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disques de lily

  • J’t’aime bien Lily

    pierre durand, nola improvisations, disques de lily, citizen jazzC’est vrai ça, j’t’aime bien Lily. J’aime bien ta petite entreprise et les deux albums - pas un de plus, pas un de moins - de ton magasin. Déjà, tu avais accompli il y a quelque temps une vraie performance en convainquant le tromboniste Sébastien Llado d’enregistrer un album, ce qui n’était pas une mince affaire parce qu’à ce qu’on m’avait dit, les disques, c’est pas trop son truc. Bilan de l’opération : Avec deux ailes, un enregistrement live au Sunside en novembre 2009, très réjouissant et, si je ne m’abuse, un accueil très chaleureux bien mérité. Et voilà que tu remets le couvert – tu me pardonneras cette expression, mais je suis d’humeur gourmande dès qu’on me propose de belles musiques comme tu as la gentillesse de le faire avec moi – avec cette fois une aventure en solitaire, née de l’imagination d’un guitariste qui a voulu rendre à la Louisiane ce qui appartient à la Nouvelle Orléans.

    Deuxième référence des Disques de Lily, l’album du guitariste Pierre Durand porte le beau nom, un peu sérieux, de Chapter One : The NOLA Improvisations. NOLA ? Comprenez, New Orleans, Louisiana. Mais attention, n’allez pas imaginer vous trouver en présence d’une musique de type « Jazz New Orleans » ! Pas de fanfare, pas de washboard, rien de tout cela : une guitare et rien d’autre. Ah si quand même, il y a des voix aussi le temps d’un « Au bord » en forme de chorale un peu triste avec Nicholas Payton, Cornell Williams et John Boute. Sans oublier en guise d’épilogue une étonnante reprise chantée, comme à mains nues, dans un dépouillement qui lui va bien, du « Jesus Just Left Chicago » des barbus de ZZ Top. Mais pour le reste, de la guitare et rien d’autre, parfois solitaire, souvent démultipliée à coups d’effets et de boucles superposées. Une composition comme « Emigré » (un peu plus loin, une vidéo vous donnera un aperçu du travail réalisé par Pierre Durand) donne parfaitement le ton de ce disque et illustre sa richesse. On y entend l’Afrique – normal, c’est le berceau de toute cette histoire – avant que les percussions et les accords ne finissent par s’empiler et se mêler, signifiant peut-être toute la complexité d’une civilisation nourrie de mélanges et de luttes pour la survie d’un peuple jamais loin de la misère. A d’autres moments, la musique se durcit, elle devient plus électrique, elle se charge en blues, comme pour ce « Who the Damn’ Is John Scofield ? » en hommage à un autre guitariste, un grand monsieur du jazz.

    Pierre Durand a plein d’histoires à nous raconter, c’est évident. Il nous relate les brassages, ce qu’en d’autres temps on a pu appeler le melting pot, en balançant constamment entre la recherche d’une délicatesse qui serait celle d’un enfant ouvrant les yeux sur le monde et la dureté de celui-ci quand il faut l’affronter pour de bon. Parfois sa guitare est caresse à nos oreilles, parfois elle se veut plus abrasive.

    J’ai beau savoir que Pierre Durand a enregistré son disque en studio, avec certainement tout le confort nécessaire à sa réalisation, rien ne pourra m’empêcher de l’imaginer dehors, dans la rue. Assis au bord du trottoir ou à la terrasse d’un café, jouant devant un public qui s’est arrêté un instant pour l’écouter. Je sais aussi que Pierre Durand est un guitariste français, diplômé et récompensé pour son talent qui est grand ; je me doute bien qu’il a pris un avion pour se rendre à la Nouvelle Orléans... N’empêche... Son « premier chapitre » a ce je ne sais quoi d’authentique chevillé aux cordes de la guitare, ça sent le truc vrai, sans esbroufe, sincère, sorti du cœur et des tripes, un peu comme s'il était natif de là-bas... Chapter One : NOLA Improvisations est bel et bien une déclaration d’amour, un chant profondément humain qui vous dresse les poils des bras, c’est un petit éclair qui vient zébrer votre quotidien. Une musique chair de poule. Pour cette seule raison, je lui décerne le grade de disque indispensable. Et si j’ajoute que Pierre Durand semble avoir pris un malin plaisir à rendre sa musique impossible à dater, c’est uniquement pour vous convaincre d’aller à sa rencontre, aussi vite que possible. Parce qu’il n’y a aucun risque de la voir se démoder. Ce sera donc pour vous un investissement durable.

    Tu vois, j’te l’vais dit, j’t’aime bien Lily...

    Post Scriptum : pendant un moment, j’avais pensé écrire une chronique de ce disque pour mon cher Citizen Jazz. Mais, ô chance pour toi, le camarade Arnaud a dégainé plus vite et s’est fendu d’un bel exercice d’admiration, choisissant même – et on le comprend -  de faire de ce disque un ELU. C’est chouette, ça, Lily, tu auras eu deux compliments pour le prix d’un seul ! Et je suis certain que ce n'est pas fini...