WTC 9/11
Steve Reich n'est pas un compositeur comme les autres. On peut, sans prendre le risque de se tromper, le considérer comme un créateur en ce cens qu'il aura réussi à inventer son propre univers musical : pour faire court, disons qu'il est un minimaliste répétitif, qui sait aussi imaginer des arrangements autour de sons ou de voix préalablement enregistrés (comme le firent au début des années quatre-vingt, dans une esthétique différente, Brian Eno et David Byrne avec leur remarquable My Life In The Bush Of Ghosts). Different Trains (l'un de ses plus beaux disques, magnifié par la présence du Kronos Quartet) ou City Life, sont deux exemples très captivants de la singularité d'un artiste qu'il faut, si possible, voir évoluer sur scène tant le spectacle offert par son ensemble est éblouissant. Depuis le milieu des années soixante et des oeuvres aussi ouvertement novatrices (mais certainement déroutantes pour des oreilles timides) que Come Out ou Four Organs, Steve Reich fait résonner sa petite musique, aujourd'hui moins choquante bien que d'une exigence avérée, et dont les flots se déversent souvent au moyens de percussions (vibraphones et marimbas sont souvent de la fête) ou de cordes. Aussi la parution d'un nouveau disque est-elle toujours, à sa manière, un événement : voilà que le compositeur commémore la tragédie New-Yorkaise du 11 septembre 2001 avec WTC 9/11. Passons très vite sur la surmédiatisation de cette date tragique par une Amérique oublieuse d'un autre 11 septembre tout aussi meurtrier, en 1973 celui-là, pour écouter cette nouvelle composition interprétée une fois encore par le Kronos Quartet (complétée ici par Mallet Quartet et Dance Patterns), qui ne provoque pas de surprise particulière pour les habitués de cette musique dans la mesure où elle s'inscrit dans le droit fil des précédentes. Mais il reste un univers, immédiatement identifiable et toujours hypnotique, qui continue de captiver. Un peu moins peut-être qu'auparavant, mais un peu moins chez Steve Reich, c'est toujours beaucoup. Le disque est complété par un DVD qui met en scène le trio So Percussion dans sa version de Mallet Quartet : on ne saurait s'en plaindre.
PS : la pochette visible en tête de cette note n'est pas celle du disque. Elle aurait dû l'être mais... elle fut censurée parce que jugée trop choquante pour les Américains qui, pourtant, ont eu maintes occasions de se repaître du visionnage télévisé de la destruction des Twin Towers ou de bien d'autres spectacles tout aussi violents, un peu partout dans le monde.
On peut écouter le disque ici...
Steve Reich évoque WTC 9/11 (désolé pour les non anglophones...)