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abhra

  • Abhra

    Abhra.jpgNow playing… Pour ne rien vous cacher, le saxophoniste Julien Pontvianne est selon moi un drôle de loustic. Un énorme point d’interrogation, qui prend un malin plaisir à ne pas vous fournir les réponses aux questions que pose sa musique. C’est à vous d’essayer de vous faufiler dans son monde de silence et d’y trouver une place. Rien de péjoratif dans cette manière de qualifier celui dont j’avais déjà salué le talent très singulier à l’occasion de la publication de Silere, un disque étonnant de l’Aum Grand Ensemble. Je me souviens de l’expression « immobilités apparentes » : elle m’était venue à l’esprit après que j’ai découvert cette musique surgie d’ailleurs, mue dans le quasi silence de souffles esquissés. Que dire par ailleurs de Watt, son quatuor de clarinettes, et de son deuxième disque, encore plus mystérieux, paru chez BeCoq il y a quelques mois ? Imaginez une composition plus immobile que Silere, dont la durée à elle-seule est un défi : soixante-dix-sept minutes ininterrompues, et l’impression que presque rien ne bouge dans cette respiration à quatre souffles continus au cœur desquels on perçoit à peine mouvements et décalages, pour peu qu’on n’y prête pas attention. Il faut s’accrocher à sa propre volonté d’en savoir plus pour ne pas courir le risque de se perdre dans un espace infini dont les trois autres gardiens ne sont pas des inconnus : Jean Dousteyssier (dont j’ai évoqué le Post K voici quelques jours), Antonin Tri-Hoang et Jean-Brice Godet. Et pour être franc, je vous accorderai le droit d’être un peu dérouté par cette aventure dans laquelle on ne peut entrer vraiment qu’à condition d’avoir libéré son esprit de toutes les chaînes de notre quotidien formaté. Julien Pontvianne invente la musique de l’abandon.

    Immobilité. Silence. Mystère. Vide. Atmosphère flottante. Voilà le début d’un lexique qui pourrait définir l’approche esthétique de ce musicien explorateur. En sanskrit, Abhra signifie justement l’atmosphère et le vide : c’est le titre que Julien Pontvianne a donné à son nouveau projet, pour lequel il s’est entouré d’une formation internationale aux couleurs changeantes mais tout aussi confidentes qu’à l’habitude. À n’en pas douter, notre homme est toujours en quête d’une musique en état de lévitation. À ses côtés, la chanteuse irlandaise Lauren Kinsella, la violoncelliste anglaise Hannah Marshall, les Italiens Francesco Diodati (guitare) et Matteo Bortone (contrebasse), sans oublier son cher compatriote Alexandre Herer aux claviers. On connaît ce dernier pour toute la tâche qu’il accomplit dans le cadre d’Onze Heures Onze, sur le label duquel le flottant Abhra voit le jour. Ce sextet, plus que jamais introspectif, s’est réuni autour de textes de Henry David Thoreau, philosophe et poète américain du XIXe siècle et qui constituait déjà la source d’inspiration de Silere. Il faut se souvenir que Thoreau plaçait la nature au centre de sa pensée et avait compris que « pour être et s’ancrer au monde, il suffit de respirer, goûter, toucher, regarder, écouter le silence, ressentir, contempler, observer ». Et c’est bien une telle approche qui constitue la véritable clé permettant d’ouvrir en grand la porte de cet univers musical sans équivalent. Il faut apprendre le lâcher prise. Si, de façon paradoxale, les textures sonores déployées dans Abhra, d’une grande délicatesse, sont une invitation au silence, elles sont peut-être le terrain le plus propice à l’envoûtement que suscite le chant diaphane de Lauren Kinsella, une grande découverte pour ce qui me concerne. Abhra est un disque de la lenteur, ce qui à notre époque est presque une provocation. Julien Pontvianne et ses musiciens nous invitent à stopper un temps notre course folle et à nous interroger sur le sens à donner à l’urgence qui nous ronge. Où allons-nous, quelle est la nature réelle de cette frénésie qui nous emporte et pourquoi sommes-nous si souvent incapables de supporter le silence ? Il y a plein de réponses à toutes ces questions dans Abhra : laissez-vous aller, fermez les yeux, écoutez, vous aller trouver.

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