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oscar peterson

  • Coltrane à Düsseldorf

    coltrane_dusseldorf.jpgOn croit toujours qu’on en a terminé – depuis tout ce temps passé à accumuler des galettes, à classer les enregistrements par session, parfois aussi à écouter un peu de musique - et qu’enfin, le rangement des disques estampillés John Coltrane connaîtra enfin la stabilité que la limitation physique du rayonnage finira bien de toutes façons par lui imposer. La liste des disques est longue, très longue, la pêche très souvent miraculeuse, le feu d’artifice à peine entaché par quelques incongruités mises sur le marché par d’obscurs labels plus soucieux de faire fructifier à bon compte d’inaudibles enregistrements captés avec les moyens du bord sur le dos courbé de la cohorte des collectionneurs – dont j’ai bien peur de faire partie – que de valoriser vraiment le génie du saxophoniste.

    Eh bien non ! La lutte est décidément inégale… Car voilà qu’un label germanique appelé Jazzline nous livre en pâture une petite quarantaine de minutes (bien) enregistrées le 28 mars 1960 dans les studios de la WDR à Düsseldorf.

    Avant d’aller plus loin, il faut situer le contexte assez particulier de cet enregistrement pas comme les autres : huit jours auparavant, le 20 mars très précisément, Coltrane était en train de chahuter bien malgré lui le public venu écouter le quintet de Miles Davis ; sa dernière tournée avec l’étincelante formation du trompettiste et un accueil pour le moins… contrasté ! Il faut dire que le saxophoniste avait laissé libre cours à son imagination la plus iconoclaste, n’hésitant pas à zébrer ses interventions d’harmoniques certainement déroutantes pour une partie de l’audience. Coltrane était déjà sur une autre planète.

    Je vous propose d’écouter son chorus sur « All Of You » lors de ce concert désormais mythique : vous pourrez vous faire une petite idée de ce qu’était le Coltrane en ce début d’année 1960. Loin d’être simplement le sideman accompli qu’on peut retrouver tout au long de la seconde moitié des années 50, Coltrane avait déjà marqué de son empreinte le monde du jazz, en particulier depuis qu’il avait signé pour le label Atlantic et enregistré quelques pépites ayant pour nom Giant Steps ou Coltrane Jazz. On le retrouve ici dans toute la force d’un jeu inspiré par une quête qui ne cessera de le hanter durant les sept années qui suivront, jusqu’au souffle ultime. Un sacré moment de musique à travers lequel on peut certes percevoir une hostilité manifestée par certains spectateurs mais aussi l’enthousiasme de bien d’autres !

    podcast

    Deux jours plus tard, les musiciens seront à Stockholm, puis à Copenhague le 24. Plus tard, ils rallieront Francfort, Zurich et Scheveningen. Mais en ce 28 mars, point de Miles Davis (ne me demandez pas de vous expliquer son absence, je n’en connais pas la raison). Voilà donc notre Coltrane promu au rang de leader temporaire d’un quatuor formé par ailleurs de Paul Chambers (contrebasse), Wynton Kelly (piano) et Jimmy Cobb (batterie). Une formation avec laquelle il avait d’ailleurs enregistré Coltrane Jazz. Cet enregistrement ne serait qu’un de plus parmi beaucoup d’autres dans une collection déjà impressionnante si les quatre musiciens n’avaient pas été rejoints aux studios de la WDR par un duo majeur formé de Stan Getz (saxophone) et Oscar Peterson (piano). Comme dirait l’autre, c’est de la bombe ! Le quartet devenu sextet nous livre un magnifique « Medley » où sont incorporés les thèmes de « Yesterday », « Autumn Leaves », « What’s New » et « Moonlight In Vermont » avant de conclure par « Rifftide ». Un moment rare, plus de quinze minutes de musique enchantée et l’idée qu’une page de l’histoire du jazz s’est écrite là, dans la sérénité du talent de ces musiciens hors normes ; et même si les styles de Coltrane et Getz sont très différents, leur opposition est fraternelle, généreuse et baignée d’une lumière dont les rayons continuent de briller plus de cinquante après.

    Ce Coltrane - 1960 Düsseldorf est un petit bonheur. Vous me croirez si vous voulez, mais je lui ai tout de suite trouvé sa place dans ma discothèque.