« Free as a bird »
Dans les deux romans qu’il m’est arrivé de commettre (Ladies First! en 2013 et La part des anches, à paraître en septembre prochain), on peut croiser un personnage nommé Jean-Pascal Argentini. C’est un guitariste qui a enregistré une bonne dizaine d’albums et façonne un univers très poétique au deuxième étage d’une grande maison, quelque part dans une petite ville de Moselle, là où est installé son studio d’enregistrement. Parce que cet artiste-là, il faut le savoir, n’est pas seulement musicien, il est aussi ce qu’on pourrait appeler un « ingénieur amoureux du son », dont la « patte » particulière, toute en finesse et notes cristallines, est recherchée par les deux musiciennes, une chanteuse puis une saxophoniste, qui sont les personnages principaux de mes deux fictions. Je ne m’en suis jamais vraiment caché : ce Jean-Pascal Argentini est le double d’un autre Jean-Pascal, bien réel celui-là. Ce dernier exerce la plupart du temps ses talents à Clouange, dans le studio Amper (Association Musicale Pour l’Expansion du Rock) sur lequel il veille avec la plus grande attention depuis bien longtemps maintenant. Ah, j’oublie l’essentiel : notre homme s’appelle Jean-Pascal Boffo. Je suis son activité de près, mettant un point d’honneur à me procurer ses disques dès leur sortie, en règle générale directement auprès de leur concepteur. Boffo, c’est quelqu’un qui suscite la fidélité la plus absolue, lui dont le progressive folk (j’ose espérer qu’il acceptera cette définition), façonné jour après jour après une première immersion dans le rock progressif, parfois pétri d’influences Zeuhl, de groupes comme Larsen, Déjà Vu, Mandragore, Geheb-Rê ou Troll (je me permets de vous renvoyer à sa biographie si vous souhaitez en savoir plus), est habité d’une lumière dont les scintillements viennent en droite ligne des cordes de sa guitare. Cette dernière est non seulement l’instrument le plus cher à son cœur mais sans nul doute pour lui une compagne de chaque instant.
J’ignore encore si je tirerai le moindre profit de l’atelier d’écriture auquel je viens de m’inscrire auprès du Théâtre de la Manufacture à Nancy. Six séances de quatre heures sous la coordination d’un animateur qui va s’efforcer d'extirper de son groupe (une petite quinzaine d’adultes consentants) quelques fruits tombés de l'arbre d’une imagination pas toujours débridée, tout en proposant à ses victimes de réfléchir à la construction de personnages et de dialogues.
Lorsque j'ai reçu le disque et le visuel de la pochette (qui incluait les notes écrites par chacun des musiciens), j'ai – comme on s'en doute – pris le temps d'écouter dans un grand silence cette musique improvisée, sans vraiment réfléchir. Murat et Jean-Pascal avaient par ailleurs déjà fourni dans leurs propres textes des informations suffisamment documentées sur leur travail pour que je n'aie pas à me perdre en considérations trop descriptives ou factuelles. Alors j'ai voulu jouer le jeu des Improvisions, en ce sens que j'ai noté sur un bout de papier les premiers mots, les premières images qui me venaient à l'esprit en écoutant le disque. Eux-mêmes ayant improvisé, je leur devais une écriture qui repose sur une trame la plus spontanée possible. Mes visions improvisées, en quelque sorte... Je précise ici que j'ai procédé exactement de la même façon pour construire les 57 textes de l'exposition Portraits Croisés, en association avec mon ami Jacky Joannès (avis à la population : un livret numérique est en préparation, avec toutes les photos, tous les textes, des bonus... Tout cela sera prêt au mois de décembre).