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dominique pifarely

  • Dédales en 3D ou la belle géométrie de Dominique Pifarély

    ensemble dédales, dominique pifarely, time geographyJ’ai reçu voici plus de deux mois déjà un disque dont les beautés se dévoilent au fil des écoutes et n’en finissent pas de m’enchanter. Une magnifique invitation au voyage, aussi bien dans le temps que dans l’espace : Time Geography, tel est son titre, est le deuxième album de l’Ensemble Dédales (après Nommer chaque chose à part en 2009), un nonette emmené par le violoniste Dominique Pifarély, qui en signe par ailleurs toutes les compositions.

    Il y a bien longtemps maintenant, j’ai fait la connaissance d’une musique insaisissable, celle du clarinettiste saxophoniste Louis Sclavis : depuis près de 25 ans, je guette la publication de ses disques, je me les procure aussi vite que possible et chaque fois, c’est le même ravissement. Ah, cette sensation de tutoyer les anches de la création, d’entrer dans un univers d’une grande cohérence dans le déroulement de son écriture au fil des années, mais à chaque fois remodelé et renouvelé. Sclavis, musicien de la re-création. Le lyonnais est un artiste de chevet, de ceux dont jamais la compagnie n’a jamais suscité chez moi moins qu’un enthousiasme euphorique.

    Car c’est bien à Sclavis que je dois d’avoir fait la connaissance de cet autre créateur qu’est Dominique Pifarély : le violoniste a longtemps travaillé à ses côtés, je viens d’ailleurs de vérifier en examinant ma discothèque l’étendue de ses collaborations, histoire de rafraîchir mes souvenirs parfois vacillants. On peut les identifier à travers sept disques qui sont aussi essentiels qu’au premier jour et demeurent d’une actualité brûlante (on verra que cette science de l’intemporel est commune aux deux musiciens) dont je ne saurais que trop vous suggérer l’écoute tant ils sont les marques – des jalons – d’un très grand, dont les compagnons de route ne le sont pas moins : Chine (1987) ; Chamber Music (1989) ; Ellington On The Air (1992) ; Rouge (1992) ; Acoustic Quartet (1994), avec deux autres compagnons hors pair, le contrebassiste Bruno Chevillon et le guitariste Marc Ducret qu’il aura l’occasion de retrouver par la suite, sur le volume 2 de sa trilogie Tower ; Les violences de Rameau (1996) ; Dans la nuit (2002). A ces disques, on peut ajouter deux albums où Pifarely fait quelques apparitions : Danses et autres scènes (1997) et La moitié du monde (2007). 

    Depuis, les chemins de ces deux créateurs se sont dissociés, le premier continuant d’aligner des disques-projets d’une grande vitalité créative, et le second  jamais en reste, c’est le moins qu’on puisse dire. Parmi ses innombrables activités, Dominique Pifarély a créé en 2000 sa propre compagnie, Archipels, où s’épanouit son travail de leader et de compositeur, au cœur duquel on trouve naturellement Dédales, ensemble de haute volée au service d’une musique dont l’écriture d’une grande précision et les arrangements complexes laissent néanmoins une large place aux solistes (dont il fait partie), tous rompus à l’exercice périlleux de l’improvisation. La composition de l’équipe parle d’elle-même : Guillaume Roy (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Vincent Boisseau (clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Pascal Gachet (trompette, bugle), Christiane Bopp (trombone), Julien Padovani (piano), Eric Groleau (batterie). Je vous laisse découvrir leurs principaux faits d’armes, vous comprendrez très vite en quoi leur association est forcément fructueuse... 

    Dédales, c’est l’amalgame réussi d’une addition d’expériences et de parcours savants qui se croisent souvent pour mieux se nourrir, c’est l’agencement complexe de textures impressionnistes alliant le pouvoir des cordes (violon, alto, contrebasse) à celui du souffle (saxophone, trompette, trombone, clarinette) et d’une rythmique entêtante. Le plus remarquable, tout au long des cinq pièces nerveuses à souhait de cette géographie du temps, c’est l’équilibre naturel trouvé entre la puissance orchestrale, l’agencement des masses sonores et la libération de la parole de chacun des instrumentistes parmi lesquels il est impossible d’opérer une distinction. Chacune des compositions, hissée dans un espace aux confins du jazz et d’une musique chambriste et hypnotique, est parée de sinuosités savamment imprévisibles. Il y a dans cette géographie une part d’inconnu qui jamais n’inquiète mais suscite au contraire une curiosité de chaque instant. Time Geography est à sa manière un disque paradoxal en ce sens que, si l’aboutissement de son écriture est magistral, ses variations incessantes, ses dialogues démultipliés, les improvisations des solistes en font une œuvre avant tout organique et vibrante, jamais rebutante et témoignage d’un cheminement dont on ne saurait épuiser les richesses ni les surprises permanentes en quelques écoutes du coin de l’oreille. C’est au contraire un disque nourricier, une source à laquelle on revient encore et encore... Dominique Pifarély, violoniste architecte de cette construction intemporelle (à tout le moins à des années-lumière des codes de notre temps marchandisé), donne une définition très éloquente de son disque : « La musique, comme lieu d’exploration de notre rapport au monde, n’a de labyrinthique éventuellement, que le chemin personnel qu’on y trace. Mais le labyrinthe, de prison est aussi devenu un jeu, et chercher son chemin un impératif... » Oui, ce labyrinthe est un jeu, pour le compositeur et les musiciens c’est évident, mais pour nous également qui trouvons là matière à une longue et belle exploration. Un disque d’élévation. 

    Et puis... j’aurais peut-être dû commencer par là. Le titre est beau*, il est à lui-seul la définition d’une géométrie de l’imaginaire. D’un côté, la verticalité du temps en ordonnée, de l’autre l’horizontalité de l’espace en abscisse. Sur ce plan à deux axes, il reste à creuser et inventer des histoires qui, elles, nous embarquent vers une troisième dimension magnétique. Time Geography est assurément un disque dont les nombreux développements sont durables ; et sans nul doute un des albums les plus captivants de ces derniers mois. Il va rester au sommet, c'est un disque d'aujourd'hui pour demain.


    * La Time Geography est un courant de la géographie fondé par le suédois Torsen Hägerstrand. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez faire un petit tout par ici.

  • Deuxième cérémonie de remise des « Coups de Maître »

    Eh oui, le temps passe très vite, les disques n'en finissent pas de pleuvoir au point qu'un rapide calcul suscite mon effarement : depuis un an, j'ai dû “découvrir” environ 150 albums. C'est peu, juste une goutte dans l'océan de la musique, par comparaison au volume de la production mondiale, tous genres confondus ; mais c'est énorme si, comme moi, vous disposez d'environ 365 jours chaque année (parfois 366, je l'admets) pour consacrer un peu de temps à vos passions. Sachant que bon nombre de ces nouveaux arrivants misicaux nécessitent plusieurs écoutes, sachant aussi que leurs prédécesseurs méritent de revenir au front (et parfois, croyez-moi, ils reviennent de très loin et s'accrochent à vos basques en vous suppliant de ne pas les oublier), vous comprendrez aisément que la tâche n'est pas si facile. Passionnante, source de plaisirs multiples mais, tout de même, un sacré boulot ! Quant à l'idée saugrenue consistant à extirper dix élus de cette abondante récolte, on peut la considérer d'un œil amusé, se dire que l'exercice est vain, penser aussi qu'il sera forcément injuste (c'est vrai). Mais ce choix est une façon de revenir en arrière, de se souvenir des émotions les plus fortes et des élans singuliers que certains disques ont suscités. Et d'avoir une pensée pour les oubliés, dont beaucoup nous ont offert des instants singuliers.

    Alors voilà pour l'année 2013 : dix albums, tous très beaux, choisis parmi un grand ensemble dont bien des éléments auraient très pu aisément franchir la barrière de mes « Coups de Maître ». Tiens par exemple, prenez Slim Fat de l'Imperial Quartet... eh bien, il serait volontiers entré dans ma confrérie du moment, rien que pour sa dégaine sonore pas comme les autres et son déluge saxophonique...  Pareil pour Le Rêve de Nietzsche de Jean-Rémy Guédon et son Archimusic, quand jazz et hip hop s’acoquinent avec la philosophie... Et je ne vous parle même pas des Passagers du Delta, du Trio ALP, si beau, en deux temps, dans son livre élégant.

    Et puis, on va encore me dire que la coloration de ma sélection est très hexagonale ! J'assume ces choix, ce qui ne signifie pas pour autant que j'ignore la musique qui a vu le jour ailleurs, Outre-Atlantique notamment. Mais je connais plein d'amis qui parlent très bien, beaucoup mieux que moi, de musique et dont les écrits sont toujours passionnants : Jean-Jacques Birgé, Franpi Sunship, Mozaïc Jazz, Les Dernières Nouvelles du Jazz, Belette Jazz, Ptilou's Blog, JazzOCentre, Jazzques, Les Allumés du Jazz, et quelques autres que vous n'aurez aucun mal à dénicher. Vous pouvez prendre le risque d'aller faire un petit tour chez eux : dans le pire des cas, ils vous donneront envie de vibrer encore plus fort avec leurs choix ; dans le meilleur, ils finiront pas vous convaincre que – comme nous tous – il vous faudra vivre d'autres vies pour étancher votre soif de musique !

    Ma petite sélection sans prétention apparaît dans l'ordre chronologique de l'arrivée des disques dans ma boîte aux lettres. Il m'est arrivé d'écrire à leur sujet, n'hésitez pas à cliquer sur les repères... pour en savoir [+] !

    Festen
    Family Tree

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDeuxième volet des aventures de cette jeune quarte qui allie la science du jazz à l’énergie du rock. Damien Fleau (saxophone), Maxime Fleau (batterie), Jean Kapsa (piano) et Oliver Degabriele (contrebasse) écrivent une musique dense, nerveuse et habitée. Ils savent aussi atteindre l’épure, privilège des grands, leur « Grandfather’s Bed » en est une preuve. On est heureux de se sentir un peu comme membre de cette belle famille au sein de laquelle circule une énergie très contagieuse. [+]

    Samuel Blaser
    As The Sea

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GEncore une très belle année pour le tromboniste ! Hyperactif, notre Helvète préféré a notamment doublé la mise avec deux albums qui séduisent par la somme d’imagination et de liberté qu’ils respirent. Tout récemment, Mirror To Machaut offrait une relecture limpide de la musique de deux Guillaume du Moyen-Âge : de Machaut et Dufay. Mais avec As The Sea, Blaser avait sculpté quelques mois plus tôt la matière sonore d’un univers mouvant et jamais fini, en compagnie de ses amis Marc Ducret, Gerald Cleaver et Bänz Oester. Un disque énigmatique et passionnant de bout en bout.  [+]

    Rémi Gaudillat
    Le chant des possibles

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLe souffle cuivré d’un quatuor libre et onirique : celui de Rémi Gaudillat et Fred Roudet (trompette, bugle), Loïc Bachevillier (trombone), Laurent Vichard (clarinette basse). Quatre musiciens qui savent demander à leurs instruments de dépasser leur rôle de respirateurs naturels et leur donner le muscle de la pulsation. Leur musique entre ombre et lumière exhale un parfum impressionniste des plus séduisants, elle est une porte grande ouverte sur un imaginaire poétique dans lequel on plonge sans réserve. [+]

    Stéphane Chausse & Bertrand Lajudie
    Kinematics

    festen,samuel blaser,remi gaudillat,christophe marguet,alban darche,art sonic,gordiani desprez scarpa,olibier bogé,dominique pifarely,pan-gQuand deux amis décident de se donner les moyens et le temps de faire aboutir un vieux rêve : jouer une musique dont chaque détail compte, par un travail d’orfèvre appliqué à une matière sonore qui fait l’objet d’un soin maniaque. Leur jazz funk bienvenu est habité d’un gros son, il est interprété par une ribambelle d’amis dont certains ne sont pas les derniers venus, comme Marcus Miller. Un disque de plaisir total, qu’on écoute avec gourmandise en se disant qu’une production aussi aboutie est tout de même rare de nos jours. Chouette cadeau ! [+]

    Christophe Marguet Sextet
    Constellation

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GUn récidivisite, déjà haut placé en 2012, j'espère ne pas l'assommer avec mes coups de mâitre à répétition... Cette fois, le batteur joue la carte d’une dream team aux couleurs chatoyantes et forme un orchestre dont les richesses n’en finissent pas de se dévoiler au fil des écoutes. Constellation est de ces disques dont on peut dire sans se tromper qu’ils sont empreints de magie. Normal, Christophe Marguet s’est entouré de magiciens : Régis Huby (violon), Steve Swallow (basse), Benjamin Moussay (claviers), Chris Cheek (saxophone) et Cuong Vu (trompette). Du grand art. [+]

    Gordiani, Desprez, Scarpa
    21

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GLa formule est d’une apparente simplicité. 21 signifie ici 2+1, et plus exactement deux guitares et une batterie. Une combinaison originale et très électrique. Il y a ici tout ce qu’on aime (enfin, quand je dis on, je parle de moi, mais je sais que je ne suis pas seul à penser ainsi) : l’énergie, l’imprévu, le mystère, la fougue, les élans... En quarante minutes, Philippe Gordiani, Julien Desprez et Emmanuel Scarpa mettent les doigts dans la prise de courant de leur imaginaire et zèbrent de leurs éclairs notre ciel qui ne demande pas mieux qu’on lui fasse ainsi frissonner les étoiles. Coup de cœur et de foudre garantis à tous les amoureux des escapades un peu folles ! [+]

    Ensemble Art Sonic
    Cinque Terre

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GDécidément, Sylvain Rifflet (clarinette, saxophone) et Joce Mienniel (flûte) sont au sommet de leur art. En 2012, ils figuraient déjà en très bonne place dans ce palmarès. Avec l’Ensemble Art Sonic, ils inventent un univers géographique et sublimé, une musique de chambre du XXIème siècle. A leurs côtés, Cédric Chatelain (hautbois, cor anglais), Baptiste Germser (cor) et Sophie Bernardo (basson) sont les pièces vitales d’un quintette à vents irrésistible. Mine de rien, on assiste avec ce très beau disque à la naissance d'une musique qui n'en est qu'à ses premiers frémissements, en attendant la suite, qui nous comblera. [+]

    Olivier Bogé
    The World Begins Today

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GQue la lumière soit ! Après nous avoir raconté l'histoire d'un voyageur imaginaire, le saxophoniste prouve avec son second disque qu’il est bien plus qu’un jeune musicien talentueux : il est aussi un humain conscient, en quête d’un chant solaire qui irradie sa musique de la première à la dernière note. Il est entouré d’amis de renom : Tigran Hamasyan, Jeff Ballard, Sam Minaie. Ces derniers savent mettre leur art, avec humilité, au service d’une inspiration/respiration commune qui s'épanouit sur des compositions d'une grande limpidité. Bogé partage, partageons sa musique... [+]

    Dominique Pifarély / Ensemble Dédales
    Time Geography

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GAussitôt arrivé, déjà au sommet de la pile ! Neuf musiciens haut de gamme composent l’Ensemble Dédales dirigé par le passionnant violoniste Dominique Pifarély : Guillaume Roy (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Vincent Boisseau (clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Pascal Gauchet (trompette, bugle), Christiane Bopp (trombone), Julien Padovani (piano), Eric Groleau (batterie), tous au service d’une musique à la fois savante et nourrie d’une pulsion hypnotique, libre et engagée dans l'invention de nouveaux paysages entre jazz et musique de chambre contemporaine. Time Geography est un disque aux variations subtiles, dont les richesses se dévoilent au fil des écoutes. 

    Alban Darche
    My Xmas traX

    festen, samuel blaser, remi gaudillat, christophe marguet, alban darche, art sonic, gordiani desprez scarpa, olibier bogé, dominique pifarely, pan-GC’est d’une certaine manière le label Pépin et Plume d’Alban Darche qui est ici récompensé. Sa première référence, L’Orphicube, manifestait un fort pouvoir de séduction. Mais en fin d’année, le saxophoniste glissait au pied du sapin un second disque, une boîte de Noël un peu magique, pleine à craquer de chants tels que tous les enfants que nous sommes rêvent d’écouter le soir de la veillée. Un disque durable et enchanté, au plaisir augmenté par la lecture d'un conte signé Franpi Barriaux. Quoi, on n'a plus le droit de dire du bien des copains ? [+]

    Alban Darche, pour ses deux albums pépinoplumesques, mais aussi parce que les mois qui viennent de s’écouler nous auront valu de sa part d’autres disques ô combien précieux, reçoit à l’unanimité de mon jury (dont je suis le seul membre, je le précise par honnêteté, et je ne vous cacherai pas qu'il m'arrive fréquemment de ne pas être d'accord, ce qui complique beaucoup les choses, parfois) le Maître d’Honneur 2013 : Cube, Gros Cube ou Orphicube, tout est bon chez le saxophoniste ! Ce ne sont pas les camarades Citoyens Julien ou Franpi (encore lui...) qui me démentiront...