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youn sun nah

  • Ladies first (1/2)

    Je réfléchis depuis quelque temps à l'écriture d'une nouvelle appelée Ladies First, qui viendra illustrer une exposition de photographies dont la co-réalisation sera assurée par mon pote Jacky Joannès.

    Nos rôles sont bien répartis : à lui l'image, à moi le signe.

    Le principe en est très simple puisque le visiteur pourra, selon son humeur plus ou moins vagabonde, se contenter de regarder les portraits, ou bien lire le texte qu'il devra suivre de cadre en cadre, ou bien encore tout lire et regarder. L'exposition et la nouvelle porteront le même nom et auront pour point commun la femme.

    Mon acolyte va mitonner une cinquantaine de portraits de chanteuses ou musiciennes ; le texte en gestation, lui, évoquera l'histoire d’une artiste – une chanteuse - qu’on suivra dans sa tentative de renaissance…

    Je ne peux guère en dire plus, mis à part le fait que Ladies First sera l'une des manifestations associées aux quarante ans du Festival Nancy Jazz Pulsations, au mois d'octobre prochain, et qu'elle se tiendra à la MJC Pichon. Et puisqu'il est question de femmes, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? J'aimerais saluer en deux temps deux disques très différents dans leur forme mais qui ont un vrai point commun : leurs deux génitrices ont à cœur d'inventer un univers et de faire valser les étiquettes avec bonheur. L'une est apparentée au jazz, l'autre à la musique dite classique… Mais balivernes que tous ces genres, il s'agit simplement d'évoquer une puissante vibration, dans un cas comme dans l'autre. 

    Qui va lento va sano...

    youn sun nah, lentoC'est au mois d'octobre 2010 que j'ai découvert sur scène la musique de Youn Sun Nah : à l'affiche de Nancy Jazz Pulsations, la chanteuse coréenne se produisait en duo avec le guitariste Ulf Wakenius (un très grand musicien, d'une désarmante simplicité) dans le cadre intime de La Fabrique, petite salle qui jouxte le Théâtre de la Manufacture devenu depuis quelque temps le refuge du jazz de ce festival bientôt quadragénaire. Youn Sun Nah avait envoûté le public comme par magie. Avec elle en effet, tout est grâce et suspension, la musique s'épanouit dans un sourire qu'elle arbore comme une arme de paix et les frontières s'évanouissent illico dans un éclat solaire universel. Qui que vous soyez, quelle que soit votre appétence pour la musique, vous pourrez trouver votre compte dans cette entreprise de séduction exempte de la moindre trace de vulgarité.

    À cette époque, Youn Sun Nah faisait la promotion de son album Same Girl (le septième), qui allait devenir le vaisseau amiral d'un succès phénoménal. Très vite, la chanteuse est devenue une sorte de repère transgenres, jouant à guichets fermés et ne cessant d'élargir le cercle de ses aficionados. Il y a autour d’elle une espèce d’unanimité qui force l’admiration. En témoigne son nouveau passage à Nancy Jazz Pulsations, un an plus tard, dans un Opéra Théâtre plein comme un œuf, reflet d'un envol assez singulier ! Virtuose et habitée, ne dédaignant pas les emprunts à des répertoires inattendus (Metallica, Tom Waits, …), choisissant de s'accompagner ici ou là d'instruments minimalistes (kalimba, kazoo, …), s'engageant dans de folles courses avec ses compagnons de scène (Wakenius étant à ce jeu un redoutable comparse) avant de replonger dans la sérénité d'une mélodie issue de la musique traditionnelle coréenne.

    En 2013, Youn Sun Nah est une star au sens le plus cosmique du mot, parce qu’elle s’est imposée comme une étoile très lumineuse dans la constellation musicale. Son récent concert au Théâtre du Châtelet aura été vécu comme une consécration, pour ne pas dire un sacre. Nul doute qu'il se trouvera bien vite une major suiveuse et paresseuse (on me pardonnera ce pléonasme) pour tenter de nous refourguer un ersatz à l'enveloppe asiatique et joliment décorative dans les mois à venir ; mais qu'on ne s'y trompe pas, il n'y aura qu'une seule Youn Sun Nah, alors autant en profiter sans attendre. C'est un privilège d'être de ses contemporains.

    Il faut aussi s’attendre à entendre bientôt des voix discordantes : j’admets qu’on puisse ne pas être sensible à l’esthétique particulière de la chanteuse, entre pop et jazz, aux parfums de musique coréenne ici ou là, qui peut détourner de son chemin des oreilles en quête d’un frisson d'incertitude et de plus de vertige. C’est normal, tous les goûts sont dans la nature, la diversité des opinions est non seulement respectable mais souhaitable. Mais à condition d’être sincère dans son indifférence ou son rejet. Quand je lis, par exemple sous la plume un peu aigrie d’un spécialiste, que Youn Sun Nah est, je cite : « bidon », alors là je me marre tant je trouve cette remarque stupide. Car toute l'histoire de la chanteuse depuis plus de vingt ans est la démonstration implacable de sa sincérité et de son engagement dans la création d’un univers artistique singulier. Elle est tout sauf bidon ! Youn Sun Nah vit son art avec un vrai souci d’élévation, n’allons pas maintenant – sous l’effet d’une prise de distance qui est en réalité la marque d’un contrepied conformiste attendu – aller lui chercher des poux dans la tête et lui reprocher d’en vivre aujourd’hui.

    Avec Lento, nouvel album paru sur le label allemand Act, le charme continue d'opérer : je me permets de vous renvoyer au texte de mon éminent camarade Franpi, auquel je n'ai finalement rien à ajouter.

    Ce disque est la parfaite continuation de son prédécesseur, une suite naturelle qui reprend les mêmes ingrédients (pourquoi lui reprocherait-on puisqu’ils sont délicieux ?) et permet à la chanteuse d’ouvrir sa musique à d’autres sonorités grâce, entre autres, à la présence du grand Lars Danielsson à la contrebasse et de l’accordéoniste Vincent Peirani, dont le talent lui aussi est en pleine epanouissement. Alors oui, c’est vrai, Lento apparaîtra familier à tous ceux qui se sont régalés de Same Girl voici trois ans, oui il est un disque dont l’aventure n’est pas à chercher dans sa forme caressante mais plutôt dans l’intensité de sa force vibratoire. Et je ne souhaite à personne de rester insensible à la beauté magnétique de « Lament », « Hurt » ou « Full Circle », ni même aux échappées virtuoses de « Momento Magico ».

    J’ignore à quoi ressemblera le prochain disque de Youn Sun Nah : en attendant, celui-ci est un beau refuge, une réplique pleine de noblesse à la morosité ambiante. C’est quand même beaucoup, non ?

    A suivre... une histoire de transgression, bientôt !

    Et pour vous faire patienter, un peu de musique...

  • Nancy Jazz Pulsations 2011 # 6

    youn sun nah, nancy jazz pulsations, citizen jazzElle avait hypnotisé la petite salle de La Fabrique lors de la précédente édition de NJP. Son duo avec le guitariste Ulf Wakenius avait comblé le public, au premier rang desquels de jeunes enfants écarquillaient des yeux ébahis. La voici qui revient, mais en quartet et à l’Opéra ! Une sacrée montée en puissance… En douze mois, Youn Sun Nah est presque devenue une icône. Vincent Peirani à l’accordéon et Simon Tailleu à la contrebasse sont entrés cette année dans la danse lumineuse de la délicieuse coréenne qui paraît toujours aussi étonnée du phénomène d’adhésion qu’elle suscite. Le répertoire, tiré de ses deux derniers disques Voyage et Same Girl (à l’exception de « Avec le temps » chanté lors de l’un des trois rappels) est exactement le même qu’en 2010 : qu’importe, le charme opère instantanément. Seule à la kalimba ou à la boîte à musique, en trio, en duo ou en quartet, la chanteuse met à nu toutes ses émotions, ses joies, ses peines. Parfois, elle murmure, elle crie, avant d’évoquer, les yeux fermés, son pays natal dans un blues coréen. Elle emprunte des thèmes à Randy Newman, Léo Ferré ou Tom Waits ; ses musiciens rivalisent de lyrisme et de dialogues inventifs, parfois cocasses comme sur le splendide « Frevo » d’Egberto Gismondi. Ulk Wakenius, un grand monsieur, multiplie les trouvailles, massacrant au besoin une cannette de boisson gazeuse qui n’en demandait pas tant ; Vincent Peirani s’impose comme un parfait partenaire et sait aussi doubler avec un vrai charisme Youn Sun Nah au chant. Il faudra trois rappels – et un espiègle « Pancake » - pour assouvir la faim d’une salle conquise par une artiste décidément pas comme les autres. 

    Opéra de Nancy – Lundi 10 Octobre 2011

    En écoute : « Pancake », extrait de Same Girl.

    podcast

    Texte préparatoire à un prochain compte-rendu complet pour Citizen Jazz.

  • Magique

    stanza, kalimba, musée du quai branly, youn sun nah, my favorite things, john coltraneVoilà une petite carte postale, souvenir d’une récente visite du Musée des Arts Premiers, un lieu né de par la volonté du plus anosognosique de tous les anciens présidents de la République qui, déjà à l’époque, avait la mémoire courte sur son passé récent mais vouait un culte à celle des très anciens. Pas grand monde du côté du Quai Branly, aucune attente aux caisses, juste les bonnes conditions pour une tranquille déambulation, souvent dans une demi-pénombre semble-t-il voulue par les concepteurs de ce site.

    Forcément, je me suis attardé sur les instruments de musique et j’ai été immédiatement séduit par ce joueur de sanza (originaire du Centrafrique), parfois appelé piano à pouces. On trouve de par le monde différentes déclinaisons de ce précieux objet : tout récemment, sa version Ougandaise, appelée kalimba, a été remise au (bon) goût du jour par Youn Sun Nah, qui illumine la célèbre chanson « My Favorite Things », tirée de la comédie musicale The Sound Of Music (en France, La mélodie du bonheur) que John Coltrane avait de son côté transfigurée un beau jour d’octobre 1960.

    La voix de la chanteuse Coréenne, son interprétation émouvante, seule avec sa kalimba, sont un pur enchantement. Les images, quant à elles, vous expliqueront d’elles-mêmes le surnom de l’instrument.

    Un peu de magie…

  • Fielleux

    Dans un récent article du journal Le Monde, Sylvain Siclier se paie assez méchamment la chanteuse coréenne Youn Sun Nah après sa prestation en duo avec le guitariste Ulf Wakenius au Printemps de Bourges.

    Voici ce qu’il nous dit : « …Youn Sun Nah en fait trop, épuisante de virtuosité. Sur la forme, le principe est un peu répétitif. Elle pose, avec le guitariste Ulf Wakenius la mélodie, qu’elle double de la voix, sans louper un quart de ton, une quintuple croche. Puis les deux improvisent. Dans la vitesse la plupart du temps. Et même sur tempo lent ils en mettent partout. C’est bluffant au premier abord. Puis assommant. Du jazz, elle oublie le nécessaire swing et la fantaisie ».

    Je me demande bien qui, dans cette histoire, manque de fantaisie et de la plus élémentaire fraîcheur d’esprit. Si chacun d’entre nous est libre de ses opinions, force est de constater qu’on a connu le journaliste beaucoup mieux inspiré. Quelle est donc cette amertume qui le conduit à s’égarer ainsi et déverser laconiquement une bile hors de propos ? Pour avoir eu la chance d’assister à un concert du même duo lors de la dernière édition des Nancy Jazz Pulsations, je ne peux que m’inscrire en faux et souligner, une fois encore, la grâce de ces deux artistes chaleureux ! Point de démonstration – même si l’un comme l’autre sont effectivement de vrais virtuoses – de leur part, juste une salutaire décharge de lumière dont les effets bienfaisants se font sentir bien longtemps après la dernière note jouée. Sans oublier une belle dose d’humour, prenant appui sur une prise en compte sincère du public avec lequel ils dialoguent tout naturellement. Cerise sur le gâteau, Youn Sun Nah est une personne délicieuse qui a conservé une simplicité très touchante à travers laquelle elle démontre que l’être humain habite son art au plus près du cœur. Quelques instants après le rappel, je la vois encore s’émerveiller – comme si elle doutait de son propre rayonnement – en parlant avec un groupe d’enfants venus l’écouter et qui s’étaient précipités pour lui poser des questions minutieusement préparées avec leur professeur de musique. Son regard pétillait d’une joie non feinte. Juste avant de prendre le temps de bavarder tranquillement avec moi, sans la moindre distance.

    youn sun nah
    Photo Youn Sun Nag © Jacky Joannès

    Au rayon des circonstances atténuantes pour le journaliste, on pourra peut-être émettre l’hypothèse qu’au mois d’octobre dernier, Youn Sun Nah se produisait dans le cadre intime et chaleureux de La Fabrique, cette petite salle jouxtant le Théâtre de la Manufacture de Nancy. Un lieu idéal pour cette musique puisant aussi bien dans un répertoire jazz que dans la comédie musicale (avec la reprise de « My Favorite Things », une chanson extraite de The Sound Of Music), en passant par les influences de la tradition musicale de sa Corée natale, une composition de Nirvana ou Van Halen. Ce qui n’était peut-être pas le cas de la scène du Printemps de Bourges, certainement plus adaptée aux grosses machineries en vogue et hautement périssables. Mais on ne pourra m’empêcher de penser que cette vacherie adressée à Youn Sun Nah trouve aussi son origine dans un dépit mal placé. Comme si Sylvian Siclier regrettait que la reconnaissance dont bénéficie désormais la chanteuse l’avait fait sortir du cadre strictement réservé aux spécialistes dont il pense être l’une des voix autorisées. Comme si son succès actuel la rabaissait au rang d’objet de curiosité commerciale, indigne de la nécessaire austérité derrière laquelle tout musicien digne de ce nom doit se ranger.

    Oublions donc cette saillie condescendante et réjouissons-nous plutôt à l’idée que le talent, parfois, rencontre un large public. Cette jonction n’est pas si fréquente qu’il faille à tout prix tomber dans le dénigrement hautain et les jugements péremptoires d’un spécialiste qui devrait se rappeler que les colonnes d’un grand journal ne sont pas extensibles au point qu’on puisse s’autoriser à les remplir d’une démonstration de grand vide émotionnel.

    Alors écoutons les disques de Youn Sun Nah (ses deux dernières productions, appelées Same Girl et Voyage sont de véritables petits bijoux de sensibilité) et prenons le temps de l’écouter nous parler de sa version de « My Favorite Things ».

  • Sélection

    DSC00224-pola.jpgJe sais que l'exercice est un peu vain et que l'élaboration du palmarès des disques de l'année n'a finalement que peu de sens. Néanmoins, ne reculant devant aucune contradiction, je viens de jeter un rapide coup d'œil dans mon petit rétroviseur et je me suis amusé à établir une liste de vingt disques qui ont déjà pas mal tourné du côté de chez moi. Je vous la livre telle quelle, en ayant pris la précaution de classer les artistes par ordre alphabétique. Loin de moi la prétention de décréter untel ou untel meilleur que les autres, c'est une liste, rien de plus. Peut-être y trouverez-vous des points de jonction avec vos propres coups de cœur. Peut-être pas...

    C'est aussi l'occasion pour moi de vous souhaiter une bonne année 2011. Qu'elle chasse les stigmatisations, les vulgarités, les affairistes, les imposteurs de tout poil et qu'elle nous donne à regarder vers le haut. Il y en a tellement besoin. Sachez capter les petits moments de bonheur qui s'offrent à vous et savourez-les, ils sont irremplaçables.

    Bertrand Belin : Hypernuit. Il y a chanson française et chanson française. Avec Bertrand Belin, on est embarqué dans un univers onirique où les mots suggèrent plus qu'ils n'affirment, pendant que la musique déroule tranquillement ses entrelacs.

    Dan Berglund's Tonbruket. Pas facile de survivre musicalement à la disparition d'un leader tel qu'Esbjörn Svensson. Le contrebassiste relève le défi, retrouve ses racines rock et délivre un disque magnifique, bourré d'énergie.

    Sophia Domancich & Friends : Snakes & Ladders. La pianiste surprend, une fois encore, nous raconte des histoires et, magnifiquement entourée, nous invite à sinuer dans les méandres de son jeu enchanté. Un des grands disques de l'année, à n'en pas douter.

    Field Music : Measure. La bonne surprise ! Un vrai disque de rock, comme dans les années 70. Il y a beaucoup de culot chez ces jeunes anglais qui n'hésitent pas à marcher dans le sillage de Bowie ou des Who.

    Renaud Garcia-Fons : Méditerranées. Plus que jamais, la musique du contrebassiste chante l'amour des rivages du sud et nous enchante.

    Festen. Parce que ce jeune groupe a fière allure et conjugue avec bonheur ses amours du rock et une virtuosité non démonstrative lorsqu'il se pare de couleurs jazz.

    Dave Holland Octet : Pathways. Lui, ça fait des décennies qu'il est un grand, quelle que soit la formule de son groupe. Alors quand ils sont huit, on imagine qu'on atteint le haut niveau. Et on a bien raison, tant le contrebassiste est constamment inspiré.

    Metal-O-Phone : une des belles claques rythmiques et percussives de l'année. Inventif à chaque seconde, le groupe suscite une adhésion immédiate. On en redemande !

    Mop Meuchiine Plays Robert Wyatt. Une relecture impertinente, bourrée d'imagination et d'invention. Décidément, la musique du grand Robert n'a pas fini de susciter des (re)créations passionnantes. Celle de la Mop Meuchiine de Pascal Maupeu en est une des plus marquantes.

    ONJ Daniel Yvinec : Shut Up And Dance. Après son beau Around Robert Wyatt, l'ONJ joue la musique du batteur compositeur John Hollenbeck, qui dédie chaque titre à l'un des musiciens de l'orchestre. Un disque qu'on n'en finit pas d'écouter.

    Murat Öztürk & Jean-Pascal Boffo : Improvisions. Belle invitation à un voyage méditatif, où le pianiste improvise en toute liberté mélodique pendant que le designer sonore pare les paysages inventés de ses enluminures élégantes.

    Anne Paceo : Empreintes. La batteuse coloriste et son Triphase doublent la mise. Un deuxième album tout en lumière et générosité. Laissez-vous guider par ces musiciens au sourire communicatif.

    Plaistow : The Crow. Après le séduisant Jack Bambi, le trio fourbit un disque sombre en envoûtant qui laisse entrevoir de magnifiques inspirations, y compris lorsqu'il ose de longs silences. Chronique en chantier pour Citizen Jazz.

    Michel Portal : Baïlador. A 75 ans, le clarinettiste saxophoniste s'entoure des meilleurs (Bojan Z, Jack De Johnette, Scott Colley, Ambrose Akinmusire, Lionel Loueke) et publie l'un de ses plus beaux disques. Chronique en chantier pour Citizen Jazz.

    Steve Reich : Double Sextet / 2 X 5. Le maître du déphasages et des rythmes complexes ajoute une nouvelle pierre à son bel édifice. C'est beau, tout simplement. 

    Youn Sun Nah : Same Girl. Si la grâce avait une incarnation, elle ressemblerait fort à cette magnifique chanteuse coréenne. Un disque pour toujours.

    Olivier Temime : The Intruder. Avec la complicité du magicien Vincent Artaud, le saxophoniste nous électrise et offre un disque qui décoiffe. Ici, la virtuosité des musiciens est mise au service d'un propos d'une redoutable efficacité. Un disque qui frappe fort et juste.

    Henri Texier Nord Sud Quintet : Canto Negro. Là, je triche un peu parce que le disque ne sortira officiellement que le 28 février 2011. Mais c'est une nouvelle flagrante réussite, qui aligne les mélodies comme autant d'hymnes à la vie. Chronique à venir pour Citizen Jazz.

    Univers Zéro : Clivages. Plus inspirés que jamais, Daniel Denis et ses compagnons publient l'un des meilleurs disques du groupe. Cette musique, qu'on classe dans la catégorie du Chamber Rock, n'en finit pas de nous captiver.

    John Zorn : The Goddess. Jamais là où on l'attend, d'une intrigante prolixité, le saxophoniste est ici compositeur et sublime son art. Une musique qui vous attrape par les tripes et ne vous lâche plus.

  • Magique

    Nancy Jazz Pulsations, c'est fini. L'édition 2010 s'est terminée en apothéose avec une soirée de clôture tonitruante, sous les coups de boutoir de Marcus Miller et sa basse virtuose pour une relecture haute en couleurs de Tutu, ce disque de Miles Davis dont il avait été le compositeur, l'arrangeur et le producteur en 1986. J'aurai l'occasion de revenir sur ce festival dans un prochain article pour Citizen Jazz, afin de souligner quelques moments forts, comme le concert d'Avishai Cohen, ou la soirée réunissant le trio Thomas Savy et le quartet de Diego Imbert. Sans oublier, bien sûr, le grand Dave Holland au Chapiteau de la Pépinière.

    Et puis, délicieuse cerise sur ce savoureux gâteau musical, la prestation enchantée de Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne envoûtante dont la complicité intimiste avec le guitariste Ulf Wakenius a suscité une adhésion méritée du public venu remplir La Fabrique, cette petite salle qu'on imaginerait volontiers devenir, ici, un lieu dédié au jazz. Ce lieu qui fait cruellement défaut à la ville de Nancy.

    ysn&mc_3_101015.jpgYoun Sun Nah © Jacky Joannès

    Le public est attentif lorsque Ulf Wakenius entre seul en scène pour nous proposer un petit échauffement (a warm up), seul à la guitare, avant l'arrivée de sa complice chanteuse. Dans la salle, un groupe d'enfants – toute une classe de sixième – ouvre de grands yeux, c'est le premier concert auquel ils assistent. Ils écouteront religieusement pendant près d'une heure et demie, captivés par le spectacle qui s'offre à eux. Très vite, Youn Sun Nah fait son apparition, arborant un sourire absolument désarmant. Elle nous dit quelques mots, nous explique dans un murmure combien elle est heureuse de se trouver là. Et c'est parti pour l'enchantement : qu'elle chante ses propres compositions ou des thèmes de bossa nova de João Gilberto ou Egberto Gismonti, qu'elle reprenne à son compte « Avec le temps » de Léo Ferré ou « My Favorite Things » (dont la version transfigurée de John Coltrane fêtera ses 50 ans après-demain), cette chanson tirée de La Mélodie du Bonheur pour une interprétation a cappella avec comme seul instrument un discret kalimba, qu'elle nous emmène dans son pays avec un chant traditionnel coréen, tout devient beau, habité par la grâce. Oui, la grâce ! Il y a des artistes charismatiques, magnétiques et parmi eux, certains ont en plus cette faculté supplémentaire de rayonner et d'emporter avec eux leur public vers un ailleurs un peu magique. Youn Sun Nah est de ces êtres qui irradient leur entourage au point qu'au moment où les lumières se rallument, on se demande si l'on a vécu ces instants ou si on les a rêvés.

    C'est d'ailleurs ce que j'ai tenu à lui dire alors que, venue saluer son public, la chanteuse s'émerveillait devant ces enfants qui levaient le doigt pour lui poser des questions, avant de lui tendre de petites feuilles blanches pour emporter avec eux un autographe. 

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    Youn Sun Nah & Maître Chronique © Jacky Joannès

    Youn Sun Nah ose à peine croire aux compliments qu'on lui fait, c'est elle qui nous remercie alors qu'autour d'elle, les yeux brillent, encore illuminés par ces instants de bonheur, par cette cérémonie du chant durant laquelle elle aura démontré l'étendue de son talent, qui est immense. On reste fasciné par l'aisance avec laquelle elle aura pu faire appel à son registre vocal – du soupir au cri – et mener, non sans humour parfois, sa belle embarcation musicale.

    Et pour que la fête continue encore un peu...



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