Matthieu Donarier & Santiago Quintans : « Sun Dome »
Lorsqu’on reçoit un assez grand nombre de disques jour après jour, il est parfois difficile de rendre justice à tous ceux qui mériteraient qu’on s’y arrête, au moins en leur consacrant quelques lignes, ici-même ou ailleurs. Le temps n’est pas extensible, chacun le sait. Et puis un beau matin, notre attention peut être attirée par l’un d’entre eux, pour des raisons qui tiennent avant tout à sa singularité. Il y a, ça et là au cœur de cette masse, celui qui se distingue des autres par sa couleur différente, par sa forme inattendue et pourquoi pas abrasive, par les surprises qu’il réserve, par sa capacité à emprunter ces petits chemins de traverse qui vous sortent d’une zone de confort balisée par une série de productions estampillées jazz qu’il vous a été donné d’apprécier et d’oublier assez vite parfois.
Paru sur l’excellent label Clean Feed, Sun Dome est de ceux-là. Voilà un disque en duo qui sort assurément du lot, pour employer une expression un peu convenue. Derrière ce titre céleste, un duo formé par le saxophoniste et clarinettiste Matthieu Donarier et le guitariste Santiago Quintans. Tous deux se connaissent puisque l’Espagnol est le leader du trio Tip Trick dont Donarier est l’un des membres avec le tromboniste Jean-Louis Pommier. Quant au saxophoniste, il sait ce que duo signifie : on connaît en particulier son association avec le contrebassiste Sébastien Boisseau, sous le nom de Wood.
Sun Dome est un disque au sujet duquel mon camarade Nicolas Dourlhès a très justement dit dans sa chronique pour Citizen Jazz qu’il y brûlait une lumière intense sous la froideur. C’est bien résumé : entre compositions (quatorze au total, assez courtes pour la plupart) aux formes alertes et vivaces (« Kinda Haka », « Itch », « Puzzle », « Flamingo » ou « Rayas »), moments d’une immobilité glacée (« Sun Dome », « Getty Lee », « And Yet So Real », « Lucid Red », « Shadowalk », « Warm Fog » par exemple) et instants pacifiés (« Brueghel », « Infinite Rain »), les deux musiciens ont cette capacité pas si commune d’instaurer un climat général. Dérangeant parfois du fait de l’inconfort relatif dans lequel il peut vous installer – vous trouverez peu de mélodies dans ce disque, mais plutôt des textures en mouvement, aux sonorités parfois coupantes ; captivant toujours du fait de l’incertitude qui vous gagne au fur et à mesure de votre immersion consentante dans une musique tour à tour ambiante (certains passages ne sont pas sans rappeler un autre duo, celui constitué par Brian Eno et Robert Fripp, comme « Getty Lee ») et virevoltante qui jamais ne cherche à faire joli, parce que certainement habitée d’une inquiétude sous-jacente.
Sun Dome est une sorte de disque de l’après. Auparavant, il y aurait eu un choc puis un grand silence irradié. Sa musique serait née d’un monde où les humains n’ont peut-être déjà plus leur place, il est trop tard. Saxophone et guitare (électrique, au son la plupart du temps saturé quand il n’est pas atmosphérique et lancinant) disent ce moment où tout est à reconstruire et c’est comme s’il leur fallait établir de nouveaux moyens de communication entre eux, commencer à élaborer un autre langage. En se faisant face parfois, comme s’ils se jaugeaient sans bouger ; ou en engageant un combat fraternel en forme de course poursuite. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu, juste cette lumière entrevue qui dit que la vie va reprendre ses droits.
Sous le soleil exactement...
Commentaires
La música de este cd. te hace transitar por un mundo ajeno y a la vez conocido, a la infancia, donde los sonidos y los sentimientos aún no son comprendidos. Santiago Quintans, con el dominio, apenas aparente, de la guitarra, arranca ráfagas de sentimientos variados del mundo y te los clava en el corazon, y Mattieu le secunda en el mismo viaje.
Enhorabuena por la creación de este cd. Personal y unico