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franck agulhon

  • Imbert… et basse !

    diego imbert, colors, contrebasse, jazz, david el-malek, alex tassel, franck agulhonIl est des disques qu'on a envie, d'emblée, d'accepter tels qu'ils sont, sans leur chercher des poux dans une tête bien faite, ni même la petite bête à coups d'analyses musicologisantes d'où pointerait un soupçon de cuistrerie malvenue. Colors est de cette trempe, voilà qui ne fait aucun doute : ses quarante-cinq minutes d'un jazz détaché des affres du temps, ancré dans la plus belle des traditions mais vivifié par une énergie toute contemporaine, diffuse ses bienfaits avec un naturel qui serait un proche cousin du plaisir éprouvé à la dégustation d'un vin de garde. Après À l'ombre du saule pleureur en 2009 et Next Move en 2011, le contrebassiste Diego Imbert revient, entouré des mêmes compagnons, projeter en quartet une troisième salve de couleurs.

    Cette bande des quatre se présente en formation compacte, dépourvue des soutiens harmoniques traditionnels que sont le piano ou la guitare ; une absence dont les équipiers qui la composent s'accommodent en toute sérénité et dans une joie de jouer sculptée au fil des ans et des concerts : Alex Tassel (bugle), David El-Malek (saxophone ténor) et Franck Agulhon (batterie) servent avec une ferveur empreinte du lyrisme de l'amitié, mais aussi beaucoup d'humilité, la cause iridescente de ces Colors publiées chez Such Prod. Des couleurs qui ne sont pas près de pâlir, soit dit en passant…

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  • #NJP2014, échos des pulsations / 4

    Elle avance pieds nus, presque sur la pointe des pieds. Elina Duni est une chanteuse albanaise ayant émigré en Suisse à l’âge de dix ans, mais qui garde de son pays natal, tout près du cœur, bon nombre de chansons qu’elle va interpréter en compagnie de son trio, lui-même originaire de Suisse.

    « Au-delà de la montagne », telle est la traduction de Matanë Malit, disque dont Elina Duni va chanter une grande partie des compositions. La chanteuse, qui s’exprime dans un français que beaucoup de nos compatriotes pourraient lui envier, prend le temps d’expliquer au public ce que racontent les chansons. Il est question d’exil, d’hommes qui partent en traversant les montagnes, de femmes qui restent seules. Il est beaucoup question d’amour aussi, mais un amour sublimé, comme dans un conte. On voyage en Albanie bien sûr (au nord comme au sud) ainsi qu’au Kosovo.

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    Les trois musiciens aux côtés d’Elina Duni sont bien plus que des accompagnateurs : cette formation est un véritable quatuor, très équilibré, qui sait pratiquer la suspension des temps ou la répétition hypnotiques des notes. On se surprend parfois à réaliser que le piano de Collin Vallon est souvent un instrument rythmique tandis que Norbert Pfamatter dessine de nombreux motifs mélodiques avec sa batterie. A l’arrière de la scène, casquette vissée sur la tête, Patrice Moret intériorise beaucoup son jeu, comme s’il était lui-même un des protagonistes des histoires racontées. Ce trio, par instants, n’est pas sans faire penser, par sa façon de scander et de créer la tension, par l'utilisation fréquente des rods, à celui du regretté Esbjörn Svensson, mais dans une coloration plus feutrée.

    Elina Duni, très recueillie, vit ses chansons avec intensité, sa voix envoûte et conquiert très vite la salle qui est tombée sous le charme. Comme si chacun d’entre nous touchait du doigt une beauté éternelle, hors de temps et témoin de l’histoire tourmentée d’un peuple qui souffre aujourd'hui encore, au-delà du spectacle de paysages somptueux, au-delà de la montagne.

    Un concert moment de grâce, qu’il faut sans attendre prolonger en écoutant Matanë Malit, disque confident et tout aussi magnétique que cette heure enchantée. 

    Elina Duni 4tet

    Elina Duni (chant), Collin Vallon (piano), Patrice Moret (contrebasse), Norbert Pfamatter (batterie).
    Disque associé : Matanë Malit (ECM, 2012)


    Il ne s’en est pas caché : ce concert était pour le saxophoniste Pierrick Pédron le premier du répertoire Kubic’s Cure, du nom de son récent disque consacré à une relecture à sa façon du groupe The Cure, chantre de la Cold Wave emmené depuis la fin des années 70 par le lettré Robert Smith, l’homme au « noir à lèvres ». Pour corser l’affaire, son trio a dû faire appel à un remplaçant à la contrebasse, en l’absence de Thomas Bramerie, titulaire du poste. C’est donc le Suédois Viktor Nyberg qui était chargé de prendre sa place hier soir, un exercice dont il s’est sorti semble-t-il avec le plus grand naturel.

    Quand on s’y songe, il faut être culotté pour s’attaquer à une adaptation de ce rock aux mélodies minimalistes et à l’esthétique glacée ! « Pourquoi pas Motorhead, pendant que tu y es ? » lui a d’ailleurs fait remarquer Franck Agulhon, compagnon de route du saxophoniste depuis de nombreuses années. Pierrick Pédron prend des risques : d’abord de heurter une partie du public pas forcément disposée à admettre ce qui, pour certains, serait de l’ordre du blasphème. Comment, faire subir une telle Cure au jazz, non mais vous n’y pensez pas ? Si si, justement Pierrick Pédron y pense et plutôt deux fois qu’une. Ensuite dans la réalisation du concert : tout près de lui, un petit boîtier dont il se sert pour ajouter des effets à son saxophone alto. Il faut savoir se dédoubler, pratiquer le strabisme divergent, un exercice qui peut s'avérer délicat. Et puis le Breton chante et c’est nouveau (sur l’album, c’est Thomas de Pourquery qui était chargé de la mission à trois reprises). On me souffle d’ailleurs dans l’oreillette que Pierrick Pédron pourrait récidiver sur son prochain disque mais chut, je n’ai rien dit.

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    Les perplexes ont eu tort car le trio est d’une efficacité redoutable : Franck Agulhon est omniprésent et met beaucoup de couleurs dans son jeu, ce musicien-là est un partenaire précieux, doublé d’un homme aux qualités humaines peu courantes ; Viktor Nyberg, faussement impassible, construit à l’arrière une belle charpente, il est plus qu’un substitut. Quant à Pierrick Pédron, il ne demande qu’à s’envoler et souffler un vent à la fois puissant et d’une très grande clarté (le timbre de son alto est d’une précision démoniaque). Ses interventions énergiques ne perdent jamais de vue la trame mélodique des thèmes sur lesquels il improvise et c’est un plaisir de l’entendre glisser un peu de Thelonious Monk au milieu d’une composition de The Cure. Comme ça, mine de rien, histoire de nous rappeler s’il en était besoin que la précédente expérience du trio avait consisté à transfigurer le pianiste sur un album urgent et bluffant (Kubic’s Monk) enregistré en deux ou trois jours. Il faut aussi souligner son extraordinaire chorus sur « A Reflection » : parce qu’il s’agissait pour l’occasion de se substituer à la zorna (une sorte de hautbois oriental à anche double) de Ghamri Boubaker sur le disque. Un sacré défi, relevé haut les anches, tout en modulations et vibrations qui fleuraient bon le Maghreb. Encore un pari réussi. Le trio est revenu pour un rappel au milieu duquel Franck Agulhon aura la part belle : « Just Like Heaven », certains d’entre vous s’en souviennent-ils peut-être ? C’était l’indicatif de l’émission de télévision « Les enfants du rock » au siècle dernier. Un enfant du rock, ce qu’est aussi Pierrick Pédron et qu’il n’a pas manqué de rappeler. Et comme le saxophoniste, sans me prévenir, a tenu à me remercier publiquement d’avoir écrit le texte de présentation destiné à la pochette de Kubic’s Cure, je ne peux que lui rendre la pareille. Merci Pierrick, je ne sais pas si, comme tu l’as dit, je suis un « grand monsieur », mais je suis certain que travailler pour toi est un immense plaisir. Dont acte ! 

    Pierrick Pédron Trio

    Pierrick Pédron (saxophone alto, chant, effets), Viktor Nyberg (contrebasse), Franck Agulhon (batterie).
    Disque associé : Kubic’s Cure (Act Music, 2014)

  • Le mouvement perpétuel de Franck Agulhon

    Post_Katrina_1400x1400.pngJe connais Franck Agulhon depuis près de vingt ans… Je crois l'avoir vu pour la première fois en juillet 1995 : à cette époque, mon fils, alors saxophoniste en herbe et âgé de dix ans, terminait sa première année à l'École des Musiques Actuelles de Nancy et participait à un ultime stage de trois jours avant les vacances d'été. Parmi les musiciens chargés de l'animation, il y avait un jeune batteur qui attirait d'emblée la sympathie par sa simplicité désarmante et sa grande gentillesse. 

    Il s'en est passé des choses depuis tout ce temps ! Sa fidélité inaltérable à l'égard de ses vieux amis - tels que le pianiste Pierre-Alain Goualch et Diego Imbert, vous comprendrez un peu plus loin pourquoi je cite ces deux-là ! - ne s'est jamais démentie, malgré une activité assez trépidante qui n'a cessé de se déployer, au point qu'on a parfois l'impression que le plus lorrain des batteurs marseillais (à moins que ce ne soit le contraire) a disséminé des clones sur les scènes jazz de France, d'Europe et d'ailleurs. Quand j’y pense, je ne sais pas si j'aimerais être réincarné en agenda de Franck Agulhon : vous imaginez le nombre de coups de crayon en pleine face chaque jour ? Une torture… Compagnon de route régulier d'Éric Legnini, Pierrick Pédron, Vincent Artaud, Pierre de Bethmann, Diego Imbert ou encore Christophe Dal Sasso, Franck Agulhon peut aussi se targuer d'une très longue liste d’autres collaborations avec la fine fleur du jazz. 

    En dehors du disque que je souhaite évoquer dans cette note, il est tout de même intéressant de noter que Franck Agulhon est au générique de deux albums réjouissants qui viennent tout juste d’être publiés : Kubic’s Cure (Pierrick Pédron) et Sisyphe (Pierre de Bethmann Medium Ensemble) : on a connu plus déshonorant, n’est-ce pas ?

    Vous me croirez si vous voulez, mais notre homme est resté le même : il est à la musique ce que le sourire serait à un visage. Naturel, d'une sincérité presque émouvante et d'une générosité non feinte qui font de lui un musicien qu'on s'arrache volontiers ! Dans le livre Portraits Croisés - fruit d'un travail réalisé à l'automne 2010 avec mon ami photographe Jacky Joannès pour une exposition éponyme - que je viens de publier sur le site The Book Edition et dont je vous recommande l’acquisition, j'ai écrit un court texte pour chacun des quarante-neuf musiciens mis à l'honneur (je précise en passant qu'on y retrouve,  vous avez deviné… Pierre-Alain Goualch et Diego Imbert, mais bon, vous commencez doucement à comprendre que tout cela n’est pas le fruit du hasard) au premier rang desquels - l'ordre de présentation étant alphabétique - un certain Franck Agulhon. Voici ce qu'on peut lire à son sujet :

    "L'ubiquité radieuse

    Le sourire du musicien est le manifeste radieux d'une désarmante simplicité chez l'homme. Sa présence auprès de tant d'artistes pourrait laisser penser que Franck Agulhon possède le don d'ubiquité. Coloriste des peaux et cymbales, batteur inventif mais jamais simple sideman, il est un organe vital - le poumon - des projets auxquels il s'associe."

    agulhon_franck.jpg

    Notons le mot sideman, qui n'a rien de péjoratif, loin de là, mais signifie que Franck Agulhon n'avait pas, jusqu'à présent, vraiment mis son nom en avant à l'exception d'un duo avec… Pierre-Alain Goualch aboutissant à l'album Tikit en 2005 et de deux albums en solo (avec la présence d’une poignée d’invités amis sur le second volume pour une série de duos) dédiés à son art de la batterie sous le nom de Solisticks en 2008 et 2010. Ces deux disques étant à considérer comme l'illustration concrète d'une approche pédagogique de la batterie dont Franck Agulhon vient de partager l'expérience dans un Drumbook de près de 300 pages qui devrait intéresser plus d'un frappeur de peaux, voire un caresseur de cymbales... et réciproquement !

    Aussi, c'est avec un grand plaisir qu'on trouve un beau matin dans sa boîte aux lettres un disque appelé Post Katrina signé Franck Agulhon himself, dans une formule en trio avec… mais oui, bien sûr, Pierre-Alain Goualch et Franck Agulhon ! Quand on vous dit que cet homme est fidèle en amitié, cette double présence presque constante à ses côtés en est la démonstration flagrante… Un trio qui ne m'était d'ailleurs pas inconnu puisque j'avais déjà croisé sa route le 15 octobre 2012, à la Fabrique, juste à côté du Théâtre de la Manufacture. Il était à l'affiche des apéros jazz de Nancy Jazz Pulsations, sous le nom d'Electrico, et se présentait déjà comme le projet du batteur. Enfin, pourrait-on dire !

    J'écrivais à l'époque pour le magazine Citizen Jazz : "Au-delà de la complicité qui unit depuis bon nombre d’années ces artistes aguerris, il faut saluer une vraie prise de risque : cette musique, loin de caresser dans le sens du poil un jazz tranquille, va chercher ailleurs son inspiration et n’hésite pas à nous bousculer dans notre confort. Elle repose avant tout sur de courts motifs que le trio expose avant de les triturer pour les déformer (parfois au moyen d’effets couplés aux claviers), les répéter et les modeler encore. Avec un grand sourire ! Electrico, c’est un peu l’histoire d’une sculpture sonore vivante, d’une conversation animée sur le fond comme sur la forme. C’est la musique comme on l’aime : vivante, naturelle et spontanée."

    Voici donc la version enregistrée par une formation qui a perdu son nom pour s'appeler logiquement Franck Agulhon… parce que cette fois, il se présente en leader. C'est bien mérité après tout, personne n'ira lui reprocher de vouloir nous raconter sa petite histoire de la musique.

    Franck Agulhon ne m’en voudra certainement pas de dire que dès les premières notes de « 2 Boys », on est comme en terrain connu. Il y a dans la pulsion qui habite le thème les réminiscences de son travail avec Eric Légnini, ce qu’on peut appeler le groove, un mot pas si facile à définir et que, pourtant, le batteur incarne et qu’il sert à merveille dans le trio du pianiste. C’est aussi l’impression d’un mouvement sans fin, sans effort apparent, associé à un plaisir du jeu. Le ton est donné d’emblée et les deux compères associés à cette aventure s’en donnent à cœur joie. Pas un seul instant la tension ne retombera, Post Katrina offre douze séquences assez courtes dont l’enchaînement frénétique est le témoignage d’une volonté d’aller droit au but, sans détours inutiles. Pierre-Alain Goualch engage un combat ludique et obstiné, parfois strident, avec son Fender Rhodes pendant que Diego Imbert dynamite les bases arrières avec la fermeté du drive qu’on lui connaît depuis des années. Agulhon, lui, rayonne et emmène son monde avec l’aisance de ceux qui ne cherchent pas à prouver leur talent, parce qu’ils n’en ont pas besoin, mais plutôt à s’offrir en pourvoyeurs d’instants de vérité. Difficile de résister, par exemple, à ce « Cajun Medium » au balancement contagieux : 2’24 de bonheur d’être tous ensemble. Impossible de ne pas chavirer avec « Froggy », dont le déséquilibre est un peu celui de l’ivresse. On peut aussi se laisser aller à une « Lounge Party » hypnotique, aux confins du jazz et du trip hop, histoire de montrer que le trio ne confit pas sa musique dans le passé mais qu’il est aussi à l’écoute du présent. La coloration de « Lucifer » ou de « Nirva Double » - Goualch s’ingéniant à salir le son de son Rhodes - vient confirmer cette impression d’ouverture à d’autres climats, vers des chemins moins confortables, plus escarpés et, surtout, très prometteurs. Au fil des minutes, le trio semble s’évader, vers un ailleurs où il reste beaucoup à découvrir. Signalons enfin – parce que l’information n’est écrite nulle part – que le trio devient quartet le temps d’un « Wounded » final au parfum de blues, grâce à la présence de Julien Birot à la guitare (ce dernier ayant par ailleurs eu la responsabilité du mixage de l’album). Oui, le blues, comme un retour aux sources.

    Post Katrina s’appelle ainsi, on l’aura deviné, en hommage à la Louisiane, berceau du jazz martyrisé par l’ouragan du même nom en 2005. On peut le comprendre aussi, du point de vue de Franck Agulhon, comme une manière de dire : je sais d’où je viens, je connais mes racines et cette musique continue de vibrer là-bas comme au premier jour. De fait, elle continue de vibrer en moi. Elle me nourrit depuis si longtemps, je lui devais bien cette célébration humble et généreuse à la fois.

    Une célébration qui n’est certainement pas la dernière, c’est tout le mal qu’on souhaite au batteur.

  • Majorettes

    pierrick pedron,omry,cheerleaders,franck agulhonL'impatience commence à grandir... Car on sait depuis belle lurette que le saxophoniste Pierrick Pédron va prochainement donner un successeur à son si bel Omry. L'enchantement sera-t-il aussi fort, cette fois ? Allez, je ne veux pas vendre la peau de l'ours mais je suis pleinement confiant. Il y a quelque temps déjà, Pierrick m'avait permis d'écouter quelques extraits de son nouveau disque : pas de doute, la belle aventure va continuer, tant ce que j'ai eu entre les oreilles me semble résolument indéfinissable et pourtant continuateur de l'expérience en cours.

    Pierrick Pédron a reconduit pour l'essentiel la même équipe que pour Omry : Laurent Coq (piano, Fender Rhodes et arrangements), Vincent Artaud (basse), Chris De Pauw (guitare), Fabrice Moreau et Franck Agulhon (batterie), avec cette fois l'entrée en piste de Ludovic Bource (orgue), ainsi que d'autres participants, plutôt nombreux à la fête : chanteuses, cuivres, percussions. Il y aura dans cette musique quelque chose qui s'apparentera à une fanfare un peu extraterrestre...

    Cheerleaders est annoncé pour la rentrée : d'ici là, vous pouvez vous faire une première idée de ce qui nous sera proposé en jetant un petit coup d'œil (et d'oreille, surtout), à une vidéo qui nous montre le groupe en studio.

    Et puisque les vacances approchent - comprenez par là que les publications sur mon blog se raréfieront peut-être un peu entre la mi-juillet et la mi-août, je vous offre un modeste cadeau de circonstance : le texte que j'avais écrit pour illustrer la photographie de Pierrick Pédron (signée Jacky Joannès) dans le cadre de notre exposition automnale Portraits Croisés.

    [ L’héritage du futur ] Il y a comme une évidence paresseuse à vouloir démontrer que son saxophone alto exhale des fragrances Parkeriennes et virtuoses. On sait maintenant que le monde composite de Pierrick Pédron – Omry – est hanté par bien d’autres esprits futuristes, qui savent invoquer tour à tour les scansions hypnotiques d’Oum Kalthoum et l’héritage électrique de Pink Floyd. Pierrick Pédron déjà figure parmi les grands...

    Post-scriptum : j'ai évoqué, pas plus tard qu'hier soir, la parution prochaine de Cheerleaders en compagnie de Franck Agulhon tout juste rentré d'une belle tournée en Asie avec Eric Legnini : il fallait voir la lumière briller dans ses yeux, du seul fait de parler de l'aventure Pédron et de se réjouir par avance de la joie d'avoir à partager bientôt ces moments qu'il semble avoir vécus comme un nouveau bonheur artistique. Un Franck Agulhon, venu le temps d'un soir, retrouver ses vieux amis (au premier rang desquels Jean-Marie Viguier) pour jouer la musique de Pat Metheny. Cet homme-là est non seulement un batteur de premier plan, il est aussi un être humain adorable, totalement préservé des méfaits que sa notoriété pourraient lui valoir : je le connais depuis une bonne quinzaine d'années et je le retrouve à chaque fois tel qu'en lui-même, savant cocktail de talent et de chaleur humaine.

     

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    Franck Agulhon pose pour © Jacky Joannès avant de célébrer Pat Metheny

  • Quartet

    Agulhon, Imbert, Legnini, Pédron. Bingo ! Il est toujours très agréable de braver simultanément la nuit, l'hiver lorrain et les brumes spinaliennes pour s'apercevoir que quatre musiciens de jazz peuvent faire "théâtre comble" dans une ville de taille moyenne et recevoir un accueil enthousiaste de la part d'un public par ailleurs reconnaissant du travail effectué depuis la veille par ces artistes pour partager leur passion de la musique avec quelques stagiaires. Soit une bonne douzaine d'élèves présents sur scène le temps de jouer deux compositions répétées avec leurs enseignants d'un week-end.

    Réunis pour la première fois - on espère avoir assisté au début d'une nouvelle histoire - Franck Agulhon, Diego Imbert, Eric Legnini et Pierrick Pédron ont ensuite distillé un répertoire tonique puisant aux sources de quelques standards ("I Can't Get Started", "Lover" ou "I Hear A Rhapsody") mais aussi de compositions originales ("Waltz For A King" et "Tune Z" pour Pierrick Pédron, "Guet Apens" pour Diego Imbert ou "Big Boogaloo" pour Eric Legnini).

    Lyrisme, complicité, joie de faire rayonner un art maîtrisé mais toujours en mouvement : merci à eux quatre ! Cette soirée du 16 janvier à Epinal était sans le moindre doute à mettre au compte des moments qui vous regonflent d'une énergie salutaire.

    ailp.jpg
    De gauche à droite : Eric Legnini (piano), Diego Imbert (contrebasse),
    Pierrick Pédron (saxophone alto), Franck Agulhon (batterie).

    podcast

    En écoute : les trois premières minutes du concert et un extrait de "Waltz For A King" (Pierrick Pédron).

  • Bal(l)ade

    finally.jpgLes lorrains connaissent bien Valérie Graschaire (native de la ville de Metz) depuis un bon petit bout de temps maintenant. Ils ont pu découvrir l'étendue de son talent au sein de son quartet ainsi qu'à travers différentes expériences comme celle qui l'a amenée à devenir la chanteuse de l'Orchestre National de Jazz de Lorraine au cours des années 90 (avec lequel elle enregistrera l'album Angustia d'Amour en 1999) où à monter un répertoire dédié à Thelonious Monk avec la complicité du pianiste Pierre-Alain Goualch, un projet qui aboutit en 2000 à un album remarqué, Honky Monk Woman. La chanteuse est aujourd'hui (enfin) reconnue comme l'une des plus belles voix de la scène jazz française et ce n'est que justice. Aussi ce n'est pas sans une certaine émotion que Franck Agulhon, au détour d'une interview où il devait être question de sa propre actualité, tient à souligner qu'il se sent un peu comme le « papa » de Finally, un disque sorti chez Cristal Records à l'automne dernier et pour lequel ont été réunis les vieux amis, les complices de (presque) toujours que sont Diego Imbert (contrebasse) et Pierre-Alain Goualch une fois encore, auxquels viennent s'ajouter le lyrisme de Stéphane Belmondo au bugle et les inspirations de Peter Gabriel, Rémi Chaudagne, Eric Legnini ou Joni Mitchell. Papa dites-vous ? Car si Valérie Graschaire est à la ville madame Agulhon et la mère des enfants du batteur, on devine forcément le subtil dosage d'amour, de famille et d'amitié avec lequel a été tissée la belle toile chaleureuse de ce disque à la production épurée (il n'est jamais inutile de souligner la qualité de la prise de son qui fait la part belle aux instruments, presque exclusivement acoustiques, qui semblent ici venir nous jouer au creux de l'oreille) et qui met en valeur la voix chaude de Valérie Graschaire, nous prenant par la main pour une tranquille balade sur fond de ballades, dont les influences vont aussi bien puiser à la source du jazz qu'à celle d'une certaine pop music. Les reprises de « Mercy Street » (Peter Gabriel) et de « Both Sides Now » (Joni Mitchell) sont de belles réussites qui se mêlent naturellement à des compositions originales ou à de semi reprises, comme l'élégant « Nightfall » d'Eric Legnini sur lequel Valérie Graschaire a écrit ses propres paroles. Disque intimiste et apaisé, Finally est incontestablement un petit moment de grâce et une belle carte de visite supplémentaire pour la chanteuse. On aurait tort de s'en priver !

    Valérie Graschaire : voix,
 Pierre-Alain Goualch : piano et Fender Rhodes,
 Diego Imbert : contrebasse,
 Franck Agulhon : batterie,
 Stéphane Belmondo : bugle.


    En écoute : un extrait de « Mercy Street »

    Cristal Records - 2008

     

  • Roboratif

    trippin.jpgTroisième disque en trois ans pour le pianiste Eric Legnini. Ce musicien belge exceptionnel, qu'on a connu aux côtés de Claude Nougaro, Stefano Di Battista ou de Stéphane Belmondo, est à l'image exacte des vieux amis d'enfance : toujours présent quand il le faut. Trippin', enregistré en trio avec Mathias Alamane à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie, est le successeur attendu de Miss Soul et Big Boogaloo, dans leur exacte continuité, tel qu'on avait envie de l'écouter. Une petite merveille d'équilibre qui déborde d'énergie, où la mélodie et le groove sont rois. Avec pour innovation le recours sur quelques titres au Fender Rhodes. En attendant la suite (il faudra parler de sa participation à Omry, le très beau disque aux intonations "pop" du saxophoniste Pierrick Pédron), régalons-nous d'un court extrait, "Rock The Days" avant d'en dévorer tout le reste.