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Le grand Bob avec un trombone à pistons

Tout cela ressemble un peu à une mauvaise série, dont je commence à ne plus supporter les caprices d’un scénariste bien mal inspiré. Peut-être aussi que la grisaille de ce monde nous rend plus intolérable encore la disparition d’artistes qui ont consacré une grande part de leur vie à tenter d’illuminer la nôtre, pendant que les mafias de tout poil ne cachent même plus le pouvoir qu’elles se sont arrogé et déversent leur arrogance criminelle sur des peuples dont la capacité de résistance à la souffrance étonne plus que jamais.

bobbrookmeyer.jpgSouvenons-nous : il y a quelque temps, un grand monsieur du jazz, le batteur Paul Motian, nous quittait. J’avais évoqué ici-même sa disparition et fait part de l’émotion du contrebassiste Henri Texier, qui l’admirait et le connaissait bien puisqu’il avait fait appel à son immense talent le temps d’un disque appelé Respect. Cet album, paru en 1997, était pour lui l’occasion de réunir un all stars : outre le batteur, quelques figures de légende étaient conviées à la fête ; il y avait là en effet Lee Konitz (saxophone alto), Steve Swallow (basse électrique) et Bob Brookmeyer (trombone).

Comment imaginer qu’en l’espace de quelques jours, cette belle équipe se verrait brutalement amputée par une nouvelle disparition ? Le grand Bob Brookmeyer vient, lui aussi, de s’envoler, ajoutant des larmes à notre tristesse… Il aurait eu 82 ans hier.

Je laisse aux biographes le soin de nous raconter la somme d’expériences que le tromboniste (dont l’instrument de prédilection avait la caractéristique d’être doté de pistons) a pu vivre au cours de sa vie de musicien. Mais tout de même : Mel Lewis, Coleman Hawkins, Ben Webster, Charlie Mingus, Jimmy Giuffre, Jim Hall, Bill Evans, Clark Terry, entre autres, croisèrent son chemin ; sans oublier quinze ans de travail aux côtés de Stan Getz, avant de rejoindre Gerry Mulligan ! Pas mal, non ?

Depuis une trentaine d’années, Brookmeyer avait souvent installé ses quartiers en Europe, à Cologne ou Stockholm notamment, en tant que compositeur ou chef d’orchestre (avec le New Art Orchestra), tout en poursuivant une carrière d’enseignant aux Etats-Unis.

Il venait tout juste de publier un disque dans lequel il revisitait des Standards, avec le New Art Orchestra, preuve d’une vitalité jamais prise en défaut.

Pour ne pas oublier le grand monsieur qu’était Bob Brookmeyer (quel son magnifique !), voici un duo avec le guitariste John Scofield, enregistré je crois en 1979 ou 1980. Tous deux nous interprètent « Moonlight In Vermont », dans une version d’une grande sensibilité épurée. La fin de la vidéo, à partir de 3’55, est plus absconse pour moi car néerlandophone, même si je crois deviner que l’un des interlocuteurs évoque la particularité pistonnesque du trombone de Bob Brookmeyer.

PS : dans le sillage de Bob Brookmeyer, Cesaria Evora tirait elle aussi sa révérence en fin de semaine dernière. Avis au Grand Ordonnateur des pompes funèbres : j’ai d’autres noms à lui suggérer, parce que je le trouve vraiment mal inspiré… même s’il a cherché tout récemment à se rattraper du côté de la Corée du Nord. Mon agence de notation personnelle lui attribue volontiers un ZZZ.

Commentaires

  • Je regrette de ne pas l'avoir connu plus tôt...

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