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bruno toccane

  • Là-haut, tout là-haut, sur les collines...

    over the hills, escalator over the hill, bruno toccane, bernard santacruzN’y allons pas par quatre chemins : avec la publication d’Over The Hills, Bruno Tocanne, Bernard Santacruz et leurs sept camarades ont frappé un grand coup. Le plaisir est d’autant plus grand qu’on attendait ce disque depuis un petit bout de temps, au risque d’une pointe de déception à force d’espérer le meilleur, et ce même si l’impatience de quelques-uns parmi nous avait pu être adoucie par des prestations scéniques reflétant fidèlement l’objet musical qui voit le jour cette semaine sur le label iMuzzic. En ce qui me concerne, ce fut à deux reprises : une première fois au CIM de Bar-le-Duc le 6 mars dernier, puis au Parc Floral le 4 juillet, dans le cadre d’un Paris Jazz Festival assommé par la canicule. J’ai d’ailleurs rendu compte de la soirée barisienne dans une chronique pour Citizen Jazz, qu’on peut lire ICI.

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  • Galettes de rois... et de reines !

    2011_disques_blog.jpg

    Disques de l'année... L’exercice peut paraître vain, tout comme l’idée d’un palmarès, mais comme l'ami Franpi s'y est collé, alors j'y vais de ma petite liste. Ici je vous propose en toute simplicité un rapide retour en arrière sur les mois qui viennent de s’écouler, en essayant, sans trop réfléchir toutefois, de penser aux disques (je me suis volontairement limité à ce qu’on appelle communément le jazz) dont les musiques me trottent dans la tête… C’est très injuste pour tous les autres – si nombreux – dont une petite sélection tout aussi incomplète vous est proposée à la fin de cette note. Je précise enfin que l’ordre de cette douzaine dorée ne répond à aucune logique particulière.

    Libre(s)Ensemble
    Pour sa démarche libertaire, ses élans et le souffle de ses influences, qui vont d’Ornette Coleman à King Crimson en passant par le Liberation Music Orchestra. Du grand art pour un grand ensemble. La bande à Tocanne frappe fort, elle qui nous séduisait déjà beaucoup avec 4 New Dreams et continue de nous passionner avec Mad Kluster Vol. 1. Libre(s)Ensemble n'en finit pas de tourner en boucle par ici…

    Artaud : Music From Early Times
    Trop méconnu et pourtant quel disque ! Vincent Artaud, compositeur, arrangeur, multi instrumentiste, réinvente son propre monde un peu mystérieux, celui des origines, entre grands espaces inquiets et paysages brûlants. Une certaine vision de l’infini passée inaperçue pour des raisons tout aussi mystérieuses… Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

    Perrine Mansuy Quartet : Vertigo Songs
    Parce qu’il y a chez la pianiste et ses complices ce brin de folie onirique dont le charme opère instantanément. Une apparence de classicisme sous une trame très mélodique qui cède vite la place à un univers poétiquement décalé. La guitare de Rémy Decrouy est envoûtante, les percussions de Jean-Luc Difraya sont des enluminures et le chant de Marion Rampal nous embarque dans ses espiègleries. Perrine Mansuy nous enchante…

    Sphère : Parhélie
    Jean Kapsa, Antoine Reininger, Maxime Fleau. Ils sont jeunes, ils ont du talent à revendre. Leur premier disque, d’une grande maturité, n’est jamais démonstratif. La sérénité de leur propos vient apporter un contrepoint pacifié au quartet Festen, une autre formation subtilement créatrice de tension dont deux des musiciens du trio Sphère sont les membres très actifs. Tout ce petit monde est décidément passionnant.

    Ping Machine : Des trucs pareils
    Coup de cœur pour ce quasi big band aux envolées chaudes et puissantes, au sein duquel chaque musicien s’exprime dans un état de liberté dont on ressent vite le besoin à la manière d’une dépendance. Une réponse flamboyante aux fossoyeurs récurrents du jazz, qui est ici plus que vivant. Il bouillonne !

    Maria Laura Baccarini : Furrow
    Ou comment faire voler en éclats le répertoire de Cole Porter jusqu'à le rendre méconnaissable et lui donner une nouvelle dimension, fulgurante, entre jazz et rock, au point de dessiner parfois le portrait d’une version contemporaine du rock progressif. La voix de l’italienne est ici l’un des six instruments d’un groupe terriblement inventif. On se réjouit des prestations inspirées de Régis Huby ou Eric Echampard... et des autres !

    Pierrick Pédron : Cheerleaders
    Les majorettes du saxophoniste sont un peu énigmatiques. Rêve ? Réalité ? Allez savoir. Elles sont ici le prétexte à une suite d’histoires dans laquelle le sextet de Pierrick Pédron, ne cherche pas seulement à donner un prolongement au captivant Omry. Il est l’affirmation singulière d’une puissance aux couleurs presque rock et d’une créativité dont le jazz a le secret. Bref, c’est assez explosif et très chaleureux. Comme Pierrick Pédron lui-même.

    Samuel Blaser : Boundless
    Le jeune Helvète est un tromboniste prolifique qui n’hésite pas à bousculer notre confort douillet pour nous inviter à partager ses déambulations très imaginatives. Son association en quatuor dans lequel le guitariste Marc Ducret est parfait comme d’habitude, séduit par un cheminement complexe mais toujours débordant de vitalité. Quelques mois plus tôt, Blaser nous offrait avec Consort In Motion une relecture originale de Monteverdi, avec l’appui du regretté Paul Motian. Il était aussi de la fête des 4 New Dreams de Bruno Tocanne.

    Stéphane Kerecki & John Taylor : Patience
    Un duo presque nocturne, contrebasse et piano. Deux générations dont la conversation est une démonstration lumineuse. Ce disque est à sa manière une incarnation de l’harmonie vers lequel on revient naturellement, en toute confiance.

    Stéphane Belmondo : The Same As It Never Was Before
    Ici, il faudrait parler d’épanouissement. Le trompettiste est au meilleur d’une forme qui doit aussi beaucoup au talent de ses comparses et particulièrement d’une paire américaine de grande expérience, le pianiste Kirk Lightsey et le batteur Billy Hart. Un disque à savourer, tranquillement, pour sa plénitude et la sagesse qu’il dégage.

    Lionel Belmondo "Hymne au Soleil" : Clair Obscur
    Frère du précédent, le saxophoniste poursuit sa quête, celle du passage entre des univers qui ne sont séparés les uns des autres que dans les esprits les plus étroits. Suite d’Hymne au Soleil, Clair Obscur jette de nouveaux ponts entre la musique dite classique du début du XXe siècle et le jazz. Son « Nocturne », qui va de Gabriel Fauré à John Coltrane, est magnifiquement emblématique de la démarche d’un musicien habité.

    Giovanni Mirabassi : Adelante
    Le pianiste italien remet le couvert ! Dix ans après Avanti, Adelante se présente comme un manifeste avec sa succession d’hymnes puisés dans le patrimoine mondial de la résistance à l’oppression. Cette apologie de la liberté s’exprime dans toute la puissance d’une interprétation solitaire et méditative.

    Et pour quelques galettes de plus

    Je n’oublie pas, parmi des dizaines et des dizaines d’autres : Canto Negro (Henri Texier Nord Sud Quintet), Dig It To The End (Tonbruket), Five (Prysm), Songs Of Freedom (Nguyen Lê), The Crow (Plaistow), Avec deux ailes (Sébastien Llado Quartet), Heterotopos (D!Evrim), Seven Seas (Avishai Cohen), Prétextes (Christophe Dal Sasso), Downtown Sorry (Roberto Negro Trio), Nos sons unis (Big 4), Tower # 1 (Marc Ducret)… à vous de compléter maintenant.

    Il faudrait plusieurs vies, quand on y réfléchit...

  • Libre(s)ensemble

    libre(s)ensemble, bruno toccane, imuzzicStop ! Je vous arrête tout de suite… Je crois même vous avoir annoncé la couleur dans ma précédente note et revendiqué le droit de revenir à nouveau sur le talent d’un musicien dont la créativité et l’énergie communicative m’épatent. Car après avoir salué comme il se devait toutes les qualités du 4 New Dreams enregistré en quartet par le batteur Bruno Tocanne, il me paraît peu raisonnable d’ignorer le flamboyant Libre(s)ensemble dont la création lui doit beaucoup, même si cette formation, composée de huit musiciens (plus une musicienne présente sur deux titres de l’album) dont une bonne partie a déjà travaillé aux côtés du batteur, se veut « égalitaire, non soumise à l'autocratie d'un chef unique - chacun vient avec ses idées, son sens du jeu, son écoute d'autrui et ses partitions ». C’est pas moi qui le dis, c’est eux et ils savent ce qu’ils font, les bougres.

    Personne, donc, ne pourra ni ne devra me reprocher d’avoir été pris d’une très forte envie de bisser… Voilà bien qui peut arriver à n’importe lequel d’entre nous, n’est-ce pas ?

    Au rayon de la biographie, je vous épargnerai l’énumération des pointures avec lesquelles notre homme a frotté balais, baguettes et peaux. On trouve une multitude d’informations à ce sujet, aussi bien sur le site Internet du monsieur que sur telle ou telle page à vocation encyclopédique qu’une recherche sur un moteur idoine saura vous dénicher en moins de temps qu’il n’en faut au tout petit Nicolas pour remanier son équipe de bras cassés après nous avoir expliqué qu’ils étaient des professionnels (c’est dire combien la technologie des réseaux nous donne rapidement accès à des informations) et qui feint d’ignorer qu’une possible vague qualifiée hâtivement de bleu Marine, quoique franchement brunâtre, pourrait trouver l’une de ses sources dans l’océan de la médiocrité au pouvoir. Observons la naissance de cette nouvelle et sinistre teinte : le brun Marine, fin de la parenthèse…

    Néanmoins, j’ai vu passer sous la fenêtre de mon écran treize pouces un nombre impressionnant de musiciens, comme par exemple ceux de : Laurent Cugny, Hugh Hopper, Michel Benita, Sophia Domancich, Paul Rogers, John Greaves, Steve Potts, Francesco Bearzatti, Didier Lockwood, Zool Fleischer, Jean-Luc Ponthieux ou Daniel Huck… et bien d’autres encore. Si vous souhaitez en savoir plus, vous savez comment faire (voir plus haut). Quant à toi mon cher Bruno, si tu penses que je dois en ajouter, n’hésite pas à me le dire, il me reste de la place.

    De même, je ne peux passer sous silence la création, voici plus de dix ans maintenant, du réseau Imuzzic dont il est le directeur artistique. Ni celle du trio Résistances et ses trois disques au compteur ou de l’I-Overdrive Trio qui célèbre la musique de Syd Barrett (membre fondateur de Pink Floyd). Encore moins ignorer ses nouveaux rêves, qu’ils soient au nombre de cinq (5 New Dreams) ou de quatre (4 New Dreams)…

    Vous savez donc, puisque vous lisez mon blog avec un acharnement méritoire et un entêtement qui forcent l’admiration – dont on trouvera seulement un pâle équivalent dans la constance mise par la rigide et rigolote Michèle Alliot-Marie à nous expliquer voici peu les vertus éminemment touristiques de son séjour optimisé par des moyens de transports rapides et économiques dans un pays peu soucieux des libertés publiques et de la répartition de richesses confisquées par une poignée de voyous régnants, un pays ami de longue date donc – tout le bien que j’ai pu écrire sur ce disque. Au risque d’apparaître prétentieux, je vais même ici m’auto-citer : « Bruno Tocanne aime l'idée de résistance et c'est aussi ce qu'on apprécie chez lui : on sent qu'armé de ses baguettes, il dynamite à la fois sa musique mais aussi notre vigilance ». Ouais, c’est pas mal comme phrase… Je suis certain de pouvoir faire mieux mais à mon âge, finalement, ce n’est pas si mal. Mais revenons à notre mouton percussif, plutôt que de digresser bêtement…

    La parution, à la fin de l’année 2010, d’un nouveau disque sous l’emblème du Libre(s)ensemble me réjouit à un point tel que seule la sensation de me trouver confronté à l’essentiel de la création musicale, concentrée en cinquante et une minutes, peut expliquer. Du côté de chez Tocanne et compagnie, on ne badine pas avec les notes, on ne souffle pas du bout des lèvres, on ne gratte pas les cordes distraitement, on ne frappe pas par hasard. On vit sa musique, on la fait vibrer, on danse sur un volcan. Comme disait autrefois un vieil oncle kobaïen : « La musique est vitale ou elle est insignifiante ». Il avait certainement raison le Tonton, même si, parfois, sa raison a pu lui faire dire des choses moins essentielles… Je m’égare, une fois de plus.

    Libre(s)ensemble, à la fois nom d’un groupe et titre d’un disque, s’apparente à un manifeste brûlant dont le positionnement artistique s’avère bien difficile à opérer tant il regorge d’influences parfaitement assimilées et mixées en un breuvage à la saveur sui generis. Quelle importance, après tout ? Il y a dans cette musique l’évidence cuivrée des hymnes du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, les fulgurances chaloupées d’un Ornette Coleman au temps de son double quartet Free Jazz, les déchirements d’un John Zorn mais aussi son naturel mélodique, les tentations bruitistes d’un Henry Cow, celui de Unrest par exemple, ou les scansions rageuses et électriques d’un King Crimson époque Red (son influence est à peine masquée dans le martèlement hypnotique de « La Foley » et carrément explicite au cours des trois minutes finales de « Free KC to Gawa », deux compositions signées du guitariste Philippe Gordiani dont on connaît les amours frippées, quand il ne célèbre pas Syd Barrett au sein de l’I-Overdrive Trio).

    Peut-être aurez-vous l’impression que j’exagère, que je grossis le trait et accorde à ce disque une importance démesurée. Peut-être en effet… Mais ce ne serait vraiment pas faire justice au sentiment de profonde jubilation qui m’a gagné à son écoute et que je mesure très naturellement au besoin éprouvé de faire tourner en boucle un enregistrement tel que celui-ci. Au point de reprocher temporairement à la plupart des autres leur manque de saveur, leur absence de chair autour de l’os. Un grief à connotation culinaire qui me fait dire que Libre(s)ensemble est un disque goûteux, gorgé de sucs et de sève, c’est une galette de printemps qui s’annonce, une heure de pétulant fracas à s’en mettre plein les oreilles jusqu’à plus ouïe ! Un truc pour vous rendre un peu marteau des tympans…

    J’ai employé le mot hymne. Oui, des hymnes, car comment qualifier autrement le thème magnifique qu’est celui de « Crépuscule avec Nelly » ? Comment ne pas frissonner de plaisir à l’écoute du « Chant des marais » de Rudolf Goguel, ce chant de tous les déportés, sa mélodie vibrante jouée au saxophone sopranino, en la bonne compagnie de deux guitares qui assurent pacifiquement le rythme. Pareil pour « La révolte des Canuts », le quatrième mouvement de la bouillonnante « Suite for Libre Ensemble », qui n’est pas sans évoquer « Amazing Grace ». La suite en elle-même est une œuvre fascinante où tous les instruments sont à la fête et viennent marcher dans les pas d’Ornette Coleman ou John Zorn tant le groupe jubile de liberté explosive. On pourrait continuer longtemps ainsi, car chacune des compositions réserve sa part de surprise, multiplie les expérimentations dans une vraie euphorie créative… L’essentiel est là, dans la densité du propos ; dans l’absence de caresse dans le sens du poil qui, de fait, se dresse souvent sur la peau ; dans le fait que pas un musicien ne semble vouloir tirer la corde à lui ; dans la volonté d’avancer en toute ébullition ; dans la cohésion et la liberté de ce big band ébouriffé qui sont remarquables, au point qu’on aurait envie de le rebaptiser Équilibre(s)ensemble.

    Quand j’écoute, ré-écoute et écoute encore ce disque, je me dis que tout n’est pas perdu (attention les copains, je ne suis pas naïf et je sais la difficulté d’être musicien) en cette époque où la politique culturelle consiste d’abord à médailler de vieilles badernes à frange. La marmite continue de bouillir, les ingrédients sont probablement plus nombreux qu’ils ne l’ont jamais été et la greffe depuis quelques années d’une belle branche rock sur l’arbre du jazz prend bien, ça commence à bourgeonner joyeusement. Même si d’aucuns n’hésitent pas à évoquer l’idée d’une musique dégénérée (oui oui, y en a qui pensent ça) dès lors qu’un soupçon de binaire commence à fleurir.

    Ah tiens ! Je crois même qu’on devrait recommander l’écoute de Libre(s)ensemble à ce chroniqueur (dont j’ai oublié le nom et celui du site sur lequel il libère sa prose confite) qui écrivait tout récemment : « Le jazz, cette musique si agréable à jouer mais parfois ennuyeuse à écouter, qui finit ces temps-ci par ressasser ses archétypes, comme un vieillard réchauffant ses vieux os au pâle soleil d’hiver ». Dans le genre nul, on a rarement écrit mieux. Hé, mon gars ! Faut sortir un peu de ton salon ! Dis donc, elle sent fort le vieux cliché paresseux, ton analyse à trois sous, tu ne crois pas ? Allez, viens te faire un peu secouer la poussière dans la boutique à Bruno Tocanne, tu verras, ça fait du bien et ensuite, on sent le frais, on est tout printanier, on a faim !

    Bon… ben… voilà, je crois que j’ai été un peu long mais je voulais juste vous dire : précipitez-vous sur Libre(s)ensemble, c’est un chouette disque, avec plein de morceaux de vraie musique dedans. Miam ! Vous voyez que je peux faire court quand je veux.

    Sans oublier…

    Les funambules du Libre(s)ensemble :

    Rémi Gaudillat (trompette, bugle), Philippe Gordiani (guitare), Benoît Keller (contrebasse), Arnaud Laprêt (percussions), Elodie Pasquier (clarinettes), Fred Meyer (guitare), Fred Roudet (trompette, bugle), Damien Sabatier (saxophones sopranino, alto et baryton), Bruno Tocanne (batterie).

    La chronique de Franpi pour Citizen Jazz

    C’est ICI ! Et le disque est ELU !

    Une petite vidéo ?

    PS : sans rire, Libre(s)ensemble, c’est vraiment un disque coup de cœur, je vais finir par l’user (le disque, pas le cœur, qui l’est déjà depuis belle lurette…).