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Il y avait le Paris Jazz Big Band, voici maintenant le Nice Jazz Orchestra. Pierre Bertrand, qui avait su mettre sa science de l’arrangement, par une association fructueuse avec le trompettiste Nicolas Folmer, au service d’un big band dont Citizen Jazz saluait en son temps les prouesses à l’occasion d’un très consistant Big Live sous la forme d’un triple CD, s’est lancé en 2006 dans une autre aventure, cette fois à l’autre bout de la France, en unissant ses efforts et son talent à ceux de Christian Pachaudi et Alain Asplanato pour une direction artistique sous forme de triumvirat niçois.
Assez curieusement, la période estivale aura été pour moi placée sous le signe de ces formations élargies qu’on appelle Big Bands. Ceux-ci, à leur manière, m’ont en quelque sorte (pour)suivis sans que je ne m’en explique la raison.
En rédigeant mes dernières chroniques pour Citizen Jazz (ces dernières restant à paraître), j’ai d’abord connu l’immense bonheur de m’immerger dans la musique luxuriante de Christophe Del Sasso, dont le dernier Prétextes n’est rien moins qu’un enchantement de chaque instant : à la richesse des couleurs et des arrangements, aux textures soyeuses qui ne sont pas sans rappeler parfois l’Hymne au Soleil de Lionel Belmondo, viennent se superposer les élans tout aussi lumineux d’artistes accomplis dont les qualités d’improvisateurs se coulent naturellement dans le moule d’une écriture extrêmement précise. Citons parmi ces derniers les saxophonistes David El Malek et Sophie Alour, aux styles très opposés, le premier comme dans une longue quête intérieure et transcendantale, la seconde au jeu plus rugueux et presque géométrique ; Julien Alour à la trompette ; Jerry Edwards au trombone ; sans oublier le bouillonnant Pierre De Bethmann (claviers) et l’excellent Franck Agulhon (batterie), décidément toujours dans les bons coups !
Dans un style radicalement différent, plus directement festif, aux accents méditerranéens voire latino-américains, le Nice Jazz Orchestra emmené par Pierre Bertrand et ses complices niçois Christian Pachaudi et Alain Asplanato déboule sans complexe et affiche un groove revigorant, dynamité à chaque moment par ses solistes qui, comme le dit si bien le titre du disque, nous font un vrai Festival. On ne pourra que regretter plus encore la disparition brutale et bien trop précoce du trompettiste François Chassagnite dont l’expressivité éclate sur «My Funny Valentine» qui ouvre le disque. NJO donne la pêche, voilà qui ne fait aucun doute et nous rappelle que le même Pierre Bertrand, flanqué du trompettiste Nicolas Folmer, avait déjà bien fait parler la poudre avec son Paris Jazz Big Band. Quelle sera la prochaine ville mise en lumière ? A suivre...
Le Bernica Octet (allez, soyons approximatifs, c’est presque un big band) récidive : son Very Sensitive publié en 2009 était déjà bien réjouissant. François Jeanneau et son combo lorrain emmené par le trompettiste René Dagognet y avançaient des arguments séduisants, là aussi sous la forme d’arrangements très soignés. Deux ans plus tard, les voilà qui reviennent avec une double galette très copieuse : si la seconde appelée Bric à brac peut être perçue comme la suite logique de Very Sensitive, il n’en va pas de même pour l’étonnant Périple en Soundpainting. Je ne reviendrai pas ici en détail sur cette technique gestuelle inventée dans les années 80 par Walter Thomson, mais il faut souligner que les inquiétudes qu’on pouvait formuler à l’idée de l’enregistrement d’une musique dont une large part est visuelle (les musiciens obéissant aux gestes du chef d’orchestre, selon un alphabet qui en comporte plusieurs centaines, on se dit que le soundpainting prend tout son sens sur scène) sont balayées avec cette heure de musique captées dans sa continuité. Il se passe énormément de choses tout au long de ce joyeux périple, et si l’on a coutume de dire que le diable se cache dans les détails, alors il s’agit bien d’une œuvre endiablée. A écouter attentivement, car voilà un projet captivant qui peut paraître parfois d’un abord complexe mais qui, en réalité, exprime à sa manière la réalité d’une musique vivante. François Jeanneau, toujours sur la brèche !
J’étais aussi très perplexe en écoutant la réédition d’un album sorti quelques années plus tôt, qui est à lui seul comme un défi : le HR Big Band, dirigé par Colin Towns invite le légendaire batteur Billy Cobham pour une relecture d’une bonne partie du répertoire du flamboyant Mahavishnu Orchestra créé au début des années 70 par le guitariste John McLaughlin après son adoubement dans les formations de Miles Davis puis de Tony Williams. Cobham, membre de la première mouture du groupe, avait révélé à cette époque un talent hors normes, qui ne s’est jamais démenti même si, pour être juste, il faut bien dire qu’il n’a depuis jamais trouvé un écrin aussi propice à l’expression de son drumming. Force est de connaître que la version big band du Mahavishnu a fière allure ! Oui, ça marche. Bien sûr, à l’écoute des grands thèmes du groupe (le HR Big Band a su faire un choix équilibré entre les quatre plus beaux de ses albums), on ne peut s’empêcher d’entendre les versions originales si captivantes, les élans foudroyants et mystiques, les dialogues comme autant de courses effrénées vers la la lumière entre McLaughlin et Jan Hammer, Jerry Goodman ou Jean-Luc Ponty. Mais la sauce prend et ce Meeting Of The Spirits mérite bien qu’on s’y attarde. Surtout qu’il laisse à Billy Cobham une place prépondérante, pour notre plus grande joie.
Pas de disque, mais un concert récemment donné par l’Amazing Keystone Big Band au dernier festival de Vienne, le 5 juillet. Dans le cadre prestigieux du théâtre antique, ces jeunes musiciens (la plupart ayant des attaches lyonnaises, et notamment celle du club appelé La Clef de Voûte, les anglicistes comprendront...) ont offert une prestation très enjouée, à la fois dans le respect d’une certaine tradition du jazz (ils avaient pour l’occasion quelques invités prestigieux comme l’organiste Rhoda Scott ou le vibraphoniste Michel Hausser) et dans un mode d’expression qui privilégie l’énergie. Je n’étais pas de la fête, mais mon rejeton - lui-même saxophoniste alto du Keystone - m’a permis de visionner un DVD de cette soirée. Là aussi, beaucoup de joie dans le jeu, la même dose de plaisir dans l’écoute, avec en ce qui me concerne une petite pointe d’émotion de le voir au milieu de cette fête.
Peut-on parler de big band au sujet de Cheerleaders, le nouveau disque de Pierrick Pédron, qui sortira au mois de septembre ? Non... mais si, quand même un peu. Si la formation, celle de son précédent Omry, s’articule autour de six musiciens qui forment un sacré combo dont la musique doit autant au rock qu’au jazz, l’histoire de ces majorettes a nécessité l’adjonction d’une bonne quinzaine de musiciens pour l’enregistrement d’une suite de fanfares qui viennent ponctuer le récit que le saxophoniste nous propose. Entre rêve et réalité, entre fanfares évanescentes et lourdes charges à haute teneur en électricité, la musique de Pierrick Pédron s’affirme comme unique. Et surtout, le groupe a su se créer en peu de temps une vraie identité sonore. Attention, c’est du lourd, pour moi un disque essentiel. Un événement...
Pour paraphraser mon camarade Franpi, je pourrais terminer cette note en vous disant : et un disque qui n’a rien à voir !!! Oui, parce que je ne peux résister au plaisir de vous suggérer de prêter très vite une oreille attentive au disque du quartet de la pianiste Perrine Mansuy. Ses Vertigo Songs sont rien moins qu’enchanteurs, voire ensorcelants. Voilà un disque aérien, peuplé de rêves, habité par la grâce mais aussi par une pointe de folie à laquelle le chant de Marion Rampal (qui signe les textes) n’est certainement pas étranger. Il serait par ailleurs très injuste de ne pas citer l’autre moitié de ce quatuor fort passionnant : le guitariste Rémi Decrouy - dont le jeu subtile alterne impressionnisme et flammèches électriques - et le percussionniste Jean-Luc Difraya, qui marie pulsion et légèreté. A commander d’urgence ! Vous pouvez en écouter ici un extrait avant de vous ruer sur le site d’Abeille Musique...