#NJP2014, échos des pulsations / 5
Je reviendrai sans tarder sur la soirée de clôture de l'édition 2014 de Nancy Jazz Pulsations, ce qui me permettra d'établir un bref bilan chiffré plutôt encourageant. Je dois aussi m'excuser auprès de Guillaume Perret pour n'avoir pu assister à l'Autre Canal au concert de son phénoménal Electric Epic en raison d'un vilain virus qui m'a cloué au lit jeudi, mais d'autres occasions se présenteront, ça ne fait aucun doute. En attendant, mon fidèle complice Jacky Joannès veillait au grain (quoi de plus normal pour un photographe ?) et n'as pas manqué de laisser traîner son objectif dans la salle rouge… Voici deux portraits (Perret partageant l'affiche avec Robert Glasper) qui, peut-être, me feront pardonner mon absence !
Guillaume Perret
Robert Glasper
Mystère de la nature ? Effet secondaire de la venue d'Electro Deluxe au Chapiteau de la Pépinière vendredi soir ? Un combat nocturne et très exsudatoire m'a fait triompher du mal et, bien qu’épuisé comme après un marathon, un constat s'impose à moi : plus de fièvre, plus de douleurs, je suis fin prêt pour vibrer au spectacle que vont offrir pendant 75 minutes sept musiciens dont une longue soirée, la veille à l'Olympia avec le renfort de son décoiffant Big Band et des quatre DJ's de C2C, n'a pas réussi à épuiser les forces.
Mais avant d'évoquer le tsunami provoqué par le septette, je ne peux que partager mon plaisir d'avoir assisté au concert émouvant de la chanteuse Bettye LaVette, qui sait si bien glisser dans sa black music une bonne dose de rock britannique (ainsi son British Rock Songbook paru en 2010). Celle qui a publié en 2012 une autobiographie appelée A Woman Like Me (ce qu'elle n'a pas manqué de rappeler) se présente sur scène en toute simplicité, vêtue de noir. On compare souvent son timbre de voix à celui de Tina Turner : peut-être, mais un peu simpliste tout de même… Sa prestation, humble et imprégnée de soul, semble bien loin des excès de cette dernière (incluant quelques kitscheries). Bettye LaVette joue une carte plus intime et chante comme d'autres vous font des confidences. Les quatre musiciens qui l'entourent expriment une puissance contrôlée, le son - je le souligne - est d'excellente qualité. Le public adopte vite cette grande dame qui sera passée sur scène un peu à la façon d'un ange et en qui couve un feu très humain. Et je garde en tête son interprétation très émouvante de « Isn't It A Pity », magnifique chanson de George Harrison qu'on peut trouver sur l’album légendaire du guitariste All Things Must Pass (pour l’anecdote, il faut savoir que cette chanson faisait partie de celles que les Beatles avaient refusé d’inclure à leur répertoire...). Seul bémol : le public a un peu tardé à faire son entrée au Chapiteau, ce qui a posteriori ressemble à une erreur, d'autant que la vibration de Bettye LaVette constituait un excellent apéritif au grand show qui allait suivre… Nancy, as-tu de l'esprit ? Oui !
Bettye LaVette (chant), Alan Hill (claviers), Brett Lucas (guitare), James Simonson (basse), Darryl Pierce (batterie).
Album associé : Thankful 'n Thoughtful (Anti, 2012)
Un des grands moments de Nancy Jazz Pulsations 2014… Mais amusez-vous à interroger celles ou ceux qui voyaient sur scène Electro Deluxe pour la première fois : ils ne douteront pas une seule seconde du fait que James Copley, l’ami américain du groupe, son chanteur charismatique à l’élégance scénique qui ferait de lui un autre James, comme un James Bond de la soul music, est le leader du groupe qui vient de les faire chavirer. Ce en quoi ils auraient parfaitement tort : Electro Deluxe existe depuis treize ans et ses membres fondateurs (tous présents à NJP, bien sûr) ont pour nom Thomas Faure, Gaël Cadoux, Jérémie Coke et Arnaud Renaville. A l’origine orienté vers ce qu’on appelle communément l’électro-jazz, Electro Deluxe a imprimé à son répertoire un virage assez marqué le conduisant à une expression typique de la musique noire américaine des années 60, cette soul music qui n’en finit pas (et ne finira jamais) de vibrer en beaucoup de cœurs. On entend battre les cœurs des maîtres, Otis Redding, James Brown, Stevie Wonder et quelques autres... Pulsations...
Parmi les coupables de cette inflexion, James Copley, bien sûr, rencontré un peu par hasard par nos quatre amis et qui eurent tôt fait de le convaincre de les rejoindre dans leur aventure musicale et de laisser tomber son boulot de l’époque (l’histoire veut qu’après l’avoir entendu chanter, son patron lui aurait vivement conseillé d’arrêter de vendre des T-Shirts pour se consacrer exclusivement à la musique). Copley fera son apparition sur Play, le troisième album publié en 2010 et occupera une place de plus en plus importante au fil des mois, prenant sa part dans le travail de composition et signant de nombreux textes. Un Live In Paris paru en 2012 et retraçant un mémorable concert à l’Alhambra quelques mois plus tôt en administre la preuve. Et de façon d’autant plus éclatante qu'Electro Deluxe se produisait ce soir-là pour la deuxième fois en version Big Band (après un premier essai très concluant au New Morning en juin 2011) : au total 18 musiciens sur scène et un feu d’artifice que les créateurs du groupe aiment reproduire autant que faire se peut.
Mais on ne déplace pas une équipe à 18 aussi facilement qu’une équipe à 7 et c’est dans sa version « réduite », incluant le trompettiste Vincent Payen et le tromboniste Bertrand Luzignant, qu’Electro Deluxe va faire tourner les têtes au chapiteau. James Copley interdit la station assise, il peut compter sur un public rajeuni pour lui obéir et il accomplit l’exploit consistant à faire se lever les spectateurs ayant pris place dans les gradins. Pas une mince affaire... Le spectacle est sans pause – à peine un moment de calme avec « Home » dont les paroles et les évocations parlent beaucoup de son enfance et de son père qui l’emmenait chanter dans les églises quand il était gamin – et d’une efficacité redoutable ; parfois, Copley cède le devant de la scène pour laisser ses camarades exploser, ce qu’ils font avec une maîtrise remarquable. On pourrait être mal à l’aise parce qu’il s’agit d’un véritable show, mais les doutes sont immédiatement évacués : Electro Deluxe est une machine à groove, une impressionnante embarcation dont les capitaines maintiennent le cap avec l’assurance des plus grands. Presque tout le répertoire du dernier disque, Home, sera passé en revue, avant un final associant le très funky « Stayin’ Alive » des Bee Gees (je me permets de souligner le mot funk car on appose trop souvent et par erreur l'étiquette disco à cette période des trois frères Gibb) et « Let’s Go To Work », autre composition phare d’Electro Deluxe (chantée par James Copley et Gaël Faye sur l’album Play).
NJP est emporté par une fièvre on ne peut plus contagieuse, Electro Deluxe vient de lui asséner une sacrée décharge comme il a appris à le faire et en maîtrise les codes secrets. Un grand moment, sans aucun doute (qui sera d’ailleurs souligné par Patrick Kader, directeur du festival, lors de la conférence de presse du lendemain).
Les responsables de NJP peuvent donc se le tenir pour dit : Electro Deluxe doit revenir très vite, et cette fois augmenté de son Big Band, dont les éclats ne sont plus un secret pour personne. Ils n'ont pas le choix et pourront mesurer la capacité de cette équipe hors normes à embraser encore plus - oui, c'est possible - l'espace historique qu'est, malgré sa récente mue, le Chapiteau de la Pépinière. Grand spectacle assuré. Banco ?
James Copley (chant, claviers), Gaël Cadoux (claviers), Thomas Faure (saxophones), Jérémie Coke (basse), Arnaud Renaville (batterie), Vincent Payen (trompette), Bertrand Luzignant (trombone).
Disque associé : Home Deluxe Edition (Stardown, 2013)
On va penser que je ne suis pas un type sérieux mais... les personnes que j’ai croisées après le concert de Lee Fields & The Expressions m’ont toutes certifié qu’elles avaient passé un bon moment. Dont acte, je me fais un plaisir de rapporter leurs dires et d'ajouter un autre portrait signé Jacky.
Parce que vous l’avez compris, j’ai vite quitté la salle pour passer un bon moment avec quelques uns des musiciens d’Electro Deluxe tout près du stand merchandising. En particulier en échangeant une poignée d’anecdotes personnelles avec James Copley qui ne se contente pas d’être un showman d’exception mais se présente aussi comme un homme qui peut parler de son enfance et de ses parents avec attendrissement tout comme il vous racontera avec force détails ses choix vestimentaires, d’un chic si britannique qu’on en oublierait presque qu’il est américain ! Un sacré monsieur, que je salue ici bien bas.
Commentaires
Comme tu es bavard ! Bon réveillon !