Répliques
Il y a dans cette photographie une vraie inclination nostalgique… Je regardais ce matin chez moi les deux premiers albums du groupe Triangle, dont la réédition au format vinyl replica est une incontestable réussite esthétique. Même si leur restitution sonore est bien celle d’un CD (dont l’étiquette est elle-même la réplique de celle des 33 tours originaux), la présentation de ces objets – voilà une dimension du disque, valable également pour le livre, qu’il ne faudrait pas oublier : celle de l’objet qu’on veut tenir entre les mains, pour le toucher, le humer, bref le respirer ! Ne jamais passer à côté du caractère sensuel d’une production soignée et durable – passe par la miniaturisation très soignée des albums tels qu’ils furent publiés initialement : le support est cartonné comme aux bons vieux jours, le disque est glissé dans un pochette en papier, il arbore lui-même la couleur noire du LP et tout ce qui se trouve reproduit correspond fidèlement, mot pour mot, à ce qu’on pouvait lire au début des années 70. Malgré le recours à nos lunettes de quinquagénaires, bien des textes en sont devenus illisibles tant les caractères imprimés sont microscopiques ! Au point qu’il a fallu glisser dans le cartonnage un livret supplémentaire dont la lecture est moins périlleuse pour nos yeux fatigués. Aucune importance, puisqu’on est sous le charme…
Inutile de finasser : je doute que nos enfants numériques soient très sensibles à ce retour vers un passé musical à forte concentration pétrolifère peu soucieuse de développement durable… Mais comment ne pas ressentir une vraie émotion en retrouvant ces compagnons d’adolescence ? Il suffit de prendre les disques en main pour se laisser envahir par un cortège de souvenirs émouvants : les longues heures passées auprès d’un électrophone arborant fièrement son bras articulé, notre tête collée contre le haut-parleur recouvert d’une feutrine rouge, le bruit de la pointe de saphir ou de diamant venant se poser sur la galette noire en produisant un ploc, juste avant les irremplaçables prolégomènes grésillants qui annoncent l’imminence des premières notes…
Étrangement, je parcourais tout récemment les bacs d’un disquaire lorrain et, à ma grande surprise, je me suis retrouvé nez à disques avec un mur… de LP, tout beaux, tout neufs. Attention, je n’évoque pas ici des vieilleries recyclées comme celles qui font l’objet premier de cette note, mais de nouveaux enregistrements ! Oui, il s’agissait bien de nouveaux albums… Beaucoup plus séduisants, avouons-le, que leurs voisins tristement nichés dans un boîtier cristal sans âme. Il faut bien le dire : on ne voyait qu’eux ! Enfin, j’exagère : disons plutôt que je n’ai vu qu’eux… Mais je ne suis pas la seule victime de ce phénomène... Prenez par exemple un type comme le grand Neil Young : s’il publie un nouveau CD, il en proposera aussi une version vinyle, dont il vantera tous les avantages, ce dont personne ne cherchera à le blâmer, parce qu’un véritable consensus s’est dégagé depuis belle lurette sur la qualité du son des 33 tours, dont la reproduction analogique ne sera, semble-t-il, jamais égalée par l’échantillonnage et l’écrêtage de leurs homologues numériques.
Autre cas de figure qui interroge la connexion entre passé et présent : Charlélie Couture publie un nouveau disque, Fort Rêveur, dont le conditionnement s’apparente à celui d’un LP à l’ancienne. Avec, comme nous le rappelle son argument publicitaire : les textes des chansons, un poster, …
Il y a des jours, comme ça, où je me sens moins seul au beau milieu de mes souvenirs…