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claudia solal

  • La ville intérieure de Claudia Solal et Benoît Delbecq

    claudia solal, benoit delbecq, hopetown, jazz, jazz, pianoOn peut lire sur la page d’accueil du site internet de Rogueart – le label sur lequel paraît Hopetown enregistré par le duo Claudia Solal / Benoît Delbecq – une citation du contrebassiste William Parker : « Comment osons-nous dépenser autant d'énergie précieuse pour répondre à des questions telles que : qu'est-ce que le jazz ? ». Nul doute que cette interpellation vaut largement pour ce disque né d’une « altérité intérieure » qui intrigue avant d’envoûter. Et autant le dire sans détour, la voix de Claudia Solal mariée au piano de Benoît Delbecq n’a pas choisi l’autoroute de la chanson passe-partout pour entreprendre un voyage pour le moins singulier. Ce serait même plutôt le contraire. La voie empruntée est beaucoup plus sinueuse, escarpée même, et les panneaux directionnels sont assez rares, comme s’il s’agissait de se fier d’abord à son instinct pour avancer dans la bonne direction. À vous de trouver le chemin. Mais en existe-t-il un seul, après tout ? Hopetown est de ces disques qui requièrent de celui ou celle qui écoute une attention soutenue, non qu’il soit d’un accès difficile, mais parce qu’il semble soumis au vertige de l’instant. Rester en éveil, c’est la garantie d’une traversée harmonieuse. Et chacun d’entre nous y projettera ses propres représentations.

    Le travail entrepris par la chanteuse et le pianiste remonte à quelques années maintenant : c’était en 2015 à la faveur d’une tournée à Chicago, organisée par l’association The Bridge, du quartet Antichamber Music, avec la bassoniste Katie Young et la violoncelliste Tomeka Reid, autour de poèmes de James Joyce. Le duo a poursuivi sa collaboration, qui aboutit à un disque enregistré au mois de mars 2018.

    L’idée de liberté est sans doute la première qui surgit dès l’écoute de « Inner Otherness » en ouverture du disque : le piano préparé de Benoît Delbecq installe un climat mystérieux et nocturne, sur lequel s’élève la voix de Claudia Solal. Celle-ci déclame autant qu’elle chante, parfois au creux de l’oreille, improvisant des mélodies flottantes et oniriques qu’on suit avec curiosité, incapable d’en deviner les prochaines nuances. Alors, c’est une autre idée qui nous vient : celle de la si belle incertitude d’un art né du moment présent, dans la spontanéité des émotions de l’intime. Inutile de chercher des comparaisons (c’est là le sens de ma citation de William Parker), cette « ville de l’espoir » existe peut-être sur la carte des songes, mais il est peu probable que vous vous y soyez déjà rendu jusqu’à présent. Tout cela a parfois des allures de « manège enchanté », mais un manège qui prendrait la tangente, à la façon d’une embarcation légère et dérivante… Benoît Delbecq est pianiste mais aussi – et beaucoup – rythmicien et illustrateur, son instrument libérant des sonorités fugitives, parfois métalliques, qui semblent chercher à se faufiler dans les interstices de l’onirisme des textes de Claudia Solal. Nul doute que ces deux-là savent s’accorder une attention réciproque et donner une autre définition de l’interplay. Et je tiens ici à rassurer les mélomanes non anglicistes : outre qu’il est de nos jours assez aisé de comprendre le sens d’un texte écrit dans une autre langue (on trouve des outils dont la fiabilité est certes limitée mais suffisante), ils peuvent se laisser porter par la musique des mots. Cerise sur le gâteau, les titres des « chansons » sont souvent entourés d’un halo de mystère qui incite à rêver : Comme la lune paraît étrange ; Jardin d’hiver ; Vert brûlant ; Euphorie ; L’ultime étreinte… Quant à cette phrase extraite de « No Sake Tonight » qui dit : « Il me faut un correctif émotionnel pour restaurer mes continents souterrains », elle est une invitation à plonger sans réserve dans les mondes intérieurs dont ces deux artistes nous accordent le privilège d’ouvrir les portes.

    Allez-y, entrez ! Déambulez, laissez-vous aller dans les rues de cette ville à nulle autre pareille…

    Musiciens : Claudia Solal (chant), Benoît Delbecq (piano).

    Titres : Inner Otherness / Burning Green / Low Voltage / Euphoria / No Sake Tonight / How Strange The Moon Seems / Winter Garden / Ultimate Embrace / In The Small Of My Back

    Label : Rogueart

  • Claudia Solal & Benjamin Moussay : « Butter in my brain »

    claudia solal, benjamin moussay, butter in my brain, abalonerecordsÊtre fille de, c’est bien, sans nul doute. Surtout quand papa, qui vient de fêter ses 90 printemps, est – j’ose espérer qu’il me pardonnera cette façon de le qualifier – un personnage historique du jazz en France. On imagine que Claudia Solal est fière de son géniteur et qu’elle lui doit beaucoup. Avant d’être chanteuse, elle a d’ailleurs commencé par le piano, ce qui ne saurait être un hasard…

    Mais être Claudia, rien que Claudia, c’est plus que bien, c’est une chance. Butter in my Brain – quatrième disque sous son nom et la preuve que la dame n’est pas du genre à bavarder à l’excès, puisqu’on la connaît depuis une vingtaine d’années maintenant – en duo avec le pianiste Benjamin Moussay, un "vieux" compagnon de route, verra bientôt le jour. Il est l'occasion privilégiée de comprendre à quel point celles et ceux qui vont le découvrir dans le ravissement sont de petits veinards. Parce qu'un tel album est le vecteur d'une plongée dans l'univers réflexif et intime que ces complices ont élaboré avec minutie en onze chansons. Toutes les paroles de celles-ci sont écrites en anglais mais fort judicieusement traduites sur le livret.

    On connaît la capacité de Benjamin Moussay à instaurer des climats suggestifs et oniriques avec beaucoup de sobriété, qu’il joue du piano ou du Fender Rhodes, ou des deux en même temps, voire plus. Ce musicien a les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. On sait combien Claudia Solal sait habiter les mots des autres. Souvenons-nous de Poète, vos papiers ! avec le contrebassiste Yves Rousseau, dans le cadre d'un projet consacré à Léo Ferré. Elle y partageait le chant avec une Jeanne Added alors moins connue qu'aujourd'hui. Au passage, il est amusant de noter que Claudia Solal s'est composé pour Butter in my brain un look de jumelle de sa partenaire d'alors. Mais la chanteuse habite avec une intensité égale les textes qu’elle écrit elle-même et qui sont la manifestation sensible d’une expérience de vie, qu'elle définit volontiers comme sa foolosophy.

    Ce duo de l'enchantement, dont l’association dure depuis plus de quinze ans, est comme une sorte d’unisson. Une union sacrée entre poètes.

    Butter in my brain, qui aura nécessité de longues séances d’écriture à quatre mains pendant plus d’un an et demi, est un objet musical magnifique et envoûtant. Une parenthèse heureuse. Quelque part, entre jazz, pop songs et musique romantique du siècle passé ; ou plutôt ailleurs, tout là-haut, là où les rêves sont encore à portée d'imagination. Je n’éprouve pas le besoin de détailler l'album titre par titre parce qu'il est à recevoir comme un tout ; toutefois, je ne peux vous cacher qu’à l’écoute de « Nightcap for sparrows » par exemple, un doux frisson m’a parcouru. De plaisir, évidement. Et qu’il en va ainsi du début à la fin.

    Comme je ne voulais pas venir vers vous les mains vides en attendant la sortie du disque, je vous ai apporté un petit teaser…

    Butter in my brain sortira le 20 octobre chez Abalone Records. Une bonne occasion de saluer l’ami Régis Huby, dont le travail est toujours aussi remarquable.

  • Inventif

    claudia_solal.jpgFaut pas croire... Je lis, le plus attentivement possible, la prose de mes petits camarades de Citizen Jazz. Et souvent, je me dis que j'ai bien raison !

    Mais avant d'aller plus loin, autorisez-moi un petit conseil : sur votre table (de travail, de salon, de cuisine... qu'importe), peut-être aurez-vous laissé par mégarde une ou deux productions en vogue auxquelles on accole assez étrangement un label jazz, quand il ne s'agit tout au plus que de variétés anglo-saxonnes, dont on peut goûter les charmes, pourquoi pas, mais qui, soyons sérieux, sortent bien rarement du cadre douillet et convenu de la chansonnette. Il paraît que ça trouve son public... Alors, s'il vous plaît, d'un grand revers de la main, vous balayez les Norah Jones, les Katie Melua, les Melody Gardot, les Lisa je ne sais plus quoi... Autant de chanteuses à la mode qui risquent fort de vous assoupir si vous êtes éveillé et certainement pas de vous réveiller si vous somnolez. Un peu d'ivresse ne vous nuira pas, allez donc chercher un peu plus loin les pépites... Le jeu en vaut la chandelle.

    Tenez, l'autre jour encore, notre magazine chéri a mis en ligne la chronique du disque du Claudia Solal Spoonbox, Room Service. Un texte écrit par Franpi Barriaux - à ce sujet, il commence à m'énerver sérieusement celui-là ! J'aimerais bien savoir comment il s'y prend pour glisser mille et une petites inventions poétiques au détour de ses phrases avec un naturel qui frise parfois l'insolence... En tant qu'artisan laborieux de la prose, en écriveur bricoleur, je déclare ici ma plus véhémente jalousie vis-à-vis du monsieur. Franpi, essaie de temps en temps de te fendre d'une phrase ordinaire, histoire de nous laisser croire qu'on arrivera, nous aussi, à dire les choses avec ce brin de folie qui fait toujours du bien. Et toc, voilà, c'est dit ! - qui nous alerte sur les nombreuses qualités d'un disque enregistré avec la complicité de quelques chouettes musiciens, dont Benjamin Moussay, jamais à court d'une invention sonore et d'une enluminure inattendue. Fille du grand Martial Solal, Claudia nous invite dans son univers tout à fait singulier, où les textes (en anglais) nous racontent une Angleterre d'autrefois, peuplée de personnages malicieux, et se conjuguent avec une musique à la fois savante et joyeuse. Parfois - en particulier sur le long et captivant « The Winter Of Our Discontent - on pense à Henry Cow et à sa chanteuse Dagmar Krause sur l'album In Praise Of Learning. Ce qui est un compliment. Il se passe toujours quelque chose sur Room Service : chaque minute, pour ne pas dire chaque seconde, nous réserve une surprise, une trouvaille qui nous enchante. Un peu comme si nous nous trouvions glissés à l'intérieur d'un cabinet de curiosités, dont les mystères et les objets bizarroïdes se dévoilent petit à petit.

    Je vous laisse en compagnie de Claudia Solal, pour découvrir son petit laboratoire artistique, et vous inviter à entrer dans la magie de son univers. Elle interprète ici « Room Service ».

    Claudia Solal (chant), Benjamin Moussay (claviers), Jean-Charles Richard (saxophone), Joe Quitzke (batterie), Régis Huby (violon).

    Et puis, tiens, tant qu'on y est. Suivez aussi les précieux conseils qu'on peut lire chez Belette & Jazz : on y trouve une belle présentation d'un disque formidable, un pari risqué puisqu'il s'agit d'une aventure en solitaire du contrebassiste Claude Tchatmichian : Another Childhood est une réussite flagrante, passionnante de bout en bout. Ce qui ne nous étonne guère quand on connaît le talent du bonhomme. On en redemande !!!