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  • Le Deal : Jazz Traficantes

    jazz traficantes, florian pellissier, yoann loustalot, théo girardAutant vous le dire sans détour, ce disque est hautement addictif. Il a débarqué chez moi il y a quelque temps, sans prévenir, comme s’il s’agissait pour lui de mieux asséner la force vitale d’un jazz aux couleurs néo hard bop (pardonnez-moi ce vilain qualificatif). Au départ, je ne lui ai accordé qu’une attention distraite, notant dans un coin de ma mémoire le nom du groupe, Le Deal, et le titre de l’album, Jazz Traficantes. Rien de plus. Et voilà que quelque temps plus tard, scrutant la pile de mes CD en attente d’une première écoute et dont la hauteur commence à mettre l'équilibre en péril, je décide de me débarrasser de son blister thermocollé (ah quelle cochonnerie ce truc…) pour ouvrir le digipack. Je découvre un bel objet, comme une réduction de 33 tours, et lit deux noms qui m’interpellent : Yoann Loustalot y joue du bugle et Théo Girard de la contrebasse. Ces deux-là sont à eux-seuls une promesse. Le premier nous réjouit dans de multiples aventures (Aérophone, Old and New Songs…). Le second, vous le connaissez déjà, puisque j’ai évoqué ici-même sa Bulle dont la composition « Champagne » est le générique de mon Heure du Jazz sur Radio Déclic. Je connaissais par ailleurs de nom le pianiste Florian Pellissier dont je n’avais pas encore vraiment écouté la musique, en particulier celle de son quintet. Une erreur vite réparée car cette formation brillante s’est produite tout récemment dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations. Quant au batteur Malick Koly, je comprends qu’il a côtoyé le regretté Wallace Roney. Tout cela sent donc plutôt bon…

    Il me semble important de résumer l’histoire de ce disque qui est intéressante à plus d’un titre. À la faveur d’un séjour à New York, les quatre musiciens ont décidé de réserver une session au mythique studio Van Gelder, providentiellement disponible, là-même où de grandes pages de l’histoire du jazz ont été écrites pour des labels tels que Blue Note, Verve ou Impulse. Ce lieu incomparable fut en particulier le refuge d’un certain John Coltrane qui aura pu y graver une flopée d’enregistrements mythiques, au premier rang desquels A Love Supreme… Mieux, le quartet a pu bénéficier du concours de l’assistante de feu Rudy Van Gelder, qui s’est ingéniée à leur mitonner un environnement aux petits oignons, dans le plus grand respect de la configuration originale. L’histoire veut que le studio et ses boiseries dégageaient encore l’odeur du New York des années 60. Légende, quand tu nous tiens…

    Le résultat est ébouriffant. C’est un condensé de vie, capté en quelques heures seulement et d’une incroyable densité. Cinq compositions dont une longue suite en trois parties, des mélodies qui vous trottent en tête pour ne plus vous quitter. Une pulsation qui jamais ne se relâche. Une évasion dans l’instant. La spontanéité du jeu. L’écoute de l’autre, les interactions. Une musique qui (en)chante. Tout y est. On est frappé par la cohésion d’un quartet en état de grâce, on ressent au plus près la vibration et le bonheur de vivre en toute conscience des moments dont chaque musicien profite au maximum, sachant que l’histoire – toujours elle, cette sacrée et belle histoire du jazz – ne repassera pas les plats. Je pourrais évoquer ici des références sous-jacentes, le terreau en quelque sorte (Lee Morgan, Wayne Shorter, Herbie Hancock…), mais je préfère saluer la performance d’un ensemble qui s’empare d’un répertoire original écrit la veille seulement de l’enregistrement. Il y avait à l’évidence une l’urgence dans l’air. On devine que les musiciens sont entrés dans le studio gonflés à bloc, prêts à libérer leurs énergies. Je n’ai même pas besoin de rappeler les qualités de chacun des protagonistes dont le jeu – parfaitement capté, le disque est un vrai bonheur à ce niveau-là également – est comme éclairé par la magie de l’instant. Peut-être me trouverez-vous un poil emphatique ? Vous auriez tort car ma modeste expérience d’un parcours de découverte musicale dont la durée excède désormais le demi-siècle m’a appris à identifier les signes avant-coureurs du grand disque. Ils sont bien là : quand tout le reste, subitement, ne compte plus ; quand le disque semble trop court ; quand on regrette de ne pas savoir assez bien chanter pour entonner les thèmes qui surgissent ; quand on veut y revenir, encore et encore, même si un tel acharnement semble injuste vis-à-vis des disques en souffrance ; quand les poils se dressent sur les bras. Los Traficantes est un disque frisson. Nous avons tous tellement besoin de cette élévation un peu magique, en ces temps de nivellement par le bas de l’économie mercantile, d’infantilisation et de restriction flagrante de nos libertés…

    J’évoquais tout récemment cet album inspiré avec Florian Pellissier. Ce valeureux musicien, homme plein d’humour par ailleurs, m’a fait part d’une réelle émotion en me tenant des propos que je m’autorise à reproduire ici tant ils disent beaucoup en quelques mots : « C’est comme si c’était mon premier disque de jazz, ma première vraie session, dans les codes historiques ».

    Rien à ajouter. Si, tout de même : achetez ce disque, en CD ou vinyle. Il trouvera chez vous une place de choix.

    Musiciens : Florian Pellissier (piano, Fender Rhodes) ; Yoann Loustalot (bugle) ; Théo Girard (contrebasse) ; Malick Koly (batterie).

    Titres : Jazz Traficantes / Riot in Chinatown / Custom Agents / Mexican Junkanoo / Noche en la Carcel

    Label : Favorite

  • Les belles bulles de Théo Girard

    theo_girard_bulle.jpgIl n’est pas si courant qu’un disque suscite chez vous, d’emblée, de la jubilation. En d’autres mots une joie intense. Dans ces conditions, il faut se réjouir de la parution d’une Bulle enivrante (et pas seulement parce qu’elle pourrait pétiller dans une coupe de champagne) par le quartet du contrebassiste Théo Girard, qui en signe les huit compositions, souvent de format court. Un disque paru sur son propre label Discobole et qui survole de toute sa grâce et son énergie cette rentrée musicale. Bulle est une suite de chansons qui n’auraient pas de paroles, aux mélodies entêtantes qui arboreraient parfois les habits d’un hymne. Et si on se doit à cet égard d’avoir naturellement une pensée pour le travail du grand Charlie Haden, que Théo Girard a beaucoup écouté, c’est un autre contrebassiste qui vient à l’esprit : Henri Texier. On retrouve dans les deux univers le même appétit pour le « chant », la même connivence fiévreuse entre des musiciens qui, aux côtés du leader, forment un groupe compact dont la force de conviction impose le respect. Jusqu’à certains titres eux-mêmes qui pourraient venir en droite ligne d’un album du dit Henri Texier, comme « Fire Alert » en écho à « Water Alert ». Les joutes entre le saxophone alto du jeune Basile Naudet et la trompette d’Antoine Berjeaut sont vives, passionnées, volubiles. Elles contribuent pour beaucoup au sentiment de tournis que provoquent ces 39 minutes de musique sous haute tension. Le drumming de l’Anglais Seb Rochford est alerte et incisif, sa complicité avec le patron fait merveille (« Rototown »). Quant à la contrebasse de Théo Girard, elle est un régal de rondeur et de puissance, d’une force tranquille qui rassure en ce qu’il ne se verra jamais reprocher de « coincer la bulle ». Tout ici est tournoyant, comme un manège (« Roller Coaster », un bel exemple de cousinage avec l’écriture d’Henri Texier), comme un disque qui tourne (« Microsillon »), l'ensemble est mû par un groove persistant (« Endless Groove »). Dédié au regretté Éric Groleau, compagnon de route de Théo Girard avec G!rafe et parti bien trop tôt, Bulle est par ailleurs l’occasion de savourer des ballades aux intonations nostalgiques, comme ces « Grandes dames » dédiées aux deux grands-mères du contrebassiste. Avec une telle addition de forces dans l'unité, Théo Girard donne une suite passionnante à 30YearsFrom publié voici trois ans en trio. On brûle d’impatience à l’idée de découvrir ce répertoire sur scène : il sera explosif, c’est une certitude.

    Musiciens : Théo Girard (contrebasse, compositions), Antoine Berjeaut (trompette et bugle), Basile Naudet (saxophone alto), Seb Rochford (batterie).

    Titres : Champagne !! / Des souvenirs de vous / Rototown / Fire Alert / Grandes dames / Roller Coaster / Endless Groove / Microsillon

    Label : Discobole