#NJP2014, échos des pulsations / 1
Première incursion hier soir dans la nouvelle édition de Nancy Jazz Pulsations. Un double concert dans la belle Salle Poirel. Deux formations, deux ambiances bien différentes...
On commence avec le monde un peu mystérieux du pianiste Craig Taborn et son trio (au sein duquel on ne peut que remarquer l’excellent Gerald Cleaver, d’une justesse et d’une musicalité exceptionnelles). S’appuyant sur le répertoire de l’album Chants, les trois musiciens vont se lancer dans une exploration de l’intime, en sollicitant des influences multiples qui dépassent de très loin le cadre du jazz. Musique souvent hypnotique, volontiers minimaliste voire répétitive, elle est aussi le cadre d’une recherche de trois personnalités qui vont, petit à petit, laisser leurs routes se rejoindre en un final de toute beauté. Il y a beaucoup d’exigence et d’intériorisation dans une telle démarche et on ne peut que souligner la volonté de Craig Taborn de ne pas propager ad libitum la conception d’un jazz trop étriqué dans son exposition thème / chorus / thème. Son caractère cérébral, pour ne pas dire intellectuel, n’est pas de nature à soulever le public, mais plutôt à le questionner. Un pari risqué mais un moment assez fascinant.
Craig Taborn Trio
Craig Taborn (piano), Thomas Morgan (contrebasse), Gerald Cleaver (batterie).
Disque associé: Chants (ECM, 2013)
Autant la première partie du concert offrait au public le spectacle parfois distant d’une quête introspective, autant le quartet mené par le guitariste Sylvain Luc et le saxophoniste transalpin Stefano Di Battista ne cache pas son caractère extraverti. Il s’agit pour les deux virtuoses de célébrer leur amour du cinéma éternel et des compositeurs de film que sont Ennio Morricone, Nino Rota, Michel Legrand ou encore Anton Karas. Ils alternent, tout comme sur leur récent album Giù La Testa (en français « Baisse la Tête », du film Il était une fois la révolution), ballades acoustiques charmeuses et thèmes marqués au fer d’un jazz funk électrique. On pouvait craindre une course de vitesse ou, dans les instants plus calmes, une tentation crooneuse : même si le traitement de certaines compositions penche parfois du côté du trop joli, le quatuor parvient à déjouer le piège de la démonstration technique, principalement grâce à Sylvain Luc, capable de faire craquer le vernis d’une musique consensuelle à grands coups de canifs électriques et de riffs dissonants. Stefano Di Battista opte comme à son habitude pour une posture très professionnelle et c’est au saxophone alto, sur les thèmes les plus rapides, qu’il délivre le meilleur de son jeu. Et surtout, en appui de ce duo musclé, il faut souligner la présence roborative du jeune prodige au physique poupin Pierre-François Dufour (lui aussi virtuose, de formation classique et bardé de nombreux prix depuis son très jeune âge au point qu’il peut afficher une carte de visite impressionnante), qui assurera une grande partie du spectacle en évoluant à la batterie comme au violoncelle, en toute décontraction. Il aura été, en quelque sorte, l'instant fraîcheur de ce concert très goûté par un public, conquis d'avance et venu nombreux.
Stefano Di Battista & Sylvain Luc 4tet
Stefano Di Battista (saxophones alto et soprano), Sylvain Luc (guitares), Daniele Sorrentino (basse et contrebasse), Pierre-François Dufour (batterie, violoncelle)
Disque associé : Giù la Testa (Just Looking Productions, 2014)