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  • John Coltrane : « European Tour 1961, featuring Eric Dolphy »

    john coltrane, european tour 1961, jazzQue peut-on donc écrire qui ne l’ait déjà été au sujet de John Coltrane, dont on a célébré cet été le cinquantenaire de la disparition ? Pas grand-chose, me semble-t-il… L’exercice paraît vain aujourd’hui et peu nombreux sont celles ou ceux qui ne le considèrent pas comme un musicien majeur de l’histoire du jazz. Voire un musicien majeur du XXe siècle, tout simplement. Sa trajectoire stratosphérique – chez lui, tout ou presque s’est joué en à peine plus de dix ans ; le lyrisme exacerbé de son phrasé et la puissance sans équivalent de son jeu ; les mille histoires que racontait chacun de ses chorus ; son ascension inexorable dans une quête mystique ; sa recherche d’un langage universel en forme de cri ; le bouleversement qu’il avait su provoquer chez ses pairs au point parfois de susciter chez eux une remise en question ; la magnificence du quartet qu’il avait formé de 1961 à 1966 (avec McCoy Tyner au piano, Elvin Jones à la batterie et Jimmy Garrison à la contrebasse) ; l’incroyable accumulation d’enregistrements en un temps très court et particulièrement durant la période allant de A Love Supreme (décembre 1964) à Meditations (novembre 1965) ; le déchirement des derniers mois jusqu’à un ultime enregistrement studio, Expression, où le saxophoniste semblait avoir trouvé une sorte de paix intérieure. Voici donc, résumés, quelques repères pour expliquer le phénomène.

    Chez moi, les disques de John Coltrane s’alignent en une collection qui donne le vertige. Ils sont la colonne vertébrale de toute une discothèque qui n’aurait aucun sens en leur absence. Souvent, on parle de l’île déserte et de ce qu’on aimerait y emporter. À condition toutefois qu’on y dispose d’un peu d’électricité, ils seraient du voyage, forcément.

    Aussi lorsque paraît chez Le Chant du Monde un coffret de sept CD intitulé European Tour 1961, featuring Eric Dolphy, l’hésitation n’est pas de mise. L’objet va s’ajouter au petit bataillon toujours prêt pour le service, c’est évident. On a beau savoir qu’une partie de son contenu existait déjà sous la forme de bootlegs, on a beau se douter que la reproduction sonore sera parfois d’une qualité moyenne bien qu’ayant été l’objet d’un soin méticuleux, rien ne saura s’opposer à l’acquisition. D’autant que le prix, une vingtaine d’euros, est incitatif.

    On retrouve tout au long de ces sept disques (agrémentés d’un livret d’une quarantaine de pages) des concerts enregistrés à Paris, Copenhague, Helsinki, Stockholm, Stuttgart et Berlin, complétés, en guise de bonus, par un extrait d’un concert à Düsseldorf en mars 1960 avec le quintet de Miles Davis. Nous sommes peu de temps après les concerts du Village Vanguard, enregistrés au début du mois de novembre 1961. Dans cette tournée européenne, John Coltrane est entouré de McCoy Tyner, Elvin Jones, Reggie Workman (contrebasse) et bien sûr Eric Dolphy (clarinette basse, saxophone alto, flûte), véritable co-héros de cette saga. Le répertoire s’articule autour d’une série de sept compositions, dont certaines dans des versions multiples comme les neuf de « My Favorite Things » par exemple, mais toujours singulières parce que Coltrane ne se répétait jamais et aussi parce que l’interaction avec ses musiciens se situait hors de tout sentier balisé : « Impressions », « I Want To Talk About You », « Blue Train », « My Favorite Things », « Delilah », « Every Time We Say Goodbye », « Naima ».

    Inutile donc de se répandre en superlatifs… Tout juste pourra-t-on noter que ce qui frappe, au-delà du génie de Coltrane et de ses comparses, c’est l’incroyable modernité de leur approche musicale, cinquante-six ans plus tard. Chaque concert apparaît comme un nouveau départ, un autre livre à écrire, rien ne pouvant être comme avant ni laisser deviner ce que serait demain. Totalement EN leur musique, d’un engagement sans faille, ils étaient des aventuriers. Pourtant, à cette époque, on n’était pas si loin du public de l’Olympia dont une partie avait hué le saxophoniste en mars 1960, lorsqu’il se produisait avec Miles Davis (écoutez les réactions pendant son solo sur « All Of Me »). Trop fort, trop loin, trop haut… À peine plus de dix-huit mois plus tard, il n’est plus question de sifflets et de cris de stupéfaction émis par des spectateurs chahutés par une telle quête : parce que Coltrane écrivait déjà sa propre légende et que beaucoup commençaient à le comprendre. Surtout que d’autres bouleversements étaient en gestation, qui allaient en surprendre plus d’un…

    C'est tout cela que nous dit European Tour 1961. Une histoire extraordinaire, contée entre le 18 novembre et le 2 décembre.

    Un coffret du même type, toujours chez Le Chant du Monde, proposera un retour sur l’année 1962, en dix CD cette fois. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je l’attends d’un jour à l’autre…