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blues

  • Samuel Blaser : « Early in the Mornin’ »

    samuel balser, trombone, early in the mornin, outnote records, jazz, blues[Carnet de notes buissonnières # 003] J’ai déjà évoqué ici-même Samuel Blaser, à l’occasion de la sortie de son album Spring Rain. S’il fallait résumer la personnalité de cet Helvète prolifique, je le qualifierais d’avant-gardiste curieux de toutes les musiques. En se penchant sur sa discographie des sept ou huit dernières années, on comprend que le tromboniste est capable de revisiter la musique de Guillaume de Machaut ou celle de Monteverdi comme de se confronter à des expériences beaucoup plus free et contemporaines, notamment celles qui l’ont conduit à travailler avec le guitariste Marc Ducret. Si Samuel Blaser est sensible à la qualité des mélodies, il n’en cherche pas moins à élargir le champ musical de son instrument et à se libérer des contraintes. Il a fait du trombone un instrument total, il peut en exploiter toutes les possibilités mélodiques et rythmiques.

    Cette fois, Samuel Blaser a… un coup de blues ! Non qu’il soit triste, loin de là, mais il veut célébrer le blues – celui des origines – en compagnie d’un groupe exceptionnel composé de Russ Lossing aux claviers (déjà présent sur Spring Rain), Masa Kamaguchi à la contrebasse et Gerry Hemingway (autre compagnon de longue date) à la batterie. Et pour que la fête soit plus belle encore, Samuel Blaser a fait appel sur plusieurs titres à deux musiciens prestigieux : le saxophoniste américains Oliver Lake et le trompettiste, non moins américain, Wallace Roney. Avec un tel compagnonnage, on imagine bien que Early In The Mornin’ – tel est le nom de l’album publié chez Out Note Records – est une réussite. Et si Samuel Blaser signe lui-même quelques compositions, le disque est aussi pour lui l’occasion de revisiter des thèmes issus de ce qu’on appelle les work songs, des chants traditionnels, mais aussi de la musique country ou folklorique anglaise et irlandaise. Attention, il s’agit une relecture à la manière de Samuel Blaser, et l’on sait que le tromboniste est capable de toutes les transformations. Le résultat est réjouissant, gourmand : s’il fallait vous convaincre, je vous inviterais à écouter par exemple ce « Levee Camp Moan Blues » dont on peut retrouver en cherchant un peu une version de 1927 par Texas Alexander & Lonnie Johnson. Cerise sur le gâteau, les invités Oliver Lake et Wallace Roney sont présents sur ce titre. Une fête !

    Samuel Blaser (trombone), Russ Lossing (piano, claviers, moog), Masa Kamaguchi (contrebasse), Gerry Hemingway (batterie) + Oliver Lake (saxophone alto), Wallace Roney (trompette).

    Label : Out Note Records

  • #NJP2014, échos des pulsations / 2

    Le Chapiteau de la Pépinière a fait peau neuve : une nouvelle bâche, plus de places debout aussi (au point que les premiers rangs des gradins finissent par être loin de la scène). Ce premier samedi du festival est l’occasion d’une immersion dans l’univers du blues, qui constitue depuis de longues années une tradition du festival. En 2014, c’est une soirée « 3 au lieu de 4 », en raison de l’incident cardiaque dont a été victime Darick Campbell pendant le vol qui le conduisait en France. Pas de Cambell Brothers donc... et forcément, un timing trop serré pour trouver des remplaçants au groupe.

    Le public est venu très nombreux, certain de trouver ce qu’il était venu chercher. Il n’est pas question de surprise, mais plutôt d’une célébration à caractère patrimonial ; le blues est entré dans l’histoire, il mérite bien son temps fort et NJP ne l’oublie pas.

    Lurrie Bell est un chantre du Chicago Blues, qui est né de l’exode rural lors de la Grande Dépression vers les villes industrialisées au premier rang desquelles Chicago. D’un point de vue formel, il s’est traduit par l’introduction d’instruments comme la guitare électrique, la basse et la batterie au couple traditionnel constitué par la guitare acoustique et l’harmonica. Chez Lurrie Bell, on est dans le plus grand classicisme à cet égard : l’heure de concert est marquée par la forte présence de l’harmoniciste Russell Green, qui vient parfois voler la vedette au leader qui, de son côté, vit son histoire avec une intensité communicative. Le son saturé de l’harmonica, associé à un volume sonore trop élevé et au jeu étonnant d’un batteur plutôt à côté de la plaque, ont un peu gâché la fête proposée par un musicien sincère et généreux. Ces réserves mises à part, Lurrie Bell a tout de même largement mérité sa place en cette soirée festive.

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    Lurrie Bell

    Lurrie Bell (guitare, chant), Russell Green (harmonica), Melvin Smith (basse), Willie Hayes (batterie).
    Disque associé : Blues In My Soul (Delmark, 2013)

    Avec sous le bras le répertoire de son bel album My World Is Gone, Otis Taylor avait de quoi magnétiser le public. Et comme prévu, le colosse du Colorado, personnalité très singulière (cet adepte du banjo a été antiquaire, enseignant, entraîneur cycliste...), dénonciateur des injustices sociales et raciales, musicien charismatique défenseur du peuple amérindien et de la tribu Nakota, a rencontré un franc succès suivi d’un rappel mais... comment dire ? Il faut avoir l’honnêteté d’analyser le concert avec un minimum de lucidité : on ne s’y retrouvait pas dans cette musique, si belle dans sa conception originelle, mais ici totalement défigurée par un groupe où dominaient deux insupportables violonistes (capables du massacre en règle de « Amazing Grace »), dont les instruments électrifiés étaient un supplice pour les oreilles, et ce malgré les contorsions à visée sensuelle de l’une d’entre eux, Anne Harris. Tout comme le furent les solos désincarnés et d’une absolue vacuité de chacun des protagonistes d’un soir. Absence de cerise sur ce gâteau un peu indigeste, Otis Taylor est venu sans son banjo, pourtant son compagnon fétiche, le multi-instrumentiste se cantonnant à une guitare électrique pas toujours bienvenue. Dommage ! Mais on ne peut être au meilleur chaque soir et je m’autorise un conseil : écoutez My World Is Gone, c’est un très beau disque.

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    Otis Taylor

    Otis Taylor (guitare, chant), Taylor Scott (guitare), Todd Edmunds (basse), Josh Kelly (batterie), Anne Harris & xxx (violon électrique).
    Disque associé : My World Is Gone (Telarc, 2013)

    Je vous épargne la titraille éculée façon « Son nom est Personne », « Du blues comme Personne » ou « Tout le monde aime Personne ». Parce que Paul Personne, adepte d’un blues rock efficace depuis une quarantaine d’années, musicien chanteur fidèle à ses convictions, celles des origines de sa carrière (dont le déclencheur serait, selon ses dires, l’album de John Mayall Bluesbreakers with Eric Clapton – on peut comprendre la force d’une telle stimulation, tant ce disque fait partie du patrimoine du blues anglo-saxon) mérite un peu mieux que ces facilités convenues. L’Argenteuillais porte bien ses 65 printemps et c’est entouré d’une jeune garde normande (dont les deux frères Anthony et Nicolas Bellanger à la guitare et à la basse) qu’il est venu jouer sa musique tirée au cordeau, émaillée de joutes de guitares à l’unisson qui doivent beaucoup à des groupes tels que Wishbone Ash ou The Allman Brothers Band (j’ai même cru entendre le solo de Dicky Betts sur « Jessica » de l’album Brothers & Sisters... mais ce n’était qu’une impression fugitive). Un set sans faute, dans l’esprit de son récent et réussi Puzzle 14, qui a démontré s’il en était besoin qu’on peut associer avec beaucoup de naturel la langue française avec une musique d’essence américaine. Surtout, jamais Paul Personne ne tombe dans le piège de la mièvrerie si caractéristique de tant de chanteurs de variétés : il est avant tout un homme du blues et du rock qui défend sans faillir sa cause de toujours. Avant le début du concert, on savait ce qu’allait jouer Paul Personne : il a répondu exactement aux attentes du public avec un grand professionnalisme, à défaut d’une originalité qu’il n’a jamais revendiquée. Efficace, honnête et enthousiaste : c’est un bilan dont beaucoup aimeraient se targuer. Et les deux rappels étaient bien mérités.

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    Paul Personne

    Paul Personne (guitare, chant), Anthony Bellanger (guitare), Nicolas Bellanger (basse), Brice Allanic (batterie).
    Disque associé : Puzzle 14 (Verycords, 2014)

    Post-scriptum

    Une double question de ma part :

    - quelle est la justification d’un volume sonore aussi élevé tout au long de la soirée ? Si la qualité de l’acoustique du chapiteau est à l’évidence meilleure qu’auparavant, ce qu’il faut souligner, l’excès de décibels, du début à la fin de la soirée, finit par gâcher une partie de la fête...

    - certains spectateurs semblent avoir oublié qu’il est interdit de fumer dans les lieux publics, comme l’est le Chapiteau de la Pépinière. Les responsables de la sécurité auraient-ils oublié leur machine à claques ?