Réincarnation
Je le sais, désormais : l’humain que je suis était une couette dans une vie antérieure. Mais attention, pas n’importe quel type de couette ! Un modèle avec une face hiver, qui vous tient bien chaud, et une face été, qui vous épargne les sudations nocturnes au plus fort des canicules dévastatrices. J’ai eu cette révélation en classant quelques photos récentes sur mon petit ordinateur blanc orné d’une pomme croquée. Lorsque j’observe les quelques portraits de moi que, par mégarde, je n’ai pas réussi à esquiver, je m’aperçois que j’ai moi aussi mon côté hiver et mon côté été. Le premier est celui des valises sous les yeux, du teint gris, des cheveux ternes qui grisonnent et d’une mine maladive : je ressemble comme un jumeau à celui que j’étais après chacun de mes séjours en milieu hospitalier. Voilà un faciès que je construis méthodiquement à compter du mois d’octobre avec, pour le parfaire, presque dix mois devant mois. Le second, mon côté été donc, est celui qu’il faut savoir capter parce que rare dans le temps ; c’est celui d’un changement radical qui s’opère dès lors que vient la période de la trêve estivale : mine réjouie, hâle flatteur, cheveux fous et œil vif. Une vraie couette, vous dis-je…