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ahn tuan

  • Les élucubrations d’Ahn Tuan

    antoine galvani, ahn tuan, suite astraleJe vais être très honnête avec vous : il y a peu de temps encore, j’ignorais jusqu’à l’existence même d’Antoine Galvani, pianiste compositeur qui s’est longtemps glissé sous la peau d’un certain Ahn Tuan (vous prononcerez Antoine, bien sûr), qu’il qualifie lui-même d’alter ego un peu mégalo et qui serait, selon lui, le « premier vietnamien envoyé dans l’espace ». Galvani est un trentenaire originaire de la région de Grenoble, il est passé par la musique classique, le rock et le jazz et comme bon nombre de ses petits camarades par le Centre des Musiques Didier Lockwood. Sa discographie est riche de trois albums, de deux EP et de quelques collaborations. Notre homme voit grand, car il est question entre autres pour lui cette année d’un travail avec un orchestre symphonique. Faut-il ajouter que ce musicien a un petit côté perfectionniste qui le rend très attachant ?

    Tous deux (vous me pardonnerez cette formulation, car j’évoque ici le pianiste et son double qui est le personnage central de l’histoire qui se trame) reviennent avec un disque d’une facture très singulière dont le titre, Suite astrale, laisse deviner toute la dimension cosmique et surtout une réelle ambition esthétique. D’autant que son processus de création s’est déroulé sur une longue période d’environ cinq ans, entre écriture, enregistrement et réalisation finale. Pourtant, je ne suis pas entré sans un peu de méfiance dans cet album dont le dossier de presse et Antoine Galvani lui-même nous disent qu’il emprunte, entre autres, aux codes du rock progressif. Oui, parce que le coup du rock progressif, j’avoue qu’il vaut mieux éviter de me le faire, moi qui ai baigné dedans durant la première moitié des années 70 (tout ce qui est advenu par la suite et qui se qualifiait de tel est selon moi une imposture boursouflée), au son des Emerson, Lake & Palmer, Yes, Genesis (le vrai, le seul, celui de Peter Gabriel), King Crimson (encore qu’on pourrait discuter de son affiliation à ce mouvement musical), Pink Floyd et tutti quanti. Pas si nombreux en réalité les tutti, du moins si j’en juge par ceux qui ont vraiment laissé des traces. Cherchez bien, vous aurez du mal à en trouver. Cerise sur le gâteau de ma perplexité, les musiciens qui entourent Antoine Galvani me sont inconnus (à l’exception de deux des invités – Grégory Sallet et Aurélien Joly – excellents instrumentistes qui gravitent autour du bouillonnant collectif Pince Oreilles aux alentours de Lyon, aux côtés de la pianiste Anne Quillier). Tout cela pour dire que je suis entré dans cette Suite astrale avec des sentiments mêlés, avant de me laisser convaincre par l’absolue sincérité et le souffle qui le portent.

    Parce que Suite astrale n’est pas n’importe quelle création. C’est un concept album, comme au bon vieux temps, avec une histoire qu’on nous raconte – ici celle d’un long voyage –, c’est une seule et même longue composition découpée en grands mouvements, dont l’écriture ciselée et la production très soignée appellent de la part du pianiste cette mention sur la pochette : « Nous conseillons vivement une écoute au casque pour une immersion totale dans l’espace ! ». Pour un peu, me voici revenu au temps de mon adolescence, quand je m’allongeais à même le sol pour me caler la tête entre les deux haut-parleurs de mon électrophone et profiter à fort volume des disques que je me procurais non sans un réel effort financier. Il est peut-être là son côté « progressif », auquel je préfère le terme « prospectif » qui me semble mieux refléter la réalité de la démarche d’un musicien ouvert à bien des influences qu’il veut ici fusionner et surtout dépasser. Surtout que pour faire bonne mesure, le disque contient un livret de vingt-quatre pages dont le graphisme signé Agnès Ceccaldi pourrait évoquer de loin celui de Roger Dean illustrant tous les albums du groupe Yes.

    Mais Antoine Galvani se situe délibérément ailleurs, son écriture étant souvent empreinte d’un néo-impressionnisme qui, lui, serait plutôt le cousin pas si lointain de la Clearlight Symphony de Cyrille Verdeaux (hé, les anciens, ça vous dit quelque chose ?). Elle se nourrit aussi de la liberté du jazz, avec ça et là de belles interventions en solo (Grégory Sallet est époustouflant sur « Symetric Land » et « Home Run »), d’une énergie très rock, d’une liberté de création aux accents parfois free et d’un traitement sonore électro-acoustique qui évoque par son minimalisme magnétique le travail de Robert Wyatt. Elle se fait aussi chorale, laissant émerger par instants un chant aux couleurs classiques. En réalité, Suite astrale n’est pas de ces disques qu’on détaille. On le prend comme un ensemble et surtout, on savoure le privilège que nous accorde son compositeur : celui du temps. Sont-ce là les effets bénéfiques d’un voyage intersidéral dont il est question ? Durant ses 75 minutes (dont, il faut tout de même le signaler, une bonne vingtaine de silence au beau milieu du thème final baptisé « Home Run » avant une conclusion tourmentée), Antoine Galvani nous projette ailleurs, dans un monde ouvert et sans limites où il fait bon s’arrêter. Allez savoir pourquoi et comment, ce disque laisse un vide après lui. Le pari d’une évasion est gagné haut la main, il faut accepter de redescendre tout doucement de ces hauteurs étoilées que l’album nous a fait toucher du bout des doigts.

    Les musiciens de la Suite astrale

    Antoine Galvani (composition, piano, synthétiseur, carillon, chant), Illyes Ferfera (saxophones ténor et soprano), Arthur Henn (contrebasse), Baptiste Castets (batterie, percussions) + Grégory Sallet (saxophone soprano), Aurélien Joly (trompette), Lionel Moreau-Flachat (saxophone alto), Antoine Destephany (trombone), Ben Barutel (guitare électrique, composition du thème orginal de « Symetric Land »), Baptistine Mortier (chant), Nikitch (machines), Agnès Ceccaldi (graphisme).

    Présentation de l'album

    Antoine Galvani parle de sa Suite astrale