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  • Le futur, c’est maintenant

    pan-g futurlude.jpgÇa commence un peu comme du Magma, période Köhntarkösz. Une entrée en matière en forme d’ouverture au format XXL nommée « M’Baracujda », telle une première déflagration pour bien camper le décor. Au point qu’on se dit qu’Aloïs Benoit, tromboniste et compositeur de cette bande de furieux réunis sous la bannière pAn-G, doit bien avoir, nichée dans un des nombreux recoins de sa tête bien faite, la mémoire de cette composition de Christian Vander. Je peux me tromper, bien sûr... Et de toutes façons, là n’est pas l’essentiel car ce qui suit est une démonstration implacable, celle de la richesse d’un collectif et surtout de sa puissance de feu, comme si les dix musiciens en action étaient mus par des forces telluriques. On ne croit pas si bien dire parce qu’il y a de l’éruption et du volcanique chez ces jeunes gens...

    Sans tomber dans le piège de la cuistrerie, il n’est pas inutile de rappeler que la Pangée, c’est notre bonne vieille Terre d’avant. Après le regroupement des continents et avant leur dispersion, un phénomène toujours en cours, d’ailleurs. Ce petit rappel historico-géographique ne vient pas ici par hasard. Car la musique de pAn-G a des allures de supercontinent, elle constitue un vaste ensemble qui ferait fi des styles et des genres pour s’octroyer le droit d’un assemblage visant à n’en faire qu’une qui soufflerait en tempête, comme une fanfare folle. Rock au sens classique ou progressif, jazz jusque dans ses retranchements les plus free, musique de chambre, sérielle, bruitiste ou venue de traditions lointaines aux accents caribéens dans un grand carnaval sans frontières. C’est tout cela pAn-G, un orchestre survolté du brassage, qui avance vers un avenir que d’aucuns jugent incertain, mais qu’il semble aborder sans crainte.

    Futurlude, tel est le nom de ce deuxième album, enregistré live le 24 mars 2016 au Petit Faucheux de Tours, est un disque qui voit le jour chez L’Autre Distribution, après un premier EP sorti en 2013, dont j’avais rendu compte par une chronique publiée du côté de Citizen Jazz. Son titre dit beaucoup de choses sur l’état d’esprit de pAn-G : il est bien question de regarder devant et d’aborder le futur avec résolution, non sans gourmandise. Autant le dire : il serait vain de détailler les six compositions de haute-voltige qui le forment tant elles constituent une suite à couper le souffle, atteignant à intervalles réguliers des sommets dont bien des groupes de rock pourraient lui envier l’énergie, passant par des rivages symphoniques avant de plonger dans les eaux profondes d’une quête frénétique où s’illustrent des solistes au jeu habité. Si vous avez besoin d’être convaincu, écoutez par exemple le saxophone baryton de Rémi Fox sur « Trans-pan-G-Xpress », dédié à la mémoire de Grégoire Gensse, récemment disparu, lui l’âme d’un Very Big Experimental Toubifri Orchestra déjanté.

    Une énergie de la démesure – pour ne pas dire une folie collective – circule dans les veines des dix protagonistes issus pour la plupart du CNSMD de Paris et qu’il faut citer tous. Parce qu’ils forment la jeune garde d’un jazz prospectif, qui n’en est qu’au début de sa route et qu’on retrouvera en action ici ou ailleurs, c’est évident. Surveillez-les de près. Aux côtés d’Aloïs Benoit : Yannick Lestra (claviers), Thomas Letellier (saxophone ténor), Gabriel Levasseur (trompette, bugle), Alexandre Perrot (contrebasse), Ariel Tessier (batterie), Jean Dousteyssier (clarinettes), Thibault Florent (guitare), Rémi Fox (saxophones alto, baryton et soprano), Romain Lay (vibraphone). Certains d’entre vous auront déjà repéré quelques noms, parce qu’ils évoluent dans d’autres sphères aux esthétiques distinctes, mais gagnées par la même effervescence créative (ONJ Olivier Benoit, nOX.3, The Amazing Keystone Big Band, The Very Big Experimental Toubifri Orchestra...). Et quel que soit votre degré de connaissance de cette scène en ébullition, vous comprendrez qu’on a affaire à du sérieux, du lourd comme on dit un peu trivialement. Il se passe quelque chose qui ressemble à l’invention d’un langage.

    Il est assez difficile de rendre compte par les mots d’un tel disque. Futurlude est un monde à lui-seul (après tout, c’est logique avec un tel nom de groupe), un objet musical sans équivalent, héritier de quelques grands ensembles débridés (Zappa, autre parangon de la démesure, n’est pas si loin par moments) qu’il transcende pour pousser son propre cri. Je n’ai qu’un seul conseil à vous donner : ouvrez vos oreilles en grand, profitez-en pour ouvrir aussi les fenêtres, montez le son et laissez-vous faire. Surtout, évitez d’aller chez le coiffeur juste avant car pAn-G va vous ébouriffer.