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gallimard

  • Policier

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    Voilà une réédition particulièrement réussie ! Dans leur collection Quarto, les éditions Gallimard publient un réjouissant volume regroupant les cinq romans écrits par Dashiell Hammett : Moisson rouge, Sang maudit, Le Faucon maltais, La Clé de verre, L'Introuvable. Une très belle occasion de se (re)plonger dans l'univers d'un écrivain qui a su faire franchir un cap essentiel au roman policier : celui de l'entrée en littérature et de l'avénement du « roman noir ».

    Ecrits entre les années 1929 et 1934 (date à partir de laquelle cessera son activité d'écrivain), ces livres marquaient en effet une rupture avec un genre aux règles assez mécaniques plutôt dominé par une certaine école anglaise, celle des John Dickson Carr, Edgar Wallace ou encore Agatha Christie, « qui n'est vraiment à l'aise que parmi les manoirs anglais, avec leurs compagnies de maîtres d'hôtels, leurs mœurs de province, leurs histoires de gros sous », comme le souligne Jacques Cabau en introduction de cette somme de plus de mille pages.

    Ancien détective privé de la célèbre agence Pinkerton, Hammett savait très bien de quoi il retournait en matière de crime et allait immerger ses récits dans des univers beaucoup plus sombres, très ancrés dans une réalité ou règnent violence, corruption et immoralité. Raymond Chandler rappelle ainsi que « Hammett a délogé le meutre des palais vénitiens pour le balancer dans la rue ; non pas que le crime doive y traîner indéfiniment mais il était bienvenu de se défaire le plus possible des chichis bourgeois d'Emily Post ». Tout est dit en une phrase !

    Dashiell Hammett se considérait à l'époque comme l'une des rares personnes qui prenaient le roman policier au sérieux : on ne pourra que se réjouir de cette publication qui bénéficie d'une nouvelle traduction, la précédente étant trop marquée par le recours à un argot démodé qui privait probablement le lecteur d'une approche plus intemporelle que méritent largement ces romans.

    Une manière aussi, de souligner le rôle essentiel des traducteurs, rarement mis en avant et qui, pourtant, contribuent pleinement à l'épanouissement des textes au-delà de leurs frontières originelles. Pierre Bondil et Natalie Beunat auraient mérité de voir leurs noms en première de couverture, juste au-dessous de celui de l'écrivain américain. Cerise sur le gâteau, le prix est plus que raisonnable (27 €) et pourrait vous inciter à un achat qu'à coup sûr, vous ne regretterez pas.

  • Transformation

    essais.gifDisons-le haut et fort, ces Essais transformés par le travail de titan d'un éminent linguiste sont une lecture hautement recommandable - et particulièrement enrichissante. La traduction en français moderne de l'œuvre de Montaigne par le philologue André Lanly est en effet un bonheur de lecture presque inépuisable. Sans jamais trahir le texte originel - le plus souvent, ce sont des mots ou des expressions qui sont ici remplacés par leur équivalent contemporain avec une volonté d'explication jamais ennuyeuse -  cet universitaire qui exerça durant vingt ans à Nancy a réussi une adaptation qui nous rend parfaitement lisible cette somme d'un abord moins direct dans son texte originel et qui nous est proposée dans une version intégrale. On se surprend à empoigner ce gros pavé (1300 pages disponibles depuis peu dans la collection Quarto de Gallimard) pendant quelques minutes, on lit un texte, quatre ou cinq pages, et on revient, un peu plus tard. Un tel chef d'œuvre, proposé à moins de 30 €, voilà un placement sans risque à très haute valeur ajoutée, excellent remède anti crise.

    « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c'est moi, c'est mon essence. J'estime qu'il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S'il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l'entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c'est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu'on ne vaut, c'est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n'est jamais matière d'erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n'est pas toujours de la présomption, c'est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l'on est et s'y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c'est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d'appliquer sa pensée à soi. L'orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu'une bien légère part. » Les Essais, Livre II, chapitre VI