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ayler records

  • Heureuse sélection

    Ayler_Records.jpgMême s’il m’est arrivé par le passé de m’adonner à l’exercice consistant à élaborer le Top 10 (ou plus) de mes disques de l’année, j’ai fini par prendre depuis un bon bout de temps mes distances vis-à-vis d’un palmarès trop souvent injuste à l’égard de ceux qui n’y figuraient pas et qui pour pas mal d’entre eux auraient mérité une distinction. Classement, évaluation, notation... Non, je n’en veux plus, tout cela me rappelle un peu trop le monde de la performance dans lequel nous vivons, loin de toute idée de solidarité. Mais j’aime la contradiction et j’assume le fait d’avoir en tête quelques galettes dont je me souviens plus que d’autres, après ces innombrables heures d’écoute depuis le mois de janvier. Chassez le naturel...

    Il faut dire aussi qu’à mon modeste niveau, ce travail – qui a débouché sur des chroniques (pas assez nombreuses, je le sais) destinées au magazine Citizen Jazz, à quelques textes (trop rares à mon goût) figurant du côté de mes Musiques Buissonnières ou sur le livret de différents CD (quatre cette année) ; sans oublier une exposition programmée à l'automne 2019 – a des airs de macération sans fin. Il est presque impossible de se libérer l’esprit de toutes ces musiques entendues et écoutées, au point que d’autres sources finissent par devenir inaccessibles (ah, le manque de temps pour la lecture...).

    Alors, en fermant les yeux durant de longues minutes, dans le silence d’une fin de nuit, j’ai voulu explorer mentalement les quelque 240 références (CD, LP pour l’essentiel) qui sont venues s’ajouter à ma discothèque en 2018. Le questionnement était à la fois simple et multiple : sachant que j'étais incapable de me rappeler tous ces disques, lesquels resurgissaient spontanément parmi cette masse d’albums ? Quels sont ceux vers lesquels j’avais l’impression (fausse parfois) d’être revenu le plus souvent ? Avec lesquels avais-je ressenti le plus de résonance ? Connu un plaisir simple, celui de la mélodie qui enchante et se chante ou celui, plus brutal, du coup de poing qui coupe le souffle, de la zébrure qui vous griffe ? Quels disques avaient su attiser ma curiosité en offrant un moment réellement nouveau ? Quand avais-je connu ce privilège de me sentir perdu par une œuvre au bout de laquelle je finissais par me retrouver ? Questions multiples pour des sensations diverses, entre confort et incertitude. À l’image de la vie, sans doute.

    Une année, c’est court et long à la fois, chacun d’entre nous passe par différents états, une même musique pouvant susciter une vibration variable en fonction du jour ou de l’heure, voire de la saison. Il est des disques d’été, d’autres de printemps ; des disques du matin et des disques du soir. Tout cela est le résultat d’un processus complexe, dont le cap est difficile à maintenir compte tenu d’une variété d’esthétiques – de la plus consensuelle à la plus radicale – au cœur de laquelle il fait bon s’immerger.

    Il ne s’agissait en aucun cas pour moi d’exclure tous les autres – tant s’en faut – mais de réfléchir le moins possible et privilégier ainsi à travers cet effort mental la plus grande spontanéité. C'est en cela que ma sélection n'a finalement rien à voir avec un classement. Pour le reste, on verrait bien le résultat...

    Mais je vous parle de moi et cela n’intéresse personne, après tout. Alors voici une drôle de liste – partielle parce qu’il n’est matériellement possible de prêter l’oreille qu’à un modeste échantillon de ce qui a vu le jour en 2018 ; partiale puisque passée au tamis d'une perception subjective parfois connectée à des événements externes dont certains disques peuvent être les échos ; injuste parce que fruit d’une sélection qui serait peut-être différente à quelques heures près – soit vingt disques présentés ici par ordre alphabétique du nom des musiciens ou des formations.

    Les heureux « surgissants » sont donc :

    Azeotropes
    Sophie Bernado, Hugues Mayot, Raphaëlle Rinaudo: « Ikui Doki »
    Samuel Blaser : « Early In The Mornin' »
    Emmanuel Borghi: « Secret Beauty »                
    Hugh Coltman : « Who’s Happy ? »
    Peter Corser, Johan Dalgaard, Hasse Poulsen : « Sigh Fire »
    David Crosby : « Here If You Listen »
    Alban Darche & L’Orphicube : « The Atomic Flonfons »
    Riccardo Del Fra : « Moving People »
    Thomas Delor : « The Swaggerer »
    Daniel Erdmann & Christophe Marguet : « Three Roads Home »
    Stéphane Kerecki : « French Touch »
    King Crimson : « Meltdown »
    Thierry Maillard Big Band : « Pursuit Of Happiness »
    Christophe Monniot & Le Grand Orchestre du Tricot : « Jerico Sinfonia »
    Émile Parisien Quartet : « Double Screening »
    Vincent Peirani Living Being II : « Night Walker »
    Possible(s) Quartet : « Songs From Bowie »
    Sofie Sörman : « Vindarna »
    Samy Thiébault : « Caribbean Stories »

    Deux personnalités émergent à la lecture de ce micro Panthéon. Il y a d’abord Émile Parisien, présent ici à plusieurs reprises puisqu’on le trouve en action sur le nouveau disque de son quartet, Double Screening mais aussi au meilleur de sa forme aux côtés de Stéphane Kerecki (French Touch) et de Vincent Peirani (Night Walker). Ce triptyque aurait pu devenir une sorte de tétralogie enchantée grâce à son autre disque paru cette année, Sfumato Live In Marciac. Émile Parisien semble parfois sur tous les fronts et le saxophoniste a, en outre, ce talent rare d’avoir su trouver une identité sonore. Avec lui, le jazz est organique, vibrant et source d’étonnement. Sa musique est de celles qui ne me quittent jamais.

    L’autre « héros » de mon année 2018 est sans conteste Stéphane Berland, dont le label Ayler Records a déployé plus que jamais de magnifiques couleurs. On le retrouve ici à deux reprises, avec la Jerico Sinfonia de Christophe Monniot et Ikui Doki, du trio Bernado - Mayot - Rinaudo. Ces deux albums ne sont qu’une part du travail fourni par celui qui va en arrêter bientôt la production (mais pas la diffusion, fort heureusement) et je me dois de citer quatre autres disques publiés cette année sous cette belle bannière, et dont les effets sont durables autant qu'enrichissants : Zèbres, par le duo de cordes formé de David Chevallier et Valentin Ceccaldi ; Vernacular Avant Garde par le Peter Bruun’s All Too Human ; Chez Hélène, conversation renversante entre le guitariste Marc Ducret et la contrebassiste Joëlle Léandre ; Sub Rosa, enfin, par le trio très free de la pianiste Cécile Cappozzo. Il faut oser ce jazz-là, et Stéphane Berland l'ose. Ce qui ne nous interdit nullement d'avoir, lui et moi, une conversation nourrie au sujet des disques de... Jean-Michel Jarre ! Cet éclectisme qui le caractérise aussi est sa richesse. Bravo et merci à lui.

    2019 approche à grands pas. Comment ne pas souhaiter qu’en musique au moins, la nouvelle année soit aussi riche que celle qui va prendre fin ? Pour le reste, on n’ose plus vraiment imaginer ce que sera demain. Soyons vigilants sur le respect de nos droits civiques, soyons curieux et solidaires, ce sera déjà beaucoup !

  • Tout d’un coup, Ikui Doki…

    ikui doki,ayler records,stephane berland,jazz,sophie bernado,hugues mayot,raphaelle rinaudoIl est comme ça des disques qu’on ne choisit pas. Il serait d’ailleurs plus juste de dire que ce sont eux qui vous choisissent. Voilà qui peut sembler bizarre comme façon de décrire un phénomène que je vous souhaite de connaître (ou d’avoir connu) un jour ou l’autre, tant il est source de plaisir, mais c’est exactement ce que je viens de vivre avec Ikui Doki. Alors qu’une montagne de disques attend ma plume, en voici un qui la chamboule, s’installe tout en haut et réclame son dû. Je me suis laissé faire…

    Lorsqu’on y réfléchit, tout cela s’explique assez aisément, car Ikui Doki signifie « tout d’un coup », en japonais. Et c’est bien vrai qu’on reçoit cette musique « en une seule fois », sans ressentir le besoin de l’analyser dans ses détails (plus tard, peut-être, et encore…). C’est un tout qui vient vers vous et vous accorde le privilège de s’insinuer avec beaucoup de subtilité au plus près de vos émotions. Et je ne saurais, une fois encore, remercier assez Stéphane Berland dont le label Ayler Records (qui va malheureusement cesser sa diffusion) de m’avoir permis d’être à ce point ému et bouleversé par le travail d’un trio vraiment pas comme les autres. Alors ruez-vous sur la page de présentation du disque, écoutez-en les extraits disponibles, n’hésitez surtout pas à le glisser dans votre panier et au besoin, souvenez-vous de mes autres (et non exhaustives) recommandations en fin d’article.

    Un trio donc, dans une formule instrumentale qui me semble inédite – mais je ne suis pas omniscient, n’hésitez pas à me démentir – puisqu’il se compose de Sophie Bernado au basson et au chant, Hugues Mayot au saxophone et à la clarinette et Rafaelle Rinaudo à la harpe. Je signale en passant que la première est par ailleurs membre du très bel ensemble Art Sonic emmené par Sylvain Rifflet et Joce Mienniel (écoutez la magie de Cinque Terre ou de Le petit bal perdu) et que le second, qui vient de contribuer pleinement aux quatre années de l’ONJ Olivier Benoit, s’est fendu il y a peu d’un excellent What If, paru chez ONJ Records. Je découvre en revanche la harpiste, dont on sait la passion pour un instrument qu’elle sait parfaitement décloisonner et, pour ce qui concerne Ikui Doki, transformer.

    Difficile de décrire la musique d’Ikui Doki qui n’appartient qu’à elle-même. L’expression consacrée serait : sui generis. Le trio avance en douceur, comme sur la pointe des pieds, à l’instar de « Pemayangtse » qui ouvre l’album comme s’il sortait de l’ombre. Si l’on voulait filer la métaphore picturale, on pourrait dire que là où certains peintres dessinent des soleils couchants ou des paysages marins aux ciels tourmentés, il serait plutôt question ici d’une lune rousse apparaissant dans un voile nuageux. On me pardonnera cette image qui m’est apparue spontanément à l’écoute de la musique du trio. Présente et discrète en même temps, d’une douceur apparente ayant repoussé la mièvrerie. Une musique de chambre suggérée, héritière sans doute des compositeurs du début du XXe siècle, se teintant de nuances qui évoquent parfois l’époque médiévale ou le folklore celtique (« Chant pastoral », ou la magnifique conclusion chantée de « Secretly In Silence »). Elle peut aussi s’ouvrir à une esthétique sérielle (« My Taylor Is Reich », marqué par Steve Reich bien sûr mais qui doit autant à Claude Debussy et Philip Glass, en passant de l'un à l'autre par le chemin de la dissonance) ou inoculer un jazz sinueux et scandé, libre de ses mouvements (« LSP »). Souvent minimaliste, volontiers joueuse ou mystérieusement animale (« Tiger », « Cats & Dogs »), économe de ses notes et d’une grande prégnance, jamais doucereuse. Parfois, il lui suffit de trente secondes pour dire l’essentiel, le temps d’un « Jingle ». De magnifiques mélodies surgissent (« Chant pastoral », une fois encore, ou « Almanita »), délicatement soulevées par une alliance instrumentale équilibrée qui jamais ne cherche le « joli » mais semble plutôt poussée par sa recherche de justesse dans la retenue et de combinaisons d’effets discrets.

    Je n’irai pas par quatre chemins : même si j’ai renoncé depuis belle lurette à l’exercice un peu vain du palmarès annuel, Ikui Doki sera l’un de mes temps forts musicaux de l’année. Et je sais qu’il va tourner, tourner, tourner encore.

    Pour finir, je reviens à cette histoire d’Ayler Records qui va bientôt prendre fin. Fort heureusement, la diffusion ne va pas cesser et je me permets de vous suggérer de passer un peu de temps à découvrir le catalogue de ce label qui s’est toujours montré résistant. Parmi les dernières (et magnifiques) productions, je peux citer – entre autres – Chez Hélène par le duo Joëlle Léandre & Marc Ducret ou l’ambitieuse Jerico Sinfonia de Christophe Monniot. Tiens, j’ai bien envie, aussi, de vous suggérer Le Miroir des Ondes de Michel Blanc avec ses rappels radiophoniques des années 70 qui devraient parler à quelques-uns d’entre vous. Fouinez, laissez-vous surprendre, c’est ainsi qu’on se sent humainement plus riche, quand on a fait le premier pas vers ces mondes cachés dont les espaces sont néanmoins infinis.

  • Ici, sans bruit et nulle part Ayler…

    peter_brunn.jpgÇa fait un bout de temps que je voudrais évoquer ici le travail de Stéphane Berland. Ce passionné éclectique veille en effet avec un soin méticuleux, pour ne pas dire amoureux, sur un double label dont il est à la fois l’âme et la tête pensante. Double, oui : le premier, Ayler Records, publie des enregistrements sous la forme de disques, des vrais, avec une belle pochette digipack et un CD dedans, tandis que le second, Sans Bruit, se limite mais peut-on parler de limite quand il est question de passion et d'exigence ?  à des sorties au format numérique exclusivement. Il m’arrive souvent de penser qu’il faut être courageux, voire un peu fou, pour être traversé par l’idée de prêter vie à une entreprise aussi audacieuse en nos temps de consommation musicale « gratuite », surtout lorsque les choix artistiques de la personne qui la dirige sont frappés au sceau d’une forme réelle d’insoumission. On n’entre pas chez Ayler ou Sans Bruit sans imaginer que quelque chose de différent va se produire. Ici les musiciens (ou musiciennes) ne cherchent pas le consensus : ils explorent, confrontent leurs imaginaires en toute liberté, empruntent des chemins éloignés des autoroutes musicales mainstream, prennent le risque parfois de heurter la sensibilité de certaines oreilles habituées au confort de la répétition. Chez eux, on voit et surtout on entend bien que la musique est une matière première dont le modelage est infini et que rien ne saurait être asséné comme vérité.

    Au cours de la période récente, Ayler a laissé la créativité de quelques artistes précieux s’exprimer avec beaucoup de générosité : en témoigne par exemple Garden(s) signé Daunik Lazro, Didier Lasserre et Jean-Luc Cappozzo. Une formule atypique (saxophone, trompette, batterie) grâce à laquelle le trio cultive un désir d'échappées qui s'épanouit aussi bien sur ses propres compositions que sur un répertoire entré dans la légende (Duke Ellington, John Coltrane, Albert Ayler). On voudrait se perdre dans ces jardin enchantés... Autre trio, celui formé par la saxophoniste Alexandra Grimal en compagnie de Valentin Ceccaldi (violoncelle) et Benjamin Duboc (contrebasse). Tous les trois ont donné naissance à un si singulier Bambú qu'on a parfois le sentiment que leur musique intime, rugueuse et sinueuse, tour à tour pacifiée et inquiétante, est venue des profondeurs d'une forêt qu'on n'aura jamais fini d'explorer. Ou bien encore le formidable Miroir des ondes du batteur Michel Blanc, et sa plongée dans le grand bain de l’actualité politique des années 70 pour raviver quelques souvenirs et déployer un langage musical dont les douces folies évoquent parfois l'aventure Henry Cow. Bien sûr, il serait injuste d'oublier la contrebassiste Sarah Murcia et son Never Mind The Future, soit une proposition de relecture (il fallait oser, tout de même !) du Never Mind The Bollocks des Sex Pistols. J’avais évoqué ce disque ici-même au moment de sa sortie. Pour finir, il me semble impossible de ne pas mentionner l'extraordinaire performance du Quatuor Machaut en l'abbaye de Noirlac, sous la houlette de Quentin Biardeau. Ou comment, par la force de quatre souffles conjugués, faire revivre La Messe de Notre Dame, composée au XIVe siècle par Guillaume de Machaut. Il y a de l'éternité dans ce disque que j'avais salué au moment de sa sortie.

    Ces quelques illustrations n'ont d'autre but que de vous donner l’envie d’aller fouiner dans les moindres recoins de cette petite caverne d’Ali Baba sonore des lendemains qui ne chantent pas toujours, mais dont vous savez qu’ils sont suffisamment imprévisibles pour vous électriser. L’obstination de Stéphane Berland, finalement, a des airs d’encouragement : ici, malgré les temps difficiles, on ne baisse pas les bras.

    Chez Sans Bruit, le catalogue est tout aussi passionnant. Les deux dernières productions du label ont mis la pianiste Sophia Domancich à l’honneur : en groupe avec son Pentacle pour un disque live : En hiver comme au printemps. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, la dame nous a aussi gratifiés d’un disque solo, sobrement (et malicieusement) intitulé So. Une démonstration so... laire, c'est évident. Je n’oublie pas de surcroît qu’il y a quelques années, c’est par l’intermédiaire de ce label que j’avais découvert l’univers de Sylvain Rifflet, avec Beaux-Arts. Il y a six ans, déjà, le début d’un beau et long voyage aux côtés du saxophoniste.

    La dernière production made in Berland est à mettre à l'actif de Peter Brunn et de son All To Human. Ce batteur danois s’est acoquiné avec trois aventuriers qu’il connaît bien, au premier rang desquels le guitariste Marc Ducret, un habitué de la maison. Ecoutez donc Metatonal, par exemple, mais soyez vigilants car mettre un pied dans le monde de Ducret, c’est prendre le risque d’avoir du mal à en revenir. J'ai du mal à expliquer ce phénomène de dépendance : peut-être son origine se trouve-t-elle dans les racines très rock du guitariste, qui pour beaucoup sont communes aux miennes. Le bougre peut revendiquer dans un même disque des amours pour Bob Dylan, Genesis ou King Crimson, c'est dire... À leurs côtés, Kasper Tranberg (trompette et cornet) et Simon Toldam (claviers). Le résultat a pour nom Vernacular Avant-Garde et laisse supposer qu'il s’agit de creuser si possible un peu plus profondément encore le sillon de l’inattendu. Mais paradoxalement, le disque est une réussite en ce qu’il sait vous diriger vers ses propres territoires, souvent imprévisibles, sans pour autant vous perdre. Voilà une musique dont les contours plutôt mélodiques sont d’apparence simple ; son langage porte et emporte, entre jazz improvisé et tentations plus progressives, pour ne pas dire ambiantes. La singularité de formule sonore tient pour beaucoup à la présence marquante des claviers (en particulier du moog de Simon Toldam, très complice de la trompette) et de la guitare électrique et rageuse aux accents parfois frippiens, comme souvent, de Marc Ducret. À la croisée des chemins, une fois encore.

    À travers ces quelques lignes, vous aurez compris que je voulais saluer en toute humilité le travail de Stéphane Berland. Surtout, il était important pour moi de lui faire part de mon admiration : ce monsieur est de ceux qui sont habités de rêves et, coûte que coûte, mettent toute leur énergie au service de leur réalisation.

    Ayler Records, Sans Bruit, vous formez une belle maison, qu'il est aisé de découvrir à travers vos sites internet respectifs tant les extraits de disques sont nombreux. Y séjourner, le temps d’écouter un album ou deux, ou plus bien sûr, est un plaisir à chaque fois renouvelé. À peine s’en éloigne-t-on qu’on voudrait y revenir. S’y perdre pour mieux se retrouver. Rester vivant.

  • Matricule AYLCD-149

    sarah murcia,never mind the future,sex pistols,never mind the bollocks,ayler recordsCette petite chronique pourrait vite ressembler à un foutoir si je n’y prenais garde. Parce que j’aimerais aujourd’hui dire deux ou trois mots au sujet de Never Mind The Future, disque enregistré par la contrebassiste Sarah Murcia, dûment entourée de son groupe Caroline augmenté de deux unités pour l’occasion, soit une belle brochette de musiciens iconoclastes pour une relecture assez inattendue de Never Mind The Bollocks, l’unique album des Sex Pistols dont la parution en 1977 avait quelque peu fait chavirer certaines âmes sensibles du côté de la perfide Albion.

    Mais parler d’un tel disque, c’est aussi rappeler l’existence de ce valeureux label qu’est Ayler Records, dont j’ai déjà souligné tant la qualité du travail fourni par Stéphane Berland qui veille sur sa destinée avec un soin amoureux, que la diversité des couleurs d’une écurie qui peut, en quelques mois et trois références successives portant les numéros 147, 148 et 149, vous entraîner dans la nuit un peu glacée de l’Abbaye de Noirlac avec le Quatuor Machaut, histoire de vous donner à entendre une version pour quatre saxophones de la Messe de Notre Dame, chef d’œuvre du XIVe siècle signé Guillaume de Machaut, avant de vous entraîner du côté du Triton, aux Lilas, pour affronter la brûlure du guitariste Marc Ducret, dont le trio formé avec Bruno Chevillon et Eric Echampard se voit renforcé de trois soufflants ébouriffants que sont Fabrice Martinez (trompette), Christophe Monniot (saxophones) et Samuel Blaser (trombone) à l’occasion d’un Metatonal chauffé à blanc sur la pochette duquel les exégètes de la cause du rock progressif n’auront pas manqué de repérer un drôle de renard immortel à neuf queues déguisé en femme leur rappelant la pochette d’un vieux disque de Genesis, pendant que les amoureux de Bob Dylan comprendront vite qu’avec « 64 », composition célébrant l’année où Marc Ducret à découvert les titres de Mister Zimmerman, ils pourront retrouver, joyeusement intriqués dans un corps à corps sensuel, deux thèmes de leur héros, « The Times They Are A Changin’ » et « Wigwam ». Mine de rien, soit dit en passant, vous venez de lire une phrase comptant à elle-seule 1502 signes. Je vous en félicite...

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