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lorraine

  • Un ami s'en va...

    C’était il y a deux ans, presque jour pour jour, le 10 septembre 2010. Pour parachever la rédaction d’un des textes de l’exposition Portraits Croisés que je devais réaliser avec mon ami Jacky Joannès, j’avais demandé à Xavier Brocker – qui avait fini par devenir lui aussi un ami à force de passions partagées – de m’accorder un entretien. Je voulais qu’il me raconte en détail l’édition 1975 de Nancy Jazz Pulsations, dont il était à l’époque le directeur artistique. 45 minutes passionnées, beaucoup d’anecdotes, une verve inimitable et un incroyable talent pour faire vivre des instants pas comme les autres, à l’époque où les responsables du festival avaient décidé de programmer le JATP (Jazz At The Philarmonic) et son cortège de stars, comme Dizzy Gillespie, sous l’égide du fantasque Norman Granz. Vous pourrez, un peu plus bas, écouter cette passionnante conversation, si vous le souhaitez. 

    Xavier vient de nous quitter, trahi par son cœur qu’il avait gros comme ça. C’est un personnage, un vrai, qui s’en va. Il laisse un vide énorme autour de lui tant ses amis étaient nombreux. Il avait 73 ans.

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    Xavier Brocker © Maître Chronique - Septembre 2010

    Xavier était tombé dans le jazz à l’adolescence, contractant un heureux virus dont, jamais, personne n’aurait pu le vacciner. C’était en 1954, après un concert de Sidney Bechet à la Salle Poirel de Nancy. S’il lui arrivait de jouer du piano ou de la clarinette, il était d’abord une encyclopédie vivante, un boulimique de la connaissance, toujours soucieux de transmettre sa passion au plus grand nombre. Il fut l’un des membres fondateurs de Nancy Jazz Pulsations et son premier directeur artistique. Journaliste à l’Est Républicain, il était aussi l’auteur du Roman vrai du jazz en Lorraine. Retraité hyperactif, on pouvait souvent le retrouver en animateur de conférences passionnées illustrées par des écoutes dont il raffolait, aussi bien pour les jeunes que pour les adultes et qu’il appelait des causeries ; il consacrait aussi une partie de son temps à l’animation d’émissions de radio, dédiées au jazz, forcément. Il avait également pris une part prépondérante à l’élaboration du CD 50 ans de jazz en Lorraine, publié sur le label Etonnants Messieurs Durand. Xavier était un être curieux, toujours prêt à se frotter à de nouvelles découvertes. Il était un grand monsieur, un gourmand de la vie, la musique et le jazz en étaient pour lui le sel vital.

    Xavier était un grand seigneur. Alors que j’étais très honoré d’avoir été, à plusieurs reprises, l’invité de son émission, lui se sentait redevable. En témoignage de son amitié, il m’avait fait un somptueux cadeau, en m’offrant l’enregistrement original et intégral de la première création de Nancy Jazz Pulsations en 1973 : la « Stanislas Percussive Gavotte », interprétée par un big band réuni par le trompettiste Ivan Jullien et qui comptait parmi ses membres : Eddie Louis, Jon Surman, André Ceccarelli, Bernard Lubat ou encore Daniel Humair. Je garde précieusement cette bande magnétique, ce trésor, qu’un ami doit prochainement numériser. Il va de soi que chacun d’entre vous pourra bientôt l’écouter ici. C’est ce que voulait Xavier, il voulait partager. Ses désirs seront des ordres.

    Il y a quelques jours encore, c’était vendredi dernier, j’avais appelé Xavier, à sa demande. Il voulait m’inviter une fois de plus au micro de « Jazz Galaxies », l’émission hebdomadaire qu’il animait sur une radio locale à Nancy. Lui, tout comme moi, aimait ces petits rendez-vous et leur rituel (je sais, parce qu’il me le disait à chaque fois, qu’il appréciait beaucoup notre complicité ; ayant moi-même pendant plusieurs années animé une émission consacrée au jazz, il savait que j’avais du répondant, il appréciait la tonalité de ce qui devenait une conversation souriante mais à chaque fois exploratrice de nouveautés) : il venait à la maison une heure avant le début de l’émission, je lui préparais un café et nous discutions du programme. Je lui soumettais ensuite une liste de disques qu’il acceptait en toute confiance ; de son côté, il extirpait de son sac un vieux 33 tours ou un CD qu’il avait pioché dans sa volumineuse discothèque (la dernière fois, c’était un disque que lui avait offert Didier Lockwood). Enfin venait l’élaboration du conducteur et son minutage faussement précis, qu’il était de toutes façons incapable de respecter, en bavard impénitent qu’il était, dès lors que le voyant rouge s’allumait. Il goûtait, vraiment, le plaisir de dire le jazz et son amour infini pour cette musique. Il faut l’avoir vu au moins une fois savourer ses propres réflexions pour comprendre la saveur si particulière de son propos. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre dernière émission – c’était le 16 juillet – consacrée à Nancy Jazz Pulsations 2012, n’avait pu nous permettre de diffuser toute la musique programmée quelque temps plus tôt ; il voulait un second épisode, absolument. Malgré sa voix très affaiblie, son enthousiasme au téléphone était intact : il se réjouissait de notre nouveau duo et, toujours curieux, il m’avait demandé de revenir avec, dans mon sac, le disque d’Electro Deluxe Big Band que nous avions écouté six semaines auparavant et qu’il avait beaucoup aimé. Je le vois encore, pestant à l’idée qu’un tel groupe, si chaleureux et fédérateur, ne pût être vite à l’affiche du festival.

    Notre rendez-vous était fixé au 24 septembre à 10 heures. Un peu inquiet de la fatigue que j’avais détectée chez lui, je lui avais recommandé la prudence, lui demandant de prendre soin de lui, avant tout...

    Cette émission n’aura pas lieu, je garde son programme pour moi, avec le cœur serré. Xavier, reviens ! Je n’arrive pas à croire que tu viens de faire le grand saut.

    Je sais que tous ses amis, tous ceux qui le connaissaient le pleurent aujourd’hui. Peut-être que leur peine sera un peu adoucie à l’écoute de sa voix : je vous offre, en sa mémoire, cette causerie qu’il m’avait accordée en toute amitié et dont le souvenir ne s'effacera jamais. 

    Salut l’ami !



    En écoute, l'entretien que Xavier m'avait accordé le 10 septembre 2010 (durée : 44'51). Un enregistrement sans coupures ni montage, avec tous les bruits de fond en provenance de la brasserie où nous nous étions installés.

  • Monautomne

    J'ai hésité entre deux titres pour cette note d'humeur morose. Au départ, je pensais à Douleurs d'Automne et puis, en regardant la photographie prise cet après-midi quelque part dans la campagne des environs de Nancy, en m'apercevant de plus que sans avoir effectué le moindre réglage préalable de mon petit compagnon sino-japonais, j'avais capté un paysage qui semblait avoir perdu de lui-même toutes ses couleurs, faisant naître chez moi une très pénible sinistrose.

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    A l'évidence, je suis un dépressif automnal... Les effets désastreux de cette maladie chronique annuelle sont renforcés chez moi par une détestation toujours plus grande du climat lorrain. Du côté de par ici, l'été fait montre d'une mesquinerie sans égale, en pointant très timidement le bout de son nez à la fin du mois de juillet pour filer au loin dès le début du mois d'août. Et encore, pas tous les ans : j'ai connu des années sans été... Tout le reste de notre calendrier n'est qu'une immonde pataugeoire pseudo hivernale : grisaille, pluie, froid, nuages bas, vent d'est ou du nord. Ici, nous accueillons généreusement les dépressions venues de l'ouest qui semblent trouver chez nous un terrain propice à leur épanouissement, au point qu'après avoir très péniblement franchi la célèbre barrière plus connue sous le nom de ligne bleue des Vosges, elles nous reviennent toutes ragaillardies quelques heures plus tard sous la douce appellation de retours d'est. Saloperies...

    Qu'on me donne les pleins pouvoirs ! Je supprimerai dès le premier jour par décret les mois de novembre, décembre, janvier... et même février, tant qu'on y est.

    Et juste avant ma destitution, je m'autoriserai par ailleurs à expulser de notre territoire quelques nuisibles qui se vautrent sous nos yeux ébahis dans une indécente politique de caniveau... Chance dans notre malheur météorologique, avec toute la pluie qui tombe dans le coin, ils fileront très vite rejoindre les égouts dont ils n'auraient jamais dû s'extraire.

    Et comme il me reste – tapi très profondément en moi – un vieux reste d'optimisme béat, et certainement stupide, j'imposerai comme hymne national cette version inoxydable de « My Favorite Things » par John Coltrane. On a fêté tout récemment les cinquante ans de cet enregistrement, qui constitue un remède très efficace à la morosité ambiante dont j'ai conscience de me faire l'écho aujourd'hui...

  • Nature

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    Allez, je vais vous confier un petit secret : parce qu'à force de railler le climat grisâtre qui règne sur la Lorraine la plupart du temps, je finis par me dire que vous pourriez penser qu'il s'agit d'une région inhospitalière et dépourvue de tout attrait touristique. Il n'en est rien. Prenez un paysage de campagne classique, avec ses champs, ses ondulations légères, ses ruminants. Avec un peu d'attention, vous débusquerez une biche ou... un lama. Au loin, vous entendez la cloche d'une église. Sur vos têtes, d'invisibles oiseaux entament un récital joyeux. Faites totale abstraction de ce cancer agricole que sont les champs de colza : incongruité écologique, repoussoir visuel et olfactif et dont les métastases se sont propagées bien au-delà de nos frontières. Oubliez pour un temps les gros nuages qui vous menacent d'une averse, refusez de voir l'éclair qui a zébré le ciel de plomb, annonciateur d'un orage statistiquement inévitable. Et voyez l'essentiel : un vert incomparable (celui qui a inspiré bien des peintres régionaux et qu'on retrouve en bonne place au palmarès des inspirations de l'Ecole de Nancy), tirant parfois sur un bleu profond. Dans les sous-bois, exercez votre œil à repérer ces petites asperges vertes tant appréciées des restaurateurs. Respirez (pas trop profondément toutefois, toujours cette saloperie de colza) et prenez le temps de vivre hors du temps. Voilà, tout près d'ici, calme et apaisé, vous venez de prendre une journée de vacances. Pas besoin de Club Machin, pas de G.O., aucune spéculation possible, pas d'affairiste à l'affût de votre or vert. Ici, c'est du vrai, du lourd comme dirait l'autre. 

  • Giboulorage

    [zibuloraz] n. m. Phénomène climatique se caractérisant par une étrange accumulation de précipitations, dont la consistance est variable, celles-ci variant de la pluie glaçante à la neige à peine fondue en passant par la grêle, portées par des vents violents et accompagnées d'orage. Lorsqu'il survient en journée, le giboulorage plonge en outre les paysages dans une nuit noire, évoquant par ses jeux de lumière une éclipse totale du soleil. Parfaitement connu des lorrains qui maîtrisent la partition de tous les désagréments météorologiques, le giboulorage est ressenti chez eux comme la forme la plus aboutie des punitions post-hivernales : croyant à l'arrivée du printemps, ces habitants du nord est de la France s'aperçoivent qu'il n'en est rien mais s'aperçoivent qu'ils goûtent à l'avance aux plaisirs de la dégradation du temps telle qu'ils la vivront après les longues périodes - d'une demi-journée en moyenne - de temps chaud et ensoleillé en été.

  • Nébuleux

     

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    La Lorraine est, à n'en pas douter, une région particulièrement attractive... pour les nuages ! Elle présente à leurs gouttes en suspension tant de charme secret qu'ils décident souvent de s'y installer pour de longs séjours. De très longs séjours. Leur tranquillité étant assurée - car aucune autre région ne semble vouloir s'attacher durablement leurs services, sauf pour quelques extras (voir plus bas) - ils paissent tranquillement, tout là-haut, se dorant la pilule au soleil dont ils nous préservent. Mon jardin s'en réjouit, lui dont la terrasse virtuelle (elle existe, je la vois, mais mes pieds en foulent très rarement le mélèze au point que je finis par douter de son existence...) brille de ses mille feux pluvieux. De quoi me rendre impatient de rallier prochainement les Calanques de Cassis, histoire de vérifier que ce petit paradis n'est pas toujours inondé de soleil, mais peut lui aussi subir quelques sévères précipitations. Car je choisis en règle générale LA semaine pluvieuse lorsque je m'y rends en vacances. On ne se refait pas...

     

  • Ombres

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    Je pensais rencontrer un sanglier ou deux, parce qu’une marche au cœur de la forêt lorraine peut vous réserver ce genre de surprise. En réalité, les cochons sauvages locaux avaient certainement mieux à faire que venir renifler le bas de mon pantalon. Selon les autochtones, ils dormaient tranquillement à l’heure où j’arpentais des chemins durcis par un froid trop rigoureux pour ma frilosité grandissante. Fort heureusement, la lumière était splendide et des ombres un peu mystérieuses ont surgi au soleil de décembre.

  • Farceur

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    Je n’apprendrai à personne que le temps lorrain est parfois désespérant. Mais pas toujours... Pour de mystérieuses raisons, il arrive aussi que le soleil se mette à régner brutalement en maître. C’est une question d’habitude, en fait, d'autant que les vraies richesses de ce bout de nord-est de la France sont à chercher ailleurs. Car les trésors de cette région, pour discrets qu’ils soient, n’en existent pas moins et méritent l’attention du touriste souvent trop pressé d’engager une conversation intime avec son futur mélanome au soleil de je ne sais quel paradis néo-colonial, dûment bétonné de ses complexes touristiques sans âme et de ses piscines javellisées. En Lorraine, l’habitant est plutôt rare, l’herbe est verte, les forêts sont boisées et le ciel gris laisse parfois filtrer un soleil fugitif… Qu’importe, qui sait fouiner ici ou là saura débusquer de jolies fresques à la tonalité coquine ! La preuve ? Regardez bien cette photo...