suffi pour s’accorder sur un langage commun – une grammaire subtile associant spontanéité et improvisation elliptique – avant de passer à l’action quelque temps plus tard. Et c’est dans l’intimité d’un studio habillé de lampes cubiques, discrets témoins d’un dialogue capté au plus près des émotions, qu’ils donneront naissance aux huit éclats sonores de ces Chroniques de l’imaginaire

C’est un privilège que de découvrir dans sa vérité de l’instant une fresque aux motifs diaphanes qui jamais ne s’écarte du chemin de la mélodie ; ce disque est le chant de deux âmes en résonance, célébrant à mots couverts une beauté sans cesse à redécouvrir. Jean-René Mourot et Bruno Tocanne écrivent une page de vie pudique, sans ostentation ni démonstration virtuose… Ils ne s’imposent pas l’un à l’autre, préférant entrouvrir les portes d’un enchantement réciproque. Le pianiste se joue du temps qu’il peut suspendre durant une fraction de seconde – ou d’éternité – pour mieux libérer des notes dont la fluidité harmonique trouve un écho gémellaire dans la frappe gracile et retenue du batteur. Tous deux expriment leur vision d’un monde élégiaque, où l’élévation a pris le pas une fois pour toutes sur le besoin d’affirmation. On comprend alors très vite que les rêves de ces deux funambules sont devenus les nôtres.

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