Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Madkluster Vol. 1

    Alain Blesing, Bruno Tocanne, Fred Roudet, Benoît Keller, Madkluster, IMR, imuZZicEn quelques mois d’existence, le label IMR - créé et co-dirigé par Bruno Tocanne et Alain Blesing au sein du réseau imuZZic - aura affirmé une séduisante identité militante, nourrie de liberté et d’un esprit d’ouverture propre à stimuler ce que chacun d’entre nous a de meilleur. Voici la troisième référence d’un catalogue encore peu fourni – forcément – mais qui pratique déjà le sans-faute. Après Libre(s)Ensemble et 4 New Dreams, deux disques étincelants parus en 2010, une pierre supplémentaire vient s’ajouter à l’édifice créatif : Madkluster Vol. 1.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

  • Tickets fantômes

    Et si le passé n’existait pas ? C’est la question qu’il m’arrive de me poser quand j’observe certains objets. Ils sont là, dans toute leur matérialité et pourtant, ils expriment des instants uniquement vécus dans notre imagination. Ainsi ce ticket d’entrée à un concert du Grateful Dead au mois d’octobre 1981. Plus de trente ans maintenant… et toujours pas de concert !

    grate1981ful dead, nancy,

    Pour n’avoir jamais existé, on peut dire que ce concert au Parc des Expositions de Nancy n’a jamais existé ! Et pourtant, tout était bien annoncé, claironné même au point que la presse locale avait organisé un concours permettant de gagner des places. En bon Dead Head alors certifié dix ans d’ancienneté dans la confrérie Californienne, je m’étais précipité pour répondre à la question simpliste posée par le quotidien. Si mes souvenirs sont exacts, il me semble qu’il fallait choisir entre trois chiffres correspondant à l’affluence d’un concert mythique du groupe fin juillet 1973 à Watkins Glen. Une sorte de record à l’époque puisque plus de 600.000 personnes s’étaient rassemblées pour l’occasion. Trop facile : il y avait deux places à gagner, je les ai raflées sans la moindre difficulté. Cette aisance à gagner aurait peut-être dû m’alerter…

    On peut deviner quelle fut alors mon impatience… Il faut bien comprendre : depuis l’automne 1971, j’étais tombé dans la marmite Grateful Dead, j’étais envoûté par la musique de Jerry Garcia et ses acolytes. Dix ans plus tard, j’avais acheté tous les disques disponibles (et l’année 1981 avait été celle de la publication à quelques semaines d’intervalle de deux doubles albums live), lu tous les articles publiés dans Best ou Rock’n’Folk, développé des stratégies un peu stupides pour rapatrier à la maison des disques afin de ne pas me faire repérer par des autorités parentales un tantinet méfiantes à l’égard de mon appétit vinylique. J’ai conservé, quarante ans après le début de cette aventure, la même foi envers un groupe qui, à défaut d’être artistiquement révolutionnaire, présentait selon moi une qualité essentielle : il donnait à voir ailleurs (on me pardonnera l’expression, parce qu’il s’agit avant tout d’écouter) ! Il était un univers de passage entre différentes formes de rock et de blues vers d’autres strates musicales, jazz en particulier du fait d’une propension très nette à improviser sur scène lors de concerts marathons dont le carburant chimique n’était pas des plus recommandables. Je me fichais un peu de cette époque première, celle de toutes les folies stupéfiantes dont le Grateful Dead avait été l’un des acteurs majeurs. En 1971, je n’ignorais pas les excès dont les musiciens s’étaient rendus coupables mais un cap avait été franchi : après le temps des acid tests, après la parenthèse de Workingman’s Dead et American Beauty en 1970, le groupe avait suivi une voie en apparence plus sage qui n’excluait pas certaines folies (les concerts pouvaient parfois être très longs, jusqu’à six heures) mais sa musique avait laissé de côté son caractère psychédélique et se recentrait sur un répertoire probablement plus consensuel. Le charme demeurait intact toutefois. Pas aux yeux de tout le monde car les années passaient, la rugosité brutale des deux accords joués par les groupes punks donnait au Dead des allures de groupe de papys somnolents. Les années passaient, les modes aussi… Pendant que certains s’usaient en d’éphémères mouvements, d’autres continuaient leur chemin, rassemblant un public nombreux et fidèle. 

    Alors vous pensez bien que ce mercredi 14 octobre 1981 était pour moi comme une date repère, un moment d’exception, la récompense de longues années de passion et de patience. 

    Sauf que… ce concert n’a jamais eu lieu ! Pas assez de billets pré-vendus, rendez-vous annulé ! Pourtant, les comptes rendus de la tournée nous rappellent que les concerts demeuraient des moments pas comme les autres. Il se passait toujours quelque chose avec le Grateful Dead, chaque soir était différent du précédent (le groupe se sera produit 16 fois dans 7 pays entre le 30 septembre et le 19 octobre… mais pas à Nancy !). 

    Mes tickets sont toujours là, sagement glissés dans la pochette de l’album le plus récent à ce moment (Dead Set). Et dans un recoin de ma tête, l’espoir secret que ce concert a bien eu lieu, que ma mémoire a un peu flanché et que son souvenir va bientôt refaire surface. Pas moyen de me résoudre à l’idée que nous n’étions pas assez nombreux ce soir-là…

    Allez, on arrête de se raconter des trucs, tout ça c'est bien fini. Jerry Garcia est mort en août 1995, le Grateful Dead revit parfois sous le nom de The Dead, animé par le four core constitué de Phil Lesh, Bob Weir, Bill Kreutzmann et Mickey Hart (qui va prochainement publier un nouvel album, ce qui me réjouit), mais nous ne sommes plus en 1981. Juste trente ans plus tard.

    Un peu de musique de l'époque, c'était au mois de mai 1980...

    Et une petite vidéo de 1981... Le genre de trucs que le Dead aurait pu jouer à Nancy... s'il était venu et s'il avait opté pour un set acoustique (comme sur le disque Recknoning).

  • Quatuor IXI - Cixircle

    cover.jpgIl n’est pas toujours facile de sauter par dessus les barrières d’univers musicaux considérées comme infranchissables à force de cloisonnements. Drôles de murs dont la raison d’être est souvent idéologique. On ne se mélange pas… Musique classique ou contemporaine, minimaliste, jazz, rock… les interactions ne sont pas si fréquentes - et souvent guettées du coin de l’oreille non sans un soupçon de méfiance.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

    PS : l'un des membres du quatuor IXI est le violoniste Régis Huby, qu'on retrouve par ailleurs très impliqué dans le récent disque de Maria Laura Baccarini, évoqué ici-même en début de semaine.

  • Maria Laura Baccarini - Furrow, A Tribute To Cole Porter

    furrow.jpgVoilà un disque en tous points réjouissant ! L’hommage que rendent la chanteuse Maria Laura Baccarini et ses complices à Cole Porter est non seulement explosif, mais avant tout empreint d’une vraie originalité dont l’essence est collective. Pourtant, on aurait pu s’inquiéter. Pensez donc : sans pour autant tomber dans le piège trop facile du délit de belle gueule, nous voici en présence d’une artiste aux allures de top model qui fait craindre d’emblée un de ces avatars marketés dont l’univers du jazz a parfois le secret. Le cours des bimbos insipides étant largement surévalué, on voudra bien nous pardonner cet a priori : on pouvait redouter un énième disque de sucreries, de roucoulades pour vieux messieurs plus avides d’admirer la plastique de la chanteuse que de s’immerger dans son répertoire...

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

  • We miss you, Kevin...

    kevin coyne

    Kevin Coyne est mort le 2 décembre 2004. Il avait 60 ans. Sept ans (déjà !) après son départ, on veut croire que son passage ici-bas aura laissé une empreinte durable, même si l’on peut craindre non sans raison que son immense talent ne rayonne aujourd’hui que dans le cercle assez fermé de ses inconditionnels. Jusqu’à la fin, Coyne se sera consumé au service d’un art qu’on pourrait qualifier de blues tant la brûlure qu’il transmettait semblait la jumelle de la douleur qui hantait cette musique des origines.

    Je ne reviendrai pas trop longuement sur son histoire, que d’autres ont déjà expliquée, ici ou . Pour faire court, rappelons que le chanteur s’était d’abord engagé dans des études d’art avant d'être employé dans un hôpital comme travailleur social où l’une de ses tâches consistait à s’occuper de malades affectés de troubles psychiatriques. On imagine déjà que nous ne sommes pas en présence d’un artiste léger. Amateurs de sucreries sirupeuses, Kevin Coyne n'est pas pour vous, passez votre chemin et rallumez la télévision.

    Après l’expérience du groupe Siren dont il était le chanteur, Kevin Coyne se présentera seul avec sa guitare en 1972 pour publier le disque Case History puis, dès l’année suivante, le bouleversant Majory Razorblade, un double album qui va l’installer durablement comme une sorte d’ovni musical. Car pour avoir eu la chance de vivre en direct cette époque faste par l’entremise de mon frère qui avait su dénicher cette perle rare (une de plus), je peux ici témoigner du caractère totalement atypique du personnage : ours mal peigné, gros buveur, guitariste dont la technique loin d’être académique consistait autant à boxer son instrument qu’à en faire sonner les cordes, chanteur qui était tout sauf un vocaliste charmeur mais plutôt un écorché vif, Kevin Coyne était un cas artistique vraiment pas comme les autres. Être habité, hors du commun, véritable bluesman dont chaque note jouée, chaque parole chantée semblait pour lui être l’ultime, il brûlait d’une douleur contagieuse qui trouvait certainement ses racines dans les souffrances qu’il avait côtoyées pendant de longues années et qu'on voulait partager, en imaginant que, peut-être, nous l'aiderions un peu à se sentir plus léger.

    Cette période des années 70 aura été rien moins que somptueuse. Un disque monumental, Blame It On The Night, verra le jour en 1974. Une sorte de coup parfait dans ses imperfections rageuses, son énergie existentielle un peu désespérée. Un album essentiel, qui évoque dans sa noirceur électrifiée (écoutez "River Of Sin", par exemple) le Time Fades Away de Neil Young, un autre artiste dont les imperfections font tout le génie. Un brûlot qu’on n’en finit pas d’écouter pour le découvrir à chaque fois. Citons aussi Matching Head And Feet, Heartburn, Millionnaires And Teddy Bears, et bien d’autres encore. Il y a chez Kevin Coyne une totale singularité : c’est presque naturellement qu’on recevra comme une évidence sa rencontre avec un autre grand personnage, tout aussi atypique et génial : Robert Wyatt. Tous deux se retrouveront sur la seconde face de l’album Sanity Stomp en 1980. Et que dire de l'urgence qui continue de hanter Pointing The Finger (1981), album lorgnant parfois vers un hard rock sulfureux ("As I Recall") ?

    Au milieu des années 80, après une dépression nerveuse et une lutte sans merci contre l’alcool, Kevin Coyne quittera l'Angleterre pour mettre le cap sur l’Allemagne. Tout en continuant à enregistrer et se produire sur scène, il laissera éclore son talent de peintre, d’écrivain et de poète, ce qu'il était aussi... Jusqu’au bout, il se tiendra debout malgré une maladie des poumons qui finira par l’emporter. Il faut lire ce témoignage qui met en scène un Kevin Coyne, presque à bout de forces, obligé de chanter sous assistance respiratoire, quelques mois seulement avant sa mort. Pas forcément bien écrit, mais un précieux compte-rendu.

    Voilà… Je ne sais plus trop pour quelle raison j’ai repensé à Kevin Coyne il y a quelques jours, retrouvé ses vieux albums, sa voix éraillée, sa guitare mal accordée, sa proximité douloureuse. Aucune tentation nostalgique de ma part : cette musique n’a pas pris une ride, elle pourrait avoir été enregistrée hier. On voudrait tant, aussi, qu’elle puisse voir le jour demain.

    Le jeu de mots est facile, trop facile peut-être mais pourtant il s’impose : en cette époque si grise qui voit émerger le grondement des peuples pris en tenaille entre la cupidité et le cynisme d’une minorité, celle des néo-dictateurs de la finance mondiale, on voudrait qu’une voix irradiée se fasse entendre, qu’un poing se lève. Tiens, on voudrait dire : vas-y Kevin, cogne, cogne, cogne ! Tu nous manques. Reviens !

    En écoute, "Blame It On The Night", extrait de l'album éponyme.

    podcast

  • Giovanni Mirabassi - Adelante

    giovanni mirabassi, adelante, cuba, citizen jazzPour un temps échappé du trio qu’il forme avec Gianluca Renzi et Leon Parker, Giovanni Mirabassi donne une suite naturelle à Avanti, publié voici une dizaine d’années et désormais introuvable, sauf à prix d’or peut-être. Ce disque libertaire qui célébrait des hymnes planétaires tels que « Le temps des cerises », « Imagine » ou « El Pueblo Unido Jamás Será Vencido » avait connu un vrai succès que n’aurait peut-être jamais imaginé le pianiste transalpin du temps de sa jeunesse, quand sa famille formulait pour lui des rêves où son avenir s’habillait d’une robe d’avocat. Aujourd’hui quadragénaire et plus parisien qu’italien, Mirabassi porte sur notre monde un regard fiévreux et considère son engagement politique comme relevant de sa responsabilité d’artiste.

    Lire la suite de cette chronique sur Citizen Jazz...

  • Atelier

    écriture, théâtre de la manufacture, nancy, murât ozturk, jean-pascal boffo, improvisionsJ’ignore encore si je tirerai le moindre profit de l’atelier d’écriture auquel je viens de m’inscrire auprès du Théâtre de la Manufacture à Nancy. Six séances de quatre heures sous la coordination d’un animateur qui va s’efforcer d'extirper de son groupe (une petite quinzaine d’adultes consentants) quelques fruits tombés de l'arbre d’une imagination pas toujours débridée, tout en proposant à ses victimes de réfléchir à la construction de personnages et de dialogues.

    Ce qui m’interpelle le plus dans cette formation – je vous livre cette impression à l’issue d’une première session – c’est qu’elle m’a laissé le sentiment d’être, pour la première fois de ma vie, en situation d’apprentissage autour d’un sujet qui me passionne vraiment. Car pour n’avoir jamais connu de véritable incident tout au long de mon parcours scolaire et malgré une incursion universitaire très hasardeuse qui demeure pour moi une énigme (mais qu’est-ce que j’étais donc venu faire dans cette galère ?), je me suis toujours laissé porter au fil de mes années scolaires par un ennui que je me refuse à imputer exclusivement à la pédagogie souvent soporifique de pas mal de mes enseignants. Il doit bien y avoir un peu de moi dans cette distance indifférente qui m’a toujours habité dès lors que je franchissais l’entrée d’une salle de classe. L’impression de n’avoir rien à faire là, d’être obligé d’ingurgiter des potions trop souvent amères alors que je n’avais rien demandé d’autre que de continuer à observer le monde dans la liberté de mon jardin tout aussi imaginaire qu’enfantin. J’ai toutefois quelques excellents souvenirs de collège ou de lycée : une prof d’anglais un peu hors du commun, passionnée et passionnante ; un enseignant en histoire-géographique qu’on pourrait qualifier de foutraque et génial dans sa façon déjantée de transmettre son savoir. Deux exemples parmi quelques autres qui m’ont convaincu à la marge que la générosité était communicative et source d’échanges enrichissants… mais que tout le reste n’était pas fait pour moi. Pas assez de flamme, une absence de sens donné à l’enseignement, une confusion presque permanente entre l’idée de note et celle de sanction, comme si la nécessité d’apprendre devait automatiquement se parer de couleurs punitives. J’aurais aimé entrer dans une salle de classe le cœur léger et le sourire aux lèvres : mais non, mon œil était rivé en permanence aux aiguilles de ma montre, parce que je voulais que les minutes défilent plus vite et que l’intercours ou la récréation me soient offerts comme la récompense de ma patience.

    Alors, bien des années plus tard, quinquagénaire bien sonné, me voilà au travail stylo en main, couchant sur le papier d’un cahier à spirale les mots et les phrases comme autant de réponses aux sollicitations de l’animateur. Pas d’angoisse, pas de note, pas de diplôme : juste le plaisir de franchir par l’effort consenti le seuil d’une connaissance dont les limites se repoussent d’elles-mêmes avec douceur.

    On dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Je pense l’avoir vérifié. Pour traduire cet état de bien-être qui m’a gagné hier, je vous envoie une petite bulle musicale qui m’est revenue à l’esprit alors que je devais inventer deux ou trois rêves au nom d’un personnage imaginaire. Les Improvisions de Murat Öztürk (piano) et Jean-Pascal Boffo (design sonore) méritent bien cette résurgence onirique : j’ignore si l’on peut encore se procurer ce beau disque publié en 2010, mais il me plaît de rappeler à quel point il aura été un moment de grâce. Qui dure aujourd’hui encore.

    podcast