Privilège
C'est un luxe finalement... On peut toujours trouver des raisons de râler, en bons français que nous sommes : "ILS" n'ont pas déneigé, "ILS" nous abandonnent, "ILS" ceci, "ILS" cela. Comme le disait ce matin à la radio un conducteur chargé de nettoyer une portion de 50 kilomètres d'autoroute avec son chargement de 6 tonnes de sel et de saumure, les automobilistes pensent qu'il n'a pas neigé lorsqu'ils trouvent leur route dégagée au petit matin, mais dès qu'une autre voie est encore recouverte d'un épais manteau blanc, ils se persuadent que personne ne fait jamais rien pour eux... Nous avons construit une société de l'urgence et de l'immédiateté qui s'affranchit de la réalité des saisons, alors doit-on s'étonner que, parfois, son mécanisme se grippe sous l'effet de quelques flocons "épais et collants" ?
C'est l'hiver, en somme... Il fait froid (plus froid qu'en été), il neige, le vent souffle (dans ma jeunesse, on l'appelait la bise). Etrange comme la ville est presque silencieuse au petit matin. On goûte sa chance de n'avoir pas besoin de se rendre à son travail en voiture ou par quelque transport en commun que ce soit. De poser les pieds bien à plat dans la poudreuse qui n'a pas encore subi les assauts des pelletées de sel qui vont la salir et la transformer en bouillie. D'écouter le petit crissement de la chaussure lorsqu'elle s'enfonce dans l'épaisseur ouatée. Dans les oreilles, un vieux disque de Chicago, le numéro VII, ajoute sa propre touche à un tableau vivant qui devient intemporel, comme si le paysage s'arrêtait.
On a aussi une pensée pour d'autres humains, très loin de nous, du côté des Grandes Antilles. Haïti, une fois encore, s'offre en martyr au reste du monde. Il y avait eu l'ouragan Jeanne voici maintenant un peu plus de cinq ans. Auujourd'hui, la terre a tremblé et les morts vont se compter par milliers.
Nos routes peuvent attendre un peu, non ?