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john taylor

  • Testament à l’anglaise

    john taylor, 2081, kenny wheeler, stephane kerecki, camjazzC’est étrange tout de même… John Taylor nous a brutalement quittés pendant l’été, s’éclipsant alors qu’il était tout entier en musique, devant son piano. Le 17 juillet dernier en effet, alors qu’il se produisait avec le quartet Nouvelle Vague du contrebassiste Stéphane Kérecki au festival Saveurs Jazz de Segré, un malaise cardiaque l’a terrassé. Il est mort quelques heures plus tard. Ce musicien anglais avait 72 ans. On ressent à distance le choc, le sentiment brutal d’un vide que nul n’aurait pu imaginer quelques instants plus tôt. Et si cette disparition a quelque chose de tragiquement beau (qui ne rêverait pas de partir en plein accomplissement de sa passion, sans avoir le temps d’être gagné par l’idée même de la mort ?), on peut deviner l’état de sidération dans lequel ont dû être plongés celles et ceux qui le côtoyaient en ces moments de joie soudain baignés de larmes.

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  • Galettes de rois... et de reines !

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    Disques de l'année... L’exercice peut paraître vain, tout comme l’idée d’un palmarès, mais comme l'ami Franpi s'y est collé, alors j'y vais de ma petite liste. Ici je vous propose en toute simplicité un rapide retour en arrière sur les mois qui viennent de s’écouler, en essayant, sans trop réfléchir toutefois, de penser aux disques (je me suis volontairement limité à ce qu’on appelle communément le jazz) dont les musiques me trottent dans la tête… C’est très injuste pour tous les autres – si nombreux – dont une petite sélection tout aussi incomplète vous est proposée à la fin de cette note. Je précise enfin que l’ordre de cette douzaine dorée ne répond à aucune logique particulière.

    Libre(s)Ensemble
    Pour sa démarche libertaire, ses élans et le souffle de ses influences, qui vont d’Ornette Coleman à King Crimson en passant par le Liberation Music Orchestra. Du grand art pour un grand ensemble. La bande à Tocanne frappe fort, elle qui nous séduisait déjà beaucoup avec 4 New Dreams et continue de nous passionner avec Mad Kluster Vol. 1. Libre(s)Ensemble n'en finit pas de tourner en boucle par ici…

    Artaud : Music From Early Times
    Trop méconnu et pourtant quel disque ! Vincent Artaud, compositeur, arrangeur, multi instrumentiste, réinvente son propre monde un peu mystérieux, celui des origines, entre grands espaces inquiets et paysages brûlants. Une certaine vision de l’infini passée inaperçue pour des raisons tout aussi mystérieuses… Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

    Perrine Mansuy Quartet : Vertigo Songs
    Parce qu’il y a chez la pianiste et ses complices ce brin de folie onirique dont le charme opère instantanément. Une apparence de classicisme sous une trame très mélodique qui cède vite la place à un univers poétiquement décalé. La guitare de Rémy Decrouy est envoûtante, les percussions de Jean-Luc Difraya sont des enluminures et le chant de Marion Rampal nous embarque dans ses espiègleries. Perrine Mansuy nous enchante…

    Sphère : Parhélie
    Jean Kapsa, Antoine Reininger, Maxime Fleau. Ils sont jeunes, ils ont du talent à revendre. Leur premier disque, d’une grande maturité, n’est jamais démonstratif. La sérénité de leur propos vient apporter un contrepoint pacifié au quartet Festen, une autre formation subtilement créatrice de tension dont deux des musiciens du trio Sphère sont les membres très actifs. Tout ce petit monde est décidément passionnant.

    Ping Machine : Des trucs pareils
    Coup de cœur pour ce quasi big band aux envolées chaudes et puissantes, au sein duquel chaque musicien s’exprime dans un état de liberté dont on ressent vite le besoin à la manière d’une dépendance. Une réponse flamboyante aux fossoyeurs récurrents du jazz, qui est ici plus que vivant. Il bouillonne !

    Maria Laura Baccarini : Furrow
    Ou comment faire voler en éclats le répertoire de Cole Porter jusqu'à le rendre méconnaissable et lui donner une nouvelle dimension, fulgurante, entre jazz et rock, au point de dessiner parfois le portrait d’une version contemporaine du rock progressif. La voix de l’italienne est ici l’un des six instruments d’un groupe terriblement inventif. On se réjouit des prestations inspirées de Régis Huby ou Eric Echampard... et des autres !

    Pierrick Pédron : Cheerleaders
    Les majorettes du saxophoniste sont un peu énigmatiques. Rêve ? Réalité ? Allez savoir. Elles sont ici le prétexte à une suite d’histoires dans laquelle le sextet de Pierrick Pédron, ne cherche pas seulement à donner un prolongement au captivant Omry. Il est l’affirmation singulière d’une puissance aux couleurs presque rock et d’une créativité dont le jazz a le secret. Bref, c’est assez explosif et très chaleureux. Comme Pierrick Pédron lui-même.

    Samuel Blaser : Boundless
    Le jeune Helvète est un tromboniste prolifique qui n’hésite pas à bousculer notre confort douillet pour nous inviter à partager ses déambulations très imaginatives. Son association en quatuor dans lequel le guitariste Marc Ducret est parfait comme d’habitude, séduit par un cheminement complexe mais toujours débordant de vitalité. Quelques mois plus tôt, Blaser nous offrait avec Consort In Motion une relecture originale de Monteverdi, avec l’appui du regretté Paul Motian. Il était aussi de la fête des 4 New Dreams de Bruno Tocanne.

    Stéphane Kerecki & John Taylor : Patience
    Un duo presque nocturne, contrebasse et piano. Deux générations dont la conversation est une démonstration lumineuse. Ce disque est à sa manière une incarnation de l’harmonie vers lequel on revient naturellement, en toute confiance.

    Stéphane Belmondo : The Same As It Never Was Before
    Ici, il faudrait parler d’épanouissement. Le trompettiste est au meilleur d’une forme qui doit aussi beaucoup au talent de ses comparses et particulièrement d’une paire américaine de grande expérience, le pianiste Kirk Lightsey et le batteur Billy Hart. Un disque à savourer, tranquillement, pour sa plénitude et la sagesse qu’il dégage.

    Lionel Belmondo "Hymne au Soleil" : Clair Obscur
    Frère du précédent, le saxophoniste poursuit sa quête, celle du passage entre des univers qui ne sont séparés les uns des autres que dans les esprits les plus étroits. Suite d’Hymne au Soleil, Clair Obscur jette de nouveaux ponts entre la musique dite classique du début du XXe siècle et le jazz. Son « Nocturne », qui va de Gabriel Fauré à John Coltrane, est magnifiquement emblématique de la démarche d’un musicien habité.

    Giovanni Mirabassi : Adelante
    Le pianiste italien remet le couvert ! Dix ans après Avanti, Adelante se présente comme un manifeste avec sa succession d’hymnes puisés dans le patrimoine mondial de la résistance à l’oppression. Cette apologie de la liberté s’exprime dans toute la puissance d’une interprétation solitaire et méditative.

    Et pour quelques galettes de plus

    Je n’oublie pas, parmi des dizaines et des dizaines d’autres : Canto Negro (Henri Texier Nord Sud Quintet), Dig It To The End (Tonbruket), Five (Prysm), Songs Of Freedom (Nguyen Lê), The Crow (Plaistow), Avec deux ailes (Sébastien Llado Quartet), Heterotopos (D!Evrim), Seven Seas (Avishai Cohen), Prétextes (Christophe Dal Sasso), Downtown Sorry (Roberto Negro Trio), Nos sons unis (Big 4), Tower # 1 (Marc Ducret)… à vous de compléter maintenant.

    Il faudrait plusieurs vies, quand on y réfléchit...

  • Patience

    stephane kerecki, john taylor, patienceIl est parfois des disques qui semblent tombés du ciel… La veille, on ignore encore jusqu'à leur existence et puis, un beau matin, votre boîte aux lettres – ou plutôt l’orifice dans la porte d’entrée qui fait office de boîte aux lettres, au grand dam du facteur qui fulmine régulièrement contre son exigüité et qui vous le fait savoir en glissant un avis de passage notifiant l’échec de sa livraison et sa volonté stupide de réitérer dès le lendemain à la même heure, c’est-à-dire une fois de plus en votre absence, second ratage qui vous conduira au bout du troisième jour au bureau de Poste le plus proche – résonne de la chute d’un paquet inattendu sur le tapis rectangulaire destiné à adoucir la brutalité d’une atterrissage non désiré. Plouf ! Une enveloppe matelassée attend désormais qu’on veuille bien rompre la solitude dans laquelle elle a tout juste eu le temps de se morfondre depuis son échouage. Scritch ! Scratch ! Scrontch !* A quoi il faudrait aussi ajouter un « Aïe ! » douloureux, assorti de quelques grossièretés que ma retenue naturelle m’interdit de reproduire ici, soit autant d’expressions spontanées consécutives à la vilaine et douloureuse coupure que cette saloperie de papier a mesquinement provoqué sur mon doigt fragilisé par une petite onzaine de milliers de comprimés d’anticoagulant absorbés à doses quotidiennes durant plus de 30 ans.

    Ah, c’est un CD ! Allez savoir pourquoi, malgré plus de quatre décennies pendant lesquelles la musique a occupé une place centrale dans votre vie et anéanti toute la vitalité calculée de votre argent de poche, la prise en main d’un disque – je parle ici de l’objet, avec sa pochette, son livret, ses pages à tourner, ses notes à lire – libère toujours la même dose bienfaisante de joie qui semble ne manifester à ce jour aucun signe de faiblesse.

    Le disque du contrebassiste Stéphane Kérecki et du pianiste John Taylor s’appelle Patience. Ce titre court traduit parfaitement la sérénité qui émane d’un duo nocturne et intime. Deux musiciens sont face à nous – la prise de son au plus près des instruments exacerbe une proximité recherchée – et dialoguent en toute élégance. L’histoire veut que ces deux artistes, qui se sont découverts à l’occasion de cet enregistrement, n’aient éprouvé aucune difficulté à nouer une conversation d’une grande fluidité, dont chaque note exprime à la fois un profond respect de l’autre et une écoute attentive. Cette musique nous entoure, elle est hors du temps, détachée des modes et de toute volonté ostentatoire de séduction.

    Disons-le simplement : Patience est un beau disque, à écouter autant de fois que nécessaire. A sa manière, il est aussi un vrai manifeste, un discret étendard brandi contre les vulgarités ambiantes. Et que les choses soient bien claires entre nous : Kerecki & Taylor est bien le nom d'un duo habité et séduisant, pas d'une ligne de vêtements. Je ne voudrais pas que nos élites soient une fois de plus les victimes d'une stupide confusion... Ce qui ne doit pas leur interdire de prêter une oreille à ce disque qui pourrait leur apporter le complément cérébral qui leur fait souvent défaut...

    * Onomatopée laborieuse visant à retranscrire le bruit émis par un quinquagénaire index arthritique déchirant fiévreusement l’enveloppe dissimulant la précieuse galette elle-même nichée dans un sobre digipack scellé sous cellophane.