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souvenirs

  • Il y a 40 ans...

    zao-shekina-1975.jpgDrôle d’idée, tout de même, de regarder derrière soi. C’est vrai qu’à trop scruter le rétroviseur, on voit parfaitement le dessin formé par les rides, on peut compter les pattes d’oie... Mais allez savoir pourquoi, je me suis amusé hier à compulser mes archives, histoire de me rappeler les disques que je m’étais procurés au mois de janvier 1976. Drôle d’idée, oui, et drôle d’époque. Il y a quarante ans, j’avais 18 ans, je m’ennuyais ferme en première année de licence de Sciences économiques, une filière d’études supérieures vers laquelle je m’étais dirigé... sans vraiment la choisir. C’était une sorte d’échouage par élimination des cursus (très nombreux) dont je n’avais pas envie et de ceux que mon entourage me déconseillait parmi mes quelques rares envies. On est bête à cet âge-là. L’enseignement universitaire est pourtant l’exact opposé de celui qu’appelle mon propre mode de fonctionnement. Étant tout sauf un intellectuel, j’ai besoin de pratiquer d’abord avant de labourer le champ théorique (et croyez bien que je ne suis pas un grand fermier, comme dirait l’ami Richard Gilly). Je fais partie de ceux qu’on nomme les inductifs, ces gens formés de bric et de broc qui déduisent les concepts à partir du réel, faute de mieux... Or, à l’Université dans les années 70 (je ne me prononcerai pas sur son état actuel, même si je continue de m’interroger sur le bien-fondé du pernicieux Traité de Lisbonne qui impose la norme de 50% d’une classe d’âge au niveau licence comme une absolue nécessité), c’était tout l’inverse : on vous déversait des kilomètres d’enseignements à ingurgiter en un temps record (et qu’on oubliait aussi vite qu’on les avait appris) et puis, parfois, sous la forme d’exercices ou de travaux dirigés en groupes resteints, les laborieux de mon acabit devaient s’efforcer de donner à ces cours-purges un peu de cette matérialité dont leurs contenus étaient dépourvus. Ces choses-là n’étaient pas conçues pour moi et si je n’avais pas par la suite, le temps d’un partiel de statistiques, mis à genoux un amphithéâtre de 600 personnes en étant le seul à réussir (avec la note de 29 sur 30) en un temps record (une heure trente) un examen désastre pour les autres (tous avaient obtenu en trois heures une note largement inférieure à la moyenne), je pourrais parler d’échec sur toute la ligne. J’ai même compromis ma place de major (preuve qu’on peut s’insinuer malgré soi à la tête d’un classement) en année de licence après avoir claqué une porte au nez d’un expert comptable, non sans l’avoir traité de connard... Il faut dire aussi que cet abruti venait arrondir ses fins de mois en distillant sa morgue et ses bilans sur les pauvres larves étudiantes que nous ne manquions pas d’être... Mais on ne réécrit pas l’histoire et à cette époque – je reviens maintenant à l’essentiel – la musique occupait déjà dans ma vie une place, certes démesurée, mais ô combien essentielle.

    En janvier 1976, j’étais dans une sorte d’entre-deux discographique. La décennie écoulée m’avait permis de découvrir, non sans l’entremise de mon frère aîné qui aura joué un rôle de passeur irremplaçable, un nombre impressionnant de musiques dont, sans lui, je n’aurais peut-être jamais soupçonné l’existence, allez savoir... J’étais l’enfant d’une famille où la musique n’occupait qu’une place périphérique : mes plus jeunes années avait résonné des airs de quelques chanteurs comme Georges Brassens, Jacques Brel, Nana Mouskouri ou les Compagnons de la Chanson. Une compagnie honorable, parfois troublée par la présence bien plus dispensable d’une poignée de chanteurs ou chanteuses de variété, dont le kitsch et l’imposture m’ont sauté aux oreilles peu de temps près. A mon tableau de chasse d’il y a 40 ans, on trouvait donc – je vous fournis une liste loin d’être exhaustive mais présentée dans un ordre chronologique que vous pourrez interpréter comme le témoignage d’une évolution progressive vers des formes musicales plus complexes – des noms tels que : Beatles, Bee Gees, Rolling Stones, Creedence Clearwater Revival, The Grateful Dead, Chicago, Neil Young, Eric Clapton, Gérard Manset, Hot Tuna, Emerson Lake & Palmer, King Crimson, Yes, Genesis, Santana, Mahavishnu Orchestra, Caravan, Soft Machine, Robert Wyatt, Hatfield & The North, Heldon, Magma... Vous avez noté qu’on ne trouve pas la moindre trace de jazz au sens classique du terme dans cette liste. J’y suis venu un peu plus tard, probablement par l’intermédiaire de groupes transgenres comme Mahavishnu, avec à sa tête l’immense John McLaughlin venu de la planète du Miles Davis électrique, ou Magma dont le leader Christian Vander ne cessait d’évoquer l’importance d’un certain John Coltrane. Il me faudra attendre quelques années encore...

    En janvier 1976 donc, – comme tout cela est étonnant – je note m’être procuré plusieurs disques dont les deux plus présents dans ma mémoire sont : Magma Live/Hhaï et Shekina de Zao. Il est assez troublant de noter en effet que ces deux formations viennent de refaire surface dans mon actualité la plus récente, comme si j’étais moi-même constamment mû par une série de cycles me ramenant à ces fondamentaux évoqués un peu plus haut.

    Magma Live/Magma Hhaï : probablement le témoignage parfait de la puissance dégagée sur scène par ce groupe atypique. Ce disque est à l’origine un double trente-trois tours, enregistré au mois de juin 1975 à la taverne de l’Olympia par une formation au sein de laquelle on peut noter, outre Christian Vander à la batterie bien sûr, la présence au violon d’un gamin de 19 ans nommé Didier Lockwood. Deux ans auparavant, Magma avait publié ce qui est, aujourd’hui encore, son plus bel enregistrement studio, Köhntarkösz, qui occupe la première moitié de Live/Hhaï (son titre est devenu « Köhntark », pour d’obscures raisons de droit, semble-t-il). Quant au « Mekanïk Zaïn » qui en occupait à l’origine toute la face 4 et voit le trio Lockwood-Paganotti-Vander incendier le final de l’album, c’est un moment inoubliable. Certains vont me contredire, mais je m’en fiche : jamais la force magnétique du jeu de Christian Vander n’a été aussi bien captée et restituée. Et je m’amuse en constatant que cet enregistrement est remonté à la surface de mes écoutes il y a quelques jours avec la publication d’un monumental coffret de 12 CD, Köhnzert Zünd, dont je rendrai prochainement compte dans Citizen Jazz. Le grand bal de cette boîte rouge et noire s’ouvre, comme de bien entendu, par Live/Hhaï qui non seulement n’a pas pris une seule ride mais domine de la tête et des épaules les 36 années de live passées en revue dans ce bel objet paru sur Seventh Records et distribué par Jazz Village.

    Shekina par le groupe Zao, avec François Cahen (claviers), Yochk’o Seffer (saxophones), Gérard Prévost (basse) et... Jean-My Truong à la batterie. Cahen et Seffer avait quitté quelques années plus tôt la planète Kobaïa (donc, Magma) pour former ce groupe dont la musique mêlait les influences de Béla Bartók, des musiques traditionnelles hongroises et d’un jazz-rock très raffiné. C’était là le troisième album de Zao qui s’était adjoint pour l’occasion les services d’un quatuor à cordes (le quatuor Margand). Jean-My Truong, cordes, il y a 40 ans... Et voici qu’hier, le batteur m’appelle, après m’avoir fait parvenir le master de son prochain disque (à paraître au mois de septembre), pour me demander de lui écrire un texte de présentation. En commençant à réfléchir à ce travail, après avoir écouté deux fois le disque, relu la documentation dont je dispose et parlé avec lui, je me rends compte à quel point l’ADN de la musique qu’il compose et interprète en 2016 est le jumeau de celui des années 70. C’est la même lumière, portée ici par son groupe (les fidèles Sylvain Gontard à la trompette, Leandro Aconcha aux claviers et Pascal Sarton à la basse), que viennent intensifier la voix aux accents McFerriniens du géant Nicolas Calvet (connu aussi pour être tubiste) et quelques invités prestigieux comme Dominique Di Piazza à la basse ou Neyveli Radhakrishna au violon. Je note que ces deux derniers ont déjà eu l’occasion de travailler avec John McLaughlin, musicien évoqué un peu plus haut et dont Jean-My Truong et moi-même sommes des inconditionnels de très longue date. J’ai glissé le mot « cordes » pour souligner aussi une certaine permanence dans les amours musicales du batteur : sur Secret World (puisque tel est le nom de ce disque à venir), on pourra souligner la présence d’un quatuor à cordes qui vient, en quelque sorte, boucler la boucle et me ramène à ce beau Shekina acheté voici quatre décennies.

    Alors, dans ces conditions, ma décision est prise puisqu’une nouvelle année commence et que le temps des bonnes résolutions est venu : considérez que, malgré l’écoulement inexorable du sablier de ma vie, j’ai 18 ans pour toujours. Un point c’est tout...

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    Difficile d'échapper à ce sentiment qui me gagne à chaque fois que je me rends à Verdun, ma ville natale : je m'y sens bien, malgré l'absence définitive de ceux qui y ont posé leurs valises il y a bien longtemps et qui on fait de moi un enfant de cette ville. L'ambiance est plutôt paisible, le cadre a connu au cours de la période récente un réel embellissement qui favorise la déambulation et les flâneries piétonnes, à défaut de contenter les automobilistes qui doivent aujourd'hui s'éloigner de quelques dizaines de mètres du centre ville pour garer leurs véhicules.

    Nous retrouvons un couple d'amis blogueurs qui ont adopté cette ville et qui s'y sentent plutôt bien. Ces nouvelles relations sont agréables car, au-delà du plaisir des instants passés, elles sont une manière d'ancrer à nouveau le présent dans le passé et de tendre au mieux la corde vitale, celle qui relie l'avant et l'après.

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    Au détour d'une rue, je retrouve l'ancienne entrée de ma première école primaire. Me reviennent aussitôt à l'esprit ces images de l'enfant que j'étais et qui, trop pressé de retrouver ses camarades de classe un jour de pluie, s'était étalé de tout son long dans une immense flaque d'eau.

    Revenir ici un jour, plus tard ? Allez savoir...