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Impromptu ménager

lave-vaisselle.jpgAllez, une fois n'est pas coutume : malgré les vrais morceaux promis par le sous-titre de mon blog, je ne vais pas vous parler de musique aujourd'hui… Encore que l'évocation d'un appareil électro-ménager - en l'occurrence un lave-vaisselle - puisse toujours donner lieu à une analyse qui le rapprochera d'un instrument : c'est vrai, un tel objet émet des sons, il semble parfois animé d'un tempo et ses cycles – comme autant de rythmes - de variations, ses sonorités liquides ne sont pas sans faire penser à certains arrangements orchestraux contemporains, et j'irais même jusqu'à penser que son bruit constitutif est en lui-même une forme élaborée de musique. Certainement pas plus ennuyeuse que celle qu’émettent nos éminences casquées dont les sons font frissonner les fessiers soi-disant festifs de tous les continents. Une musique du quotidien de nos cuisines tout aussi captivante que je ne sais quelle playlist fourguée chaque jour sur telle radio de service dit public, laconiquement vendue par une voix dont la capacité à lire avec conviction les dossiers de presse écrits par d’autres m’émeut à un point que vous ne sauriez imaginer... « On aime, on vous en parle ». Tu parles, Charles, tu ferais mieux de la garder pour toi, ta liste chloroformée.

Je reviens à mon lave-vaisselle : nous sommes dans un magasin où trônent fièrement des dizaines d’appareils parés de blanc ou plus souvent de la couleur toujours en vogue appelée « alu brossé ». Un charmant vendeur habillé d’un gilet rouge aussi seyant qu’un string le serait au postérieur ultra-droitier de Jean-François « tous à poil » Copé me regarde non sans exhiber un sourire triomphant : voilà le modèle en adéquation parfaite avec ma demande ! Catégorie A++, bestiau pas énergivore du tout, consommation d’eau réduite à son strict minimum. L’index dominateur, pointé sur le panneau affichant les principales caractéristiques techniques du lave-vaisselle, n’appelle aucune opposition de ma part. C’est celui qu’il me faut ! Pas un autre.

Sauf que... monsieur Gilet Rouge, vous semblez avoir oublié que nous vous avions fixé un ordre de prix ; et celui de votre chouchou – que vous affirmez vendre à tout va depuis quelque temps – dépasse de très loin la somme que nous ne souhaitons pas dépasser. Ah ah ah, on dit quoi maintenant ? Vous nous regardez, certain de notre prochaine reddition : « Mais enfin, monsieur, la consommation d’eau ! La consommation d’eau ! Il bat ses concurrents à plates coutures, c’est le champion toutes catégories, un véritable chameau, vous ne trouverez pas mieux ».

Mouais... Je jette un rapide coup d’œil aux voisins, beaucoup moins chers mais qui, c’est vrai, sont un tantinet plus soiffards. Mon matador guette le désappointement qui va nous gagner, il scrute déjà la table et les deux chaises où nous allons nous installer pour signer l’armistice et nous agenouiller à jamais.

Taratata ! Mais ça va pas ton truc, mon petit gars... Fermant les yeux, je laisse surgir en moi la calculette mentale qui me ronge quotidiennement depuis le jour de ma naissance et dont les piles sont rechargeables ad vitam æternam à compter de l’époque lointaine où j’exerçais ma dictature sur un peloton de coureurs cyclistes drivés par mon frère aîné, imposant à mon cerveau une vitesse d’exécution dans la pratique du calcul mental dont le seul équivalent au monde serait la propension de certains édiles de l’UMP à jouer les vierges effarouchées quand on suspecte certains de leurs représentants les plus connus d’une pratique sinueuse de la démocratie.

Une poignée de secondes plus tard – entre temps, j’ai calculé la différence de consommation d’eau avec un modèle par ailleurs en tous points identique, rapporté cette dernière à l’écart de prix entre les deux modèles, divisé le tout par celui du mètre cube d’eau à Nancy (et je peux vous dire qu’il est cher, merci Veolia, merci les noyaux durs sarkoballaduriens...), estimé le nombre moyen de vaisselles effectué chaque année, pratiqué une ultime division – je regarde mon adversaire pour lui signifier qu’il me faudra dix-sept, voire dix-huit ans avant d’imaginer amortir la différence de prix des deux machines. Et toc ! Prends ça dans le museau, mon vieux... Là, je crois que j’ai marqué un point ; je n’ose pas encore me voir en vainqueur du duel mais j’ai bon espoir d’avoir porté un coup fatal. En face, on est moins fringant, on me parle d’obsolescence programmée, on me dit qu’en effet, dans dix-huit ans, j’aurai changé de lave-vaisselle depuis belle lurette. On m’explique qu’on me laisse réfléchir, le temps d’aller prodiguer la Sainte Parole à d’autres clients qui, eux, sauront reconnaître la validité d’arguments commerciaux irréfutables.

Réflexion ? Non, nous serons inflexibles et n’en démordrons pas, nous optons pour le modèle qui boit un peu plus d’eau mais qui coûte beaucoup moins cher. Non mais...

Gilet Rouge revient et comprend à ma mine qu’il sera impossible de nous faire changer d’avis, même s’il est heureux de me faire savoir que l’installation pourra intervenir chez moi sous quarante-huit heures, ce qui est un délai très court. Nous nous asseyons et, alors que j’ai déjà extrait ma carte bancaire, le perfide vendeur en profite pour me vanter les bienfaits d’une extension de garantie qui sera le porte-bonheur des années à venir de notre nouveau protégé. Grand seigneur, il va jusqu’à nous proposer une réduction de 25% sur cette somme additionnelle. Ce qui, par parenthèse, en reviendrait à nous faire payer le lave-vaisselle au départ moins cher à l’exact prix de l’autre, là, celui que tout le monde, soi disant, s’arrache, et qui coûte un bras. Je m’abstiens de relever cette grossière et ultime manœuvre de diversion et glisse mon bout de plastique dans le terminal bancaire, sans obtempérer. « Nous ne prenons jamais les extensions de garantie ». 

Fin du combat. J’ignore si cette petite note présente le moindre intérêt mais au moins, j’aurai eu l’illusion d’une victoire face aux forces armées du commerce qui ne cessent de nous menacer. J’aime bien l’idée de ces combats un peu vains et des satisfactions qu’ils suscitent. Et puis, surtout, il m’est arrivé autrefois de me sortir beaucoup moins bien de ce genre de confrontation piège : vous n’avez qu’à lire par ici pour comprendre...

Commentaires

  • Nous ne prenons pas non plus les extensions de garantie, nulle part.
    Le lave-vaisselle fait sa musique le soir et jusqu'à 23 h....
    Gilet rouge : je vois... bon week end.

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