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l'autre canal

  • Omry

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    Pierrick Pédron à l'Autre Canal, le 7 octobre 2009 © Jacky Joannès

    Voilà une soirée qui sera prochainement le sujet d’un de mes articles pour Citizen Jazz (à propos, je rappelle que je consacre pas mal de temps d’écriture à mon magazine favori, ceci expliquant la parution moins abondante de notes pour ce blog. Mes dernières productions sont par ici, d’autres sont en passe d’être publiées, d’autres encore sont en gestation).

    J’étais hier à l’Autre Canal, pour une deuxième soirée de musique dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations. Le temps (très) fort de la soirée était le concert du saxophoniste Pierrick Pédron et son combo électrique Omry. Voici quelques mois, j’avais écrit quelques lignes consacrées à la parution de son disque éponyme, une flagrante réussite qui, j’en suis persuadé, sera un des plus beaux de l’année.

    Et voici le temps de découvrir cette formation sur scène : malgré un confort très spartiate – la salle baptisée Club n’étant qu’un petite cube peu convivial où chacun doit se contenter d’une position debout, dans une ambiance où bien des spectateurs semblent plus préoccupés de s’approvisionner toutes les dix minutes en bière que d’écouter de la musique, ah, zapping, quand tu tiens nos cerveaux… – il me faut saluer sans attendre et une fois de plus un musicien qui, à force de talent et de ténacité, est en train de forger son propre univers. Je pèse mes mots… Excellente nouvelle pour tous les passionnés de musique : en fin d’après-midi, Pierrick Pédron me confiait qu’il souhaitait qu’Omry soit plus qu’un disque et une série de concerts, mais une aventure qui s’inscrive dans le temps.

    Dynamitée par la scène et la projection d’images souvent haletantes, la suite Omry explose littéralement devant nous, chargée de l’électricité délivrée par le grand Vincent Artaud (basse) et Eric Löhrer (guitare) et du déferlement des « twin drummers » que constitue la paire Franck Agulhon / Fabrice Moreau à la batterie. Au Fender Rhodes, Pierre De Bethmann laisse échapper des coulées de notes… Un terreau de musique très fertile qui offre à Pierrick Pédron de quoi illuminer l’ensemble de ses somptueux chorus (au passage, n’oublions pas qu’il est un soliste époustouflant), et d'investir avec fièvre et brio tout un espace de liberté et d'improvisation, bien plus qu'il ne l'avait fait sur son disque. Et même si, selon lui, Omry n’est pas une œuvre de saxophoniste, cette longue suite est un formidable sujet qu’il ne se prive pas d’explorer, au même titre que ses camarades d’ailleurs. En témoignent par exemple une belle séquence de Vincent Artaud, longue montée solitaire à grands renforts de boucles, les solos ravageurs à la coloration très rock d’Eric Löhrer ou le duo final des deux batteurs, dans une magnifique exercice de gémellité bien frappée.

    Je vous propose une illustration de cet excellent moment avec une chouette photo de mon ami Jacky Joannès et une petite carte postale sonore captée par mes soins.

    podcast

    En écoute, quelques minutes extraites de "Osman", enregistrées avec l'aimable permission de Pierrick Pédron (saxophone alto) et la complicité musicale de Pierre De Bethmann (Fender Rhodes), Vincent Artaud (basse électrique), Eric Löhrer (guitare électrique), Franck Agulhon et Fabrice Moreau (batterie).

  • Félicité

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    Crédit photo © Jacky Joannès
     

    Une foule tranquille s’est retrouvée hier soir dans le béton rouge vif de l’Autre Canal à Nancy. Après avoir fêté «quarante ans d’évolution» deux semaines plus tôt au Casino de Paris, Magma passait par la Lorraine… Grand bien lui en a pris, car si le confort de la salle est… spartiate (quelques places assises seulement sur des gradins amovibles), l’acoustique est impeccable, ce qui reste un incomparable bénéfice pour les oreilles de tous (les conditions sonores dans la vieille salle de la rue de Clichy, deux semaines plus tôt, étaient beaucoup moins favorables, doit-on le préciser).

    Une première heure durant, l’Infernal Machina de Jannick Top est venue déferler et délivrer ses climats oppressants, sombres, à la limite de l’étouffement. Si le disque éponyme paru l’an passé était passionnant, il y a quelque chose qui continue de gêner dans la version live du groupe, comme si la musique arrachait tout sur son passage, sans emporter vraiment, il faut le dire, l’adhésion. La volonté de froideur du propos semble créer une distance presque infranchissable et il faudra chercher à comprendre ce filtre un peu opaque qui s’installe entre la musique et son public.

    Magma, quant à lui, s’expose très naturellement à la lumière et offre pour commencer près de cinquante minutes de nouvelles compositions, dont un splendide « Félicité Thösz » qui souligne toutes les qualités de leader de Christian Vander : compositeur toujours inspiré, batteur à la précision surhumaine, chanteur incomparable, remarquablement soutenu par Stella qui, rarement, aura été autant mise en avant et dont la voix aérienne offre un parfait contrepoint à la force du groupe. Il y a quelque chose de rayonnant dans cette œuvre récente, un ensoleillement parfaitement souligné par un jeu de batterie qui privilégie la frappe des cymbales, dont on sait qu’elles ont toujours fasciné le créateur de Magma. Quant à sa conclusion chantée par Vander lui-même (un petit extrait est ici en écoute), elle est habitée, d’une double voix père-fils héritière des harmoniques de John Coltrane et leur alternance de chant grave et chant haut placé. Une dualité qui, probablement, est aussi l’identité du groupe depuis le premier jour.

    Magma interprète ensuite sa version intégrale de « Ëmehntëhtt-Ré » dont la plupart des thèmes sont connus de longue date de tous les kobaïens, avant un final – tous gongs dehors – en forme de marche funèbre jusqu’à une ultime vocalise de celui qui s’est offert sans compter.

    Il nous reste à nous envoler ensuite sur la planète « Kobaïa », cerise sur le gâteau, avec son chanteur originel, Klaus Blasquiz dont la puissance vocale reste étourdissante et, en salut intimiste, cette « Ballade » émouvante où Christian Vander, presque seul au chant, vient tutoyer l’étoile de son maître à jouer, John Coltrane.

    Il est minuit.


    podcast
    En écoute, « Öhst », extrait de « Félicité Thösz » lors du concert à l'Autre Canal (Nancy), le 28 février 2009.