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Lumière dans la chambre noire

tony paeleman, camera obscura, shed music, jazzParfois, il suffit de peu de choses pour se remettre à écrire... Comme la lecture d’une chronique paresseuse, malveillante, vulgaire et mal écrite de surcroît, qui peut vous inciter à sortir de votre silence. À l'occasion de la publication de Camera Obscura, son nouveau disque publié sur le label Shed Music, Tony Paeleman a été la victime expiatoire d'un petit gratte-papier bavant sa bile pour le compte d’un magazine confidentiel et nombriliste dont je tairai le nom, par délicatesse. J'ai trouvé la méthode tellement dégueulasse (pardonnez-moi ce terme qui est le seul valable dans ces circonstances) qu'il m'a semblé nécessaire d’évoquer ce bel album, non par le simple effet d'une réaction de défense, mais parce que pour l’avoir écouté à plusieurs reprises, le désir d'en souligner les qualités avait des allures d'évidence. Ayant programmé sa chronique pour un peu plus tard, il m’a paru bon de chambouler mon agenda.

Je connais Tony Paeleman depuis un petit bout de temps maintenant : j'ai découvert son talent quand il officiait au sein d'Offering (on ne sert pas la musique de Christian Vander sans être un musicien de talent, il me semble connaître suffisamment l’univers de la Zeuhl pour m’autoriser cette remarque) ; j'ai écrit la chronique de son précédent disque, Slow Motion, pour le compte de Citizen Jazz, et j’évoquais « les paysages enchanteurs, dont on s’imprègne petit à petit avec un plaisir complice » ; il m'est souvent arrivé de souligner la qualité de son travail, non seulement en tant que pianiste mais aussi d'agenceur de son, avec Anne Paceo ou Olivier Bogé, par exemple, pour ne citer qu'une poignée de ce qu’on pourra sans risque de se tromper considérer comme ses amis. Parce que chez lui, l’amitié compte beaucoup dans sa démarche artistique.

Camera Obscura est une nouvelle manifestation du travail d’enlumineur accompli par Tony Paeleman. Il est aussi une démonstration de sensibilité discrète : ici, pas de claviers « gros bras », pas de débauche virtuose ni autre exhibition narcissique. Les neuf compositions (dont une reprise de « Roxanne » du groupe Police et « Our Spanish Love Song » de Charlie Haden) avancent en toute sérénité des motifs aux couleurs changeantes, comme s’il s’agissait de prendre le temps d’explorer une chambre d’émotions aux confins d’influences diverses (jazz, pop songs, néo-impressionnisme, musique sérielle). Autour du pianiste, des amis, rien que des amis : Julien Pontvianne au saxophone, Nicolas Moreaux à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Et parce que la table est ouverte dans la maison Paeleman, on croise çà et là d’autres proches : Pierre Perchaud (guitare), Christophe Panzani (saxophone ténor, clarinette basse), Emile Parisien (saxophone soprano), Antonin Tri-Hoang (saxophone alto et clarinette) et Sonia Cat-Berro (chant). La musique s’écoule de façon très paisible, soumise à quelques subtiles variations de rythme ainsi qu’à de petites sorcelleries sonores dont le pianiste a le secret. Et c’est un sentiment de sérénité qui s’impose au fil des minutes, comme si Tony Paeleman avait ouvert sa porte dans un large sourire pour vous inviter à prendre place à ses côtés dans cette chambre bien plus lumineuse que son nom pourrait le laisser croire.

C'est simple finalement : aimez donc cette musique pleine de couleurs, toutes ces lumières qui scintillent dans la chambre obscure et oubliez le grincheux qui n'a même pas su être drôle en déversant son fiel. Un plaisir doublé par le sentiment d'être vraiment en bonne compagnie : celle d'un musicien dont la projection des images est celle d'un peintre de l'intime.

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