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Nancy Jazz Pulsations 2011 # 10

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Chapiteau de la Pépinière Acte II

Le public est un peu clairsemé pour l’entrée en scène des suédois de Tonbruket. Les deux premiers albums sur le label Act (Dan Berglund’s Tonbruket et Dig It To The End) de ce groupe formé par Dan Berglund, contrebassiste du défunt E.S.T. (défunt étant le mot juste puisque l’histoire du groupe a pris fin en 2008 après la disparition brutale de son leader Esbjörn Svensson), sont de vraies réussites. Par leur savant dosage d’influences catalysant jazz, échappées bruitistes et rock expérimental, les quatre musiciens ont su élaborer des compositions courtes et nerveuses, comme autant de scénarios urgents de petits films nés d’une imagination stimulée par leur atelier sonore. Ce premier concert français des quatre musiciens laissera toutefois un petit goût d’inachevé : la succession des pièces dont le déroulé glissait naturellement sur disque est ici plus raide, les transitions sont parfois un peu brutales et manquent encore de la spontanéité fruit de l’expérience de groupe. Le prix à payer pour une formation qui n’est qu’au début de son histoire. Car on est bien face à un quartet riche de mille idées qui s’expriment avec une force assez stupéfiante (une monumentale version de « Dig It To The End ») et dont la qualité première est de posséder un son d’ensemble très identifiable, dans lequel la pedal steel guitar de Johan Lindström joue les premiers rôles. Et c’est au moment où Tonbruket parvenait enfin à imposer sa force personnalité, après une heure bien trop courte, qu’il a dû céder la place, sans possibilité de rappel alors que le public le demandait, à la suite du programme de la soirée. Un manque de fair play à leur égard qu’on ne peut que souligner ici. Il faut leur donner une seconde chance car les agitateurs de Tonbruket le méritent bien.

Astatke Mulatu, me dites-vous ? Et vous aurez raison car le quasi septuagénaire vibraphoniste percussionniste éthiopien, venu avec sa formation haute en couleurs, aura marqué cette soirée de toute son empreinte. Huit musiciens au total dans une orchestration originale associant piano, trompette, saxophone, violoncelle, contrebasse, batterie et percussions. Quelque part entre le monde bariolé de Sun Ra, les envolées mystiques de Pharoah Sanders et les luxuriances orchestrales d’un big band latinisé par Dizzy Gillespie, Mulatu aura créé l’enchantement, volant probablement la vedette à celui qui était en haut de l’affiche d’un soir. Très cinématographique, sa musique laisse imaginer de vastes paysages soulevés par une rythmique implacable et foisonnante. Une musique vibrante, zébrée de rebondissements à en perdre le souffle. Avec une mention particulière, aussi, à Danny Keane dont le violoncelle survolté a su prendre sa place avec une énergie libératrice dans un ensemble où chaque musicien est poussé au meilleur de lui-même. Jouant pour l’essentiel le répertoire de Mulatu Steps Ahead, le vibraphoniste a offert là au public l’un des plus festifs moments de Nancy Jazz Pulsations 2011.

Peut-on quitter un concert de Billy Cobham en s’avouant déçu ? Oui si notre mémoire résonne encore des fulgurances spirituelles du Mahavishnu Orchestra dont le guitariste John McLaughlin était l’inspirateur et Cobham l’un des serviteurs les plus fervents. Une page majeure de l’histoire du jazz rock, dont une autre fut tournée par une seconde formation clé, Weather Report. Non si l’on a suivi le parcours du batteur depuis cette époque enfiévrée ! Car cette ère là est révolue, il ne reste, quarante ans plus tard, qu’un ersatz mahavishnien dont le disque Palindrome est un reflet fidèle. Billy Cobham propose un jazz fusion dont la coloration sur scène à grands renforts de claviers – mauvais substituts d’une section de cuivres – est aujourd’hui très datée et formatée, frôlant le kitsch des années 80. A l’actif de Cobham, on soulignera une technique monumentale, mise en avant par une disposition centrale et surélevée, une virtuosité démonstrative que personne ne pourra lui contester. Mais toute cette mise en scène ne suffit pas à masquer une certaine vacuité de la démarche artistique, à l’exception de la reprise surpuissante de « Stratus » que le batteur avait composé dans le sillage de Mahavishnu sur son premier album Spectrum. Même son long solo final finit par susciter un peu d’ennui. Un de mes voisins comparait Billy Cobham à une voiture de course. Il n’avait pas tout à fait tort, car, oui, cette musique va vite et très fort, mais elle ne semble pas en mesure d’aller très loin. On pourra toujours écouter, parce qu’il s’agit là d’une belle réussite, le Meeting Of The Spirits que Cobham a enregistré en 2007 avec le HR Big Band dirigé par Colin Towns. Mahavishnu, quand tu nous tiens…

Chapiteau de la Pépinière – Jeudi 13 octobre 2011

 En écoute : « The Way To Nice », extrait de Mulatu Steps Ahead par Mulatu Atstake. 

podcast

Texte préparatoire à un prochain compte-rendu complet pour Citizen Jazz.


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